Hyrgal
Sessions funéraires anno MMXXIII
Genre black metal
Pays France
Label Les Acteurs de l’Ombre Productions
Date de sortie 07/04/2023

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Le 20 mai 2022, Hyrgal faisait forte impression en sortant son troisième album éponyme ; plus encore le lendemain en jouant ce dernier dans son intégralité sur la scène du LADLO Fest II. Par la suite, le quatuor provençal ne tarde pas à se remettre au travail pour lui offrir un premier successeur. Ce dernier nous parvient ainsi moins d’un an plus tard, sous la forme d’un EP intitulé Sessions funéraires anno MMXXIII et sorti le 7 avril 2023, dans une relative discrétion cette fois-ci, mais non sans susciter attente et curiosité chez son public. Après un opus éponyme faisant la synthèse de la densité et de la fureur mélancolique qui animent le black metal du groupe depuis ses débuts, que peut bien donc offrir cette nouvelle et petite production, du haut de ses six titres et vingt-cinq minutes d’écoute comprenant une reprise de Marduk, influence majeure d’Hyrgal ? Le seul titre de l’EP apporte un début de réponse, laissant présager une ambiance sombre et mortifère…

S’ouvrant sur une introduction acoustique aux quelques notes dissonantes pas là pour rassurer, sur laquelle s’enchaînent les premiers blasts et tremolo pickings, Deuil éclair confirme d’office cette idée ; idée qui se voit très vite renforcée par la voix éraillée du frontman C.F. hurlant le deuil du titre, deuil dont la nature demeure un mystère. Serait-ce celui de Svart Crown, groupe cousin d’Hyrgal ayant annoncé sa séparation après sa prestation au Hellfest 2022 ? De tout autre chose ? Dans tous les cas, en accord avec le titre, le groupe ne perd pas de temps en circonvolutions et autres fioritures, optant comme à son habitude pour une approche directe, voire brutale, couplée à un tempo schizophrénique. En moins de quatre minutes, l’auditeur se retrouve alors submergé des émotions contradictoires auxquelles confronte le deuil, aussi profondes et viscérales qu’instables. Il n’a pas le temps de s’en remettre qu’Hyrgal lui envoie ses Phalanges assassines, dont les assauts frappent encore une fois dans le mille. Ce deuxième morceau et extrait promotionnel, en accord avec la thématique martiale de son titre, adopte une rythmique ternaire très carrée, portée par les coups que porte R.S. sur la grosse caisse et le tranchant de la basse d’A.C. ; C.F et M.N. révélant quant à eux une nouvelle fois après l’éponyme leur bonne complémentarité aux guitares. De nouveau, les efforts combinés des quatre musiciens confèrent au morceau un ton grave, voire austère, renforçant l’hypothèse faisant de Sessions funéraires anno MMXXIII une production portant les stigmates d’un ou de pertes, concrètes ou abstraites. Par la suite, le tempo ralentit d’un cran sur Épique spleen, gagnant en régularité ce qu’il perd en rapidité et renforçant là aussi l’impression générale. Hyrgal ne fait pas pour autant rimer ralentissement avec essoufflement et le démontre en adoptant pour ce morceau un rythme très catchy, voire dansant par moments. Cet aspect presque léger tranche pour le moins avec la noirceur et la lourdeur, des riffs d’une part, de la voix écorchée vive de C.F. déclamant sa mélancolie baudelairienne d’autre part, mélancolie que clame également la guitare lead en milieu de morceau.

Plus marquant, néanmoins, est le tournant que prend le traitement de cette mélancolie dans la deuxième moitié de Sessions funéraires anno MMXXIII, amorcée par Gorge blanche / Surin noir et son intro grésillante semblant tout droit sortie d’un vieux mégaphone. Au travers de ce morceau au tempo toujours plus lent et au titre porteur de dichotomie, Hyrgal illustre cette dernière en mêlant à la base black metal des influences doom, voire sludge, qui donnent à la composition une allure d’authentique marche funèbre. Du point de vue vocal, la superposition du chant extrême et du chant clair vient compléter ce tableau noir et blanc — bien aidée en cela par la justesse du texte, encore une fois récité tel un poème de la période romantique. Sur son outro s’enchaîne directement l’intro de l’avant-dernier morceau de l’EP, 炎が秒を貪り食う場所 ( « où les flammes dévorent les secondes » en japonais, phrase issue du texte de Gorge blanche / Surin noir, ndlr). Cependant bien loin de l’ambiance japonisante induite par son titre, Hyrgal réserve une pénultième surprise à ses auditeurs, la tempête black/sludge laissant place à l’accalmie du noise ; de même que les déclamations poétiques à des sons inhumains désarticulés. Liés par leur enchaînement comme par leur vocabulaire, Gorge blanche / Surin noir et 炎が秒を貪り食う場所 forment à eux deux un dyptique achevant de pousser le deuil et l’austérité dans leurs retranchements. En guise d’ultime tour de piste, le groupe gratifie ses fans et ceux de Marduk d’une reprise de Dark Endless, issu du premier album des géants suédois du black metal. Un choix qui a de quoi étonner, d’une part au vu de la relative obscurité dudit titre liée à son ancienneté, d’autre part au regard du fait qu’Hyrgal ne compte pas parmi les groupes ayant habitué son public à des reprises ! De par son décalage avec le reste de Sessions funéraires anno MMXXIII, cette reprise fait office de bonus de très bonne facture apportant à l’EP une conclusion satisfaisante.

Le concept du deuil, tout abstrait qu’il parait, peut prendre de multiples formes par là même difficiles à retranscrire. Avec ces Sessions funéraires anno MMXXIII, Hyrgal offre à cette disparité sa digne représentation ; ceci au travers de morceaux variés dans leur rythme mais constants dans leur ton, résolument sombre et empreint de poésie macabre, et se permettant un hommage à sa principale influence en la personne de Marduk. Un avant-goût d’un quatrième album à venir ? En tout cas, une production solide et équilibrée, à écouter sans retenue en attendant…