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Je n’ai pas eu la chance d’assister à un concert entier d’Heilung, dont le groupe et ses afficionados vous diront qu’il s’agit d’une cérémonie bien plus que d’un simple concert. Ainsi, cet album live, Lifa lotungard, issu de la captation du Red Rocks 2021, est une aubaine pour moi. En effet, j’étais au Hellfest en 2022, mais impossible de pénétrer sous le chapiteau du Temple malgré le fait que nous n’étions que jeudi.
La prière d’Opening Ceremony rend les spectateurs acteurs puisqu’ils se joignent au groupe pour répéter les mots prononcés par Kai Uwe Faust : “Remember, we are all brothers. All people, and beasts, and tree and stone and wind. We all descend from the one great being that was always there, before people lived and named it, before the first seed sprouted”, sur fond de vent qui se lève, de rivière qui coule et d’oiseaux chantant. Même si la réputation du groupe le précède, notamment en musique de jeux vidéo, l’expérience de l’écoute du live est totalement différente.
Puis la corne sonne, les os s’entrechoquent et c’est parti pour plus de 70 minutes de voyage dans ce que certains reconnaîtront comme leurs origines avec un son profond et dont les ajouts modernes servent les sonorités venues d’un autre âge. Si le voyage se fait dans le temps, il est aussi géographique. Les inspirations nordiques et les langues utilisées dans les différents morceaux ne laissent aucun doute. Lorsque Maria Franz prend possession de tout l’espace vocal à la fin d’In Maidjan, sa voix claire s’envole et nous accompagne dans une transe dont seuls les interstices gutturaux peuvent exclure les non-initiés.
Alfadhirhaiti, troisième morceau de l’album, nous démontre que le groupe est un vrai collectif ; les loups hurlent, la voix masculine de Christopher Juul prend le lead, la voix féminine donne du contraste par petites touches et les chœurs prennent le relais ou ajoutent de la profondeur. Je ne reconnais que peu d’instruments, s’il y a une rythmique c’est un tambour, des percussions et non une batterie, on oublie les guitares et basses électriques en tout genre. La question se pose, se laisser embarquer ou continuer à analyser ce que mon cerveau n’identifie pas forcément avec uniquement mon ouïe ?
Le 4e morceau, Krigsgaldr, est en partie interprété en anglais — et cela peut surprendre car la poésie de la langue est différente du danois — et la compréhension des paroles en change la dimension. Norupo alterne chants parlés, déclamations en voix de tête et chants polyphoniques, une flûte reprend la mélodie chantée par Maria Franz, nous sommes sûrement autour du feu où les sages nous racontent l’histoire de nos ancêtres en les invoquant sur le rythme régulier du tambour. L’esprit appelé arrive vingt secondes avant la fin du morceau, et je ne suis pas sûre qu’il soit bienveillant. Heureusement, Heilung est là pour nous protéger via les sorts de protections d’Othan.
Elddasurin est plus électronique comme si la transe acquise imposait un autre rythme auquel tous les spectateurs adhèrent forcément.
Je ne peux que vous conseiller, si vous aimez ce groupe, de vous rendre aux concerts organisés par Morrigan Prods qui, notamment lors du LID AR MORRIGAN, nous fait découvrir des sons venus d’ailleurs.
Pour une non-initiée comme moi, l’écoute de Lifa lotungard se fait en plusieurs fois et un seul désir revient, vivre un concert pour de vrai.
Pour conclure, ce collectif est impressionnant par la profondeur de sa musique et par l’harmonie qui règne entre les différents acteurs. Chaque son est choisi pour donner un effet et même si je ne peux identifier tous les instruments, je note que la production est nette, au service du message, du voyage, des sensations et de l’union du collectif et des spectateurs pendant un moment unique.