Sabaton
The War to End All Wars
Genre Power Metal
Pays Suède
Label Nuclear Blast Records
Date de sortie 04/03/2022

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Intitulée The War to End All Wars, la galette s’ouvre avec Sarajevo, qui nous explique brièvement les racines de ce conflit appelé à mettre un terme à tous les autres. La narration est assurée, tout comme sur The Art of War (2008) et The Great War (2019), par la talentueuse Bethan Dixon Bate. La construction du morceau est assez originale, en effet, seul le refrain est chanté. Un titre qui sert de mise en bouche réussie avant d’entrer de plain-pied dans le sujet. Il devrait peut-être remplacer l’immuable Ghost Division en ouverture des concerts de la formation suédoise.

La production est parfaite et met remarquablement en valeur tous les instruments, ce qui n’était pas forcément le cas dans les premières années. Le groupe a définitivement les moyens de ses ambitions, les superbes vidéos de promotion sorties il y a peu en sont la preuve éclatante.

Stormtroopers déboule dans nos oreilles et les fans peuvent être rassurés, Sabaton évolue toujours dans le style caractéristique qui a fait son succès. Un morceau rapide, dans la plus pure tradition du power metal européen, avec ces immanquables attaques de double basse qui forment un mur sonore bétonné, magnifié par le soin apporté au refrain, une constante dans l’œuvre du combo depuis le début, et surtout cette voix reconnaissable entre mille. Joakim Broden est le leader incontestable et incontesté du groupe. Personne ne peut remettre en question son incroyable charisme, que l’on adhère ou pas à son projet. Il assure quasi l’intégralité de la musique et des textes, parfois aidé par son complice de toujours Pär SundströmSabaton, c’est lui et personne d’autre, tant et si bien que « ses » musiciens paraissent presque interchangeables. Le départ inattendu des deux tiers du groupe, il y a dix ans, après la sortie du chef-d’œuvre Carolux Rex, n’a pas altéré la popularité des Scandinaves. Des désertions en cascade toujours difficilement explicables aujourd’hui, puisque les quatre dissidents ont depuis formé Civil War, qui marche allégrement sur les pas de son grand frère.

The Unkillable Soldier est une des chansons les plus intéressantes de l’album. Elle relate l’histoire d’Adrian Carton de Wiart, un lieutenant-général de l’armée britannique, qui semblait invincible et qui survécut à une dizaine de blessures graves et à plusieurs crashs d’avions. Un titre imparable, à la rythmique galopante, qui constitue à coup sûr un nouvel incontournable en concert.

Sabaton bâtit un véritable mur sonore, les chansons s’enchaînent sans que l’attention de l’auditeur ne faiblisse. Une des principales qualités de The War to End All Wars est son étonnante variété. Alors qu’on pouvait raisonnablement remarquer une certaine redondance dans les deux ou trois dernières sorties des Suédois, ce nouvel album surprend par la palette d’émotions et de diversité présentes.

L’étonnant Soldier of Heaven, à l’architecture relativement inhabituelle et aux sonorités d’un modernisme affirmé, contribue à ce sentiment d’étonnement. Une embuscade artistique particulièrement réussie et placée à un endroit stratégique du disque.

Les Scandinaves reviennent à des chansons plus traditionnelles avec l’excellent Hellfighters et l’efficace Race to the Sea. Cette dernière évoque la bataille pour la domination maritime en Mer du Nord qui opposa les forces belges, françaises et anglaises à l’Allemagne en septembre 1914.

Sabaton réussit une nouvelle fois à imposer son concept, alternant intelligemment grande Histoire et anecdotes, toujours sur la thématique de la guerre. L’intelligence du groupe est d’ailleurs d’avoir conçu une musique qui a pour vocation de toucher un grand nombre de peuples et de nationalités, avec pour résultat une œuvre fédératrice comme rarement. Bien sûr, les détracteurs sont également nombreux, reprochant notamment au groupe de céder à la facilité et de véhiculer une image de « posers ». La formation qu’on aime détester ou qu’on déteste aimer, un peu par peur de se fondre dans la masse, mais qui fait quasi l’unanimité chez les plus jeunes. Quoi qu’il en soit, la qualité de ce nouvel album donnera peut-être à réfléchir aux plus réticents, pour autant qu’ils en aient le désir, évidemment.

Lady of the Dark raconte le parcours de celle qui est probablement la femme la plus médaillée de l’histoire, la Serbe Milunka Savic. Nous sommes une fois de plus pris à contre-pied, le titre est assez atypique. En effet, la rythmique y est assez saccadée, inhabituelle, surprenante. La chanson possède en outre l’un des refrains les plus simples, mais paradoxalement l’un des mieux imaginés de la galette. Une nouvelle vraie réussite, prélude à ce qui constitue l’assaut final en trois actes qui va nous être proposé.

The Valley of DeathChristmas Truce et Versailles clôturent en effet le disque de la plus belle des manières. La première est élaborée comme LA pièce épique présente dans tous les albums du groupe, même si sa durée n’excède pas cinq minutes. Une leçon de savoir-faire placée, comme à l’accoutumée, en fin de parcours.

La deuxième nous emmène dans les tranchées, le soir de Noël 1914, avec la célèbre trêve du même nom, immortalisée au cinéma par le film « Joyeux Noël » en 2005. Une ballade somptueuse au refrain magnifique, probablement l’un des plus beaux jamais écrits par Joakim Broden.

La dernière partie de ce triptyque rejoint la plage d’ouverture de par sa construction. La narratrice dépeint les dernières heures de la guerre et la signature du Traité de Versailles sous un riff classique et une délicate mélodie de cornemuse, jusqu’au jaillissement du formidable refrain.

Sabaton offre, avec The War to End All Wars, son meilleur album depuis Carolux Rex, soit son disque le plus abouti depuis le départ de ses membres historiques en 2012.