Dawn of Solace
Flames of Perdition
Genre doom/gothic metal
Pays Finlande
Label Noble Demon
Date de sortie 28/01/2022

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Mettre en musique la mélancolie est une spécialité dont la Finlande peut se vanter. De tous les représentants de cette fierté locale (nationale), Tuomas Saukkonen compte parmi les plus talentueux. En 2020, le très prolifique musicien et compositeur créait la surprise en ravivant un de ses anciens projets, Dawn of Solace, par la sortie d’un deuxième album intitulé Waves. Celui-ci témoigne d’une nouvelle direction musicale, plus intense, plus directe et plus pure, accompagnée d’une approche vocale centrée sur le chant clair du nouveau vocaliste Mikko Heikkilä. La musique de Dawn of Solace sortait ainsi revigorée de près de quinze ans d’hibernation. En janvier 2022, l’étincelle devient flammes dans Flames of Perdition, nouvelle offrande du duo à un public ravi de (re)découvrir ce dernier.

Dès le titre d’ouverture, également premier single sorti cinq mois plus tôt, White Noise, ledit duo fait montre d’une grande générosité envers ses auditeurs en offrant à ces derniers, en ce seul extrait, un concentré de ses meilleurs atouts, ce en quoi réside l’essence même de Dawn of Solace. L’ambiance s’y fait pesante, opprimante, portée par les deux couples formés, d’un côté par la combinaison de l’acoustique et de l’électrique, de l’autre par une section rythmique qui frappe lentement, mais sûrement. La caisse claire très puissante dans le mix et la basse au son très rêche, typiques des productions Tuomas Saukkonen, effectuent un retour attendu. La montée en puissance du morceau débouche sur un solo assuré non sans brio par Jukka Salovaara, collaborateur régulier pour Dawn of Solace. Ce schéma somme toute classique n’en manque pas moins de prendre aux tripes pour les tordre sans pitié. Il en est de même pour la vidéo qui l’accompagne, viscérale dans sa mise en scène, au point d’en devenir dure à regarder ; ceci en accord avec un titre évoquant la torture. Ces mêmes forces se retrouvent dans le titre éponyme, à ceci près que la guitare lead laisse place à une autre récurrence de l’univers de Tuomas Saukkonen ; à savoir, un piano dont chaque touche apporte son lot de mélancolie.

Mélancolie, littéraire : « état de tristesse vague accompagné de rêverie ». Cette définition donnée par un dictionnaire, si simple, semble pourtant celle qui capture le mieux l’essence de Flames of Perdition. Ce vague à l’âme s’expose dans ses aspects les plus élégants, tout à la fois froids et doux. Tuomas Saukkonen, déjà peu coutumier des démonstrations de grandiloquence, profite de ne pas avoir à porter le statut de frontman pour créer l’expression de son monde intérieur par d’autres biais que les mots. Le premier de ces biais repose, sans surprise pour qui connaît bien le travail du compositeur, sur la guitare acoustique, dont la maîtrise qu’il possède n’est plus à prouver. Bien loin de se trouver noyée au milieu d’instruments plus bruyants, elle s’intègre avec fluidité et naturel, ceci grâce à un mixage maîtrisé au millimètre ainsi qu’à des notes jouées d’une manière incisive, presque brutale. Dans un second temps, l’écriture des morceaux met l’emphase sur les montées en puissance. Ces dernières sont appuyées, d’un côté, par des orchestrations se faisant discrètes mais pertinentes, de l’autre, par des refrains constituant le véritable cœur émotionnel des morceaux. D’un Skyline au rythme lancinant à un Erase plus orchestral et plus rapide, chacun bénéficie du même traitement, avec soin et amour.

Tuomas Saukkonen s’efface, également, derrière ses collaborateurs, laissant champ libre à ces derniers pour exprimer cette même mélancolie à leur manière. Jukka Salovaara, qui fait parler à ses cordes le langage des muets sur White Noise, bien sûr, mais aussi et surtout Mikko Heikkilä. Celui dont l’intégration à Dawn of Solace, il y a à présent deux ans, s’est vue mise au cœur de l’évolution du groupe, cimente le statut de frontman qui lui incombe, sa voix se trouvant, à son échelle, au cœur de Flames of Perdition. Véritable fil rouge de l’album, elle porte ce dernier d’un bout à l’autre, conduisant l’émotion étape par étape d’un ton tout à la fois posé et plaintif ; ceci en demeurant toujours juste et sans fioritures. Par ailleurs, si le silence en dit parfois plus long que les mots, la puissance de ces derniers n’est pas à négliger et fait son œuvre lorsque Mikko Heikkilä clame, au moins autant qu’il chante, des discours moins pessimistes que ce que l’ambiance générale peut laisser croire… Axés pour la majorité autour d’un autre fil conducteur, celui du feu, ils mettent en musique ce dernier en tant que source de destruction comme dans le faussement léger Erase ou le morceau éponyme. Cependant, cette destruction devient bien souvent synonyme de nouveau départ sur des bases plus saines ; tandis que le feu devient de son côté source de lumière, sous forme d’un soleil levant dans Skyline ou d’étoiles au-delà d’un Event Horizon. À l’image de la carrière du groupe, cette thématique rappelle la nécessité de ne pas perdre espoir, même lorsque tout semble noir alentours…

Après Serenity, solennelle outro instrumentale appelant au recueillement au bout de seulement huit morceaux, l’on pouvait craindre un départ abrupt de Dawn of Solace nous laissant sur notre faim. Le duo réserve toutefois une dernière surprise à ses auditeurs en leur ouvrant les portes de son studio pour leur offrir deux titres ré-enregistrés dans les conditions du direct, sans éléments autres que la guitare et la voix. À l’occasion de ce petit voyage dans le temps, le groupe va jusqu’à remonter plus de quinze ans en arrière en revisitant Dead Air, extrait du tout premier album, qui trouve ici un second souffle. En vérité, l’intimité de quatre murs, de même que l’absence de tout filtre, donne à la musique du groupe, par l’intermédiaire de ces deux seuls morceaux, une dimension plus sobre qui laisse ressortir le talent brut de chacun des membres du groupe dans son expression la plus sincère. Sans orchestrations ni section rythmique pour l’appuyer, Mikko Heikkilä ne perd pour autant rien en matière de justesse ni de clarté et continue de tenir la note sans faiblesse. De son côté, Tuomas Saukkonen prouve une fois de plus, bien que cela ne lui soit plus nécessaire depuis un long moment, son excellence en tant que guitariste acoustique. Ainsi, Dawn of Solace montre que si sa musique n’est pas calibrée pour être jouée sur scène, elle se prête malgré tout bien au live…

Si Waves avait en 2020 ravivé la flamme, Flames of Perdition la fait aujourd’hui rayonner et s’élever vers les cieux nocturnes. Avec cette nouvelle production, Dawn of Solace ne fait que confirmer son retour en force, dans le style qui lui est propre et à la conquête de nouveaux fans — et des étoiles. Les deux musiciens invitent leur public, en tout cas, à élargir ses horizons, voir par-delà le trou noir et écouter au-delà du silence. Nombreux, espérons-le, seront ceux qui accepteront de les suivre dans cette aventure fascinante autant qu’incertaine…