Imperial Triumphant

Spirit of Ecstasy

Avant-garde Black/Death Metal

Etats-Unis

Century Media Records

2022.07.22

Chaotique est un qualificatif fréquemment utilisé par les non-initiés du Metal extrême pour décrire des pièces agressives, bruyantes ou moindrement hors de leur zone de confort. Il est en effet difficile de leur reprocher une telle description lorsque ces genres musicaux se veulent être transgressifs de par leur nature. Il n’en reste pas moins que cette description se voit limitative et parfois trop généralisée.

Une oreille plus expérimentée pourra en effet identifier les subtilités entre un groupe misant sur une atmosphère découlant de la répétition de quelques accords ou encore d’un groupe qui mise plutôt sur des structures des plus standards comme le fameux rondo. Pour certains groupes par contre, comme pour le groupe américain Imperial Triumphant, force est d’admettre qu’aussi limitatif puisse-t-il être, chaotique se trouve être le mot le plus approprié pour décrire leur musique.

Bien qu’ils ne soient pas les premiers, ce groupe new yorkais intègre des concepts clefs au style  »free jazz » tels que l’improvisation, l’expérimentation, la transgression et l’accentuation sur le timbre plutôt qu’à la note. Il en résulte donc une musique qui se décrit tout aussi bien que la mégalopole habité par le trio : frénétique, dynamique et étourdissante.

Leur cinquième album,  »Spirit of Ecstasy », est le dernier d’une trilogie où l’on pourrait grossièrement décrire leur genre musical comme une rencontre entre du death/black métal expérimental du style Portal ou Deathspell Omega et du  »free Jazz » dans le style du grand Charles Mingus. Bien qu’il s’agisse du deuxième album distribué sous Century Media, le son et la structure musicale rappellent plutôt l’album  »Vile Luxury » où le groupe dévoilait, pour la première fois, de façon plutôt explicite, ses liens avec l’univers du Jazz. On y retrouve une approche plus organique bien plus proche du style free form qu’Alphaville où l’approche plutôt méthodique et technique typique du Metal était plus présente.

L’utilisation des influences jazz se retrouve non seulement dans les quelques interludes où l’on peut distinguer la présence de trompette, trombone et même saxophone (tel que le solo effectué par l’un des musiciens les plus célèbres dans la scène du smooth Jazz, Kenny G., au milieu de la pièce Merkurius Gilded) mais également dans la composition. En effet, dès les premières mesures de la pièce Chump Change on se retrouve dans un univers dissonant où la batterie ne suit aucune structure reconnue puis s’en suivent quelques accords atonaux produits par les guitares. Les voix employées dans cet album peuvent être, une fois de plus, comparées au style apparaissant dans la discographie de Deathspell Omega, un vocal style hybride, situé entre le cri de type  »fry scream » caractéristique du style black metal et le  »growl » plus commun dans le Death Metal.

Le mixage de l’album joue un très grand rôle dans l’expérience musicale qu’offre  »Spirit of Ecstasy ». L’album alterne entre l’utilisation d’effets d’écho et de réverbération pour donner l’illusion d’espace et de volume (la deuxième moitié de Tower of Glory, City of Shame) et du bruit blanc conjointement au  »palm mute » de la guitare pour plutôt donner une sensation claustrophobe (Metrovertigo).

Il en ressort ainsi une expérience fiévreuse et chaotique où l’atonalité et la dissonance règnent en maître. Que ce soit pour les néophytes ou pour les amateurs de Metal extrême, cet album sortira plus d’un de sa zone de confort.

Bien qu’Imperial Triumphant reste tout autant cohérent dans son approche innovatrice, déconstructiviste et primitive, il n’en reste pas moins que leur musique reste difficilement accessible et approchable pour ceux qui ne s’y retrouvent pas parmi l’éventail du genre avant-gardiste.

Je recommanderais donc certainement l’album aux fans de l’inattendu, aux intéressés de l’avant-gardisme et pour les plus aventureux des metalleux. Pour ma part, je reconnais l’innovation et l’ambition de tel projet. Il m’apparait clair qu’Imperial Triumphant repousse les limites du métal extrême et que l’album  »Spirit of Ecstasy » cimente ce groupe New Yorkais parmi les grands acteurs de musique avant-gardiste. Je me vois par contre obligé d’admettre que je ne peux que laisser cette musique chaotique, décousue et certainement bizarre, à ceux qui s’intéresse davantage à cette scène.