Watain
The Agony & Ecstasy of Watain
Genre black metal
Pays Suède
Label Nuclear Blast Records
Date de sortie 29/04/2022

Site Internet

Watain a effectué un trajet long et pas toujours facile depuis ses débuts en 1998. Entre une première partie de carrière marquée par la sortie de Casus Luciferi et Lawless Darkness, souvent considérés comme des chefs-d’œuvre, et une seconde marquée par celle de The Wild Hunt, ayant suscité des réactions polarisées, suivie d’un retour partiel aux sources avec Trident Wolf Eclipse, le trio suédois s’est frayé un chemin jusqu’au panthéon du black metal européen aux côtés de ses compatriotes de Marduk tout en ne cessant de générer la division. Groupe ayant mérité son succès aux yeux de certains, surestimé selon d’autres, le nom de Watain est dans tous les cas désormais ancré dans les esprits des fans du genre. Cette année, à l’approche de son vingt-cinquième anniversaire, le groupe fête ce dernier de manière anticipée en sortant son septième album intitulé The Agony & Ecstasy of Watain. Si ce titre évoque de prime abord une compilation des meilleurs moments de la carrière du trio, il révèle en réalité une rétrospective d’un autre acabit, à la fois proche et éloigné de cette idée…

Tonitruant, triomphant, titanesque ; ces trois termes en T suffisent à résumer le style que Watain a su se forger au fil des années. Fidèle à ces valeurs qui sont les siennes, le groupe capte l’attention dès les morceaux d’ouverture Ecstasies in Night Infinite et l’extrait promotionnel The Howling, à la manière qui est la sienne, c’est-à-dire au rythme et au son de l’apocalypse. La furie et la rage typiques de Watain ressortent dans la densité des riffs et des blasts du premier tout comme dans les mélodies accrocheuses du second, auxquelles s’ajoutent les hululements d’Erik Danielsson en accord avec le titre. Le choix de The Howling comme premier extrait promotionnel était sans nul doute le plus pertinent, tant le morceau se révèle d’une efficacité redoutable, démontrant à lui seul les deux plus grandes forces de Watain que sont, d’une part, le déchaînement infernal des instruments, d’autre part, la création d’atmosphères immersives et quasi-religieuses. Le groupe démontre d’ailleurs encore davantage son excellence dans ce second domaine sur Serimosa, ralentissant le tempo pour accorder un plus grand espace d’expression aux orchestrations ainsi qu’à la guitare lead.

À l’image de son titre et d’une pièce de théâtre, l’album se divise en deux actes séparés par un interlude, ici Not Sun nor Man nor God, piste d’une courte minute et demie composée de piano et de quelques notes de guitare. Cependant, au-delà de cet intermède dont le calme fait certes du bien, mais dont l’intérêt ne réside finalement que dans le suspense qu’il engendre vis-à-vis de la suite, se dévoile bien plus qu’une transition séparant l’Agony d’un côté et l’Ecstasy de l’autre. À ce stade, il paraît évident que chacun des titres combine les deux d’une manière ou d’une autre, la première au travers des mid-tempos axés sur l’ambiance, la seconde au travers de titres courts laissant place à la vitesse d’exécution. En vérité, Watain mobilise, dans cette deuxième moitié d’album, le maximum de ses capacités à créer un aspect à la fois épique et dramatique à ses compositions. En résultent, notamment, Before the Cataclysm et Septentrion, les deux titres les plus longs de l’album dont la durée, bien loin de laisser place à l’ennui, offre au contraire les deux morceaux les plus aboutis — qualificatif d’autant plus approprié que le second constitue la clôture de l’album. Le plus marquant reste toutefois le second extrait promotionnel, We Remain. Plus accessible que le reste de par sa structure simplifiée et la constance de son rythme, il ne loupe pas le coche pour autant et se démarque en prenant des allures psychédéliques, apportées en partie par les mélodies planantes du synthétiseur et des guitares, en partie par le chant féminin oriental de Farida Lemouchi. Tout ceci assemblé donne comme résultat un titre qui hantera plus d’un esprit, à n’en pas douter.

Au sujet des performances, il est de bon ton de rappeler que l’effort collectif est rendu possible par un ensemble d’efforts individuels et qu’à ce titre, chacun d’entre eux mérite le crédit qui lui est dû. À commencer, bien sûr, par les membres permanents de Watain eux-mêmes, Erik Danielsson et Pelle Forsberg démontrant une fois de plus leur polyvalence dans l’écriture comme dans leurs instruments respectifs. Håkan Jonsson, bien que n’ayant pas participé à l’enregistrement, s’est tout de même impliqué dans le processus d’écriture et donne du bon grain à moudre à son remplaçant Emil « Forcas » Svensson, qui de son côté assure la relève avec brio. En parlant des musiciens de session, tout aussi essentiels chez Watain, ces derniers apportent chacun leur petit plus non négligeable. Le groupe a toujours accordé une importance de taille à la guitare lead, et Hampus Eriksson forme à ce niveau un binôme de choc avec Pelle Forsberg ; de même, il fait plaisir d’entendre s’exprimer les talents de bassiste d’Alvaro Lillo, notamment sur Funeral Winter. Enfin, en parlant de bassiste, l’ancien de In Solitude Gottfrid Åhman se montre tout aussi à l’aise sur l’instrument à six cordes en tant que second invité spécial sur We Remain. Tous ces talents se complètent les uns les autres, aidés en cela par une production de qualité assurée d’une main de maître par Tore Stjerna, fidèle au poste depuis plus de vingt ans. Pourquoi changer une équipe qui gagne, après tout ?

D’aucuns estimaient que Watain s’était éloigné de ses intouchables racines au fil des années, avant de nouveau s’en rapprocher à pas de loup. Cette année, le groupe effectue encore un pas dans ce sens avec The Agony and Ecstasy of Watain, album synthèse dont la complémentarité entre la furie démoniaque et l’atmosphérique comme entre les musiciens eux-mêmes est le maître mot. Hormis un intermède de mi-album plutôt oubliable, aucune réelle faiblesse n’est à déplorer et l’ensemble est d’une efficacité diabolique, l’une des meilleures de la carrière du groupe s’il en est. Watain fête ses vingt-cinq ans, mais pour l’occasion, c’est bel et bien à son public qu’il offre un beau cadeau. Alors, en avance, levons nos cornes pour lui souhaiter un joyeux quart de siècle.