Bonjour Tony, et merci de prendre le temps de répondre aux questions de Metal Alliance Mag sur ce premier volet d’Acoustic Adventures ! Une première question simple : quel est ton ressenti vis-à-vis de la sortie de cette nouvelle production ?

Ça fait maintenant plus d’un an qu’on attendait de pouvoir sortir cet album ! Le premier volet était supposé sortir en janvier 2021, mais certaines choses se sont produites et à cause de cela, on n’a pas pu partir en tournée. On a donc repoussé la sortie des deux albums d’un an, et maintenant on y arrive… Du coup, je suis vraiment excité de pouvoir enfin discuter de ces albums avec les gens, et ce que je peux dire, c’est que je les ai écoutés, disons, constamment ; toutes les fois où j’ai dû me réimprégner des chansons aussi… du coup, quelque part, c’est aussi un peu nouveau pour moi. Ça fait des mois et des mois maintenant que je travaille sur ces chansons, mais vois-tu… C’est vraiment rafraîchissant et excitant et j’espère très fort que les gens apprécieront ce qu’on a préparé !

D’où est venue l’idée de sortir ces deux albums acoustiques ? Cela a-t-il quelque chose à voir avec les périodes de confinement ?

Et bien, non, en fait. Tout le processus s’était déjà enclenché avant que tout ce désordre n’arrive : on a enregistré les deux albums en 2018, 2020… oui, ça va faire deux ans cette année. L’idée, je crois bien, remonte au début de notre carrière, quand on a réalisé un enregistrement acoustique pour la première fois ; si je me souviens bien, la chanson, c’était Mary Lou. On a trouvé ça vraiment sympa et on s’est dit que ce serait génial de renouveler l’expérience à plus grande échelle, mais pendant un long moment, ce n’était pas réaliste de l’envisager… puis au fil du temps, au fil des tournées, on a commencé à jouer des versions acoustiques de certains titres… Enfin, en Finlande on a ces étés où on ne joue qu’à des festivals acoustiques, ce qui est très amusant et, d’une certaine façon, ça a ravivé l’idée ! Mais ça a été très difficile pour nous de convaincre les labels que ce genre de projet pouvait fonctionner à grande échelle, sur des albums et des tournées consacrés, jusqu’à ce qu’on s’embarque sur nos tournées acoustiques, dont la deuxième en 2019. Elle a connu un vrai succès, les gens du label ont adoré ce qu’on a fait, du style… (lève le pouce) « Ok, allez-y, enregistrez ces albums ! » Comme on avait déjà beaucoup de matière grâce aux tournées, on a décidé de sortir deux albums, ou bien un double album… finalement, ça faisait totalement sens de sortir le volume 1, puis le volume 2, puis peut-être d’autres à l’avenir, qui sait !

Sonata Arctica a à son actif une discographie très large ; dix albums, c’est beaucoup… Comment le groupe a-t-il sélectionné les morceaux qui figureraient sur les deux volets d’Acoustic Adventures ?

Il existe quelques titres qui sont, en quelque sorte, requis pour être joués sur ces albums et pendant certains concerts. Par exemple, il faut Tallulah, et peut-être FullMoon, et d’autres morceaux qui sont totalement évidents, ceux qui sont matière à faire des hits, les singles… Tout ça a constitué le point de départ pour élaborer, en premier lieu, la setlist des tournées. Bien sûr, on ne peut pas retranscrire tous les morceaux qui fonctionnent vraiment bien dans leur format metal ou rock originel dans une version acoustique si facilement… mais quelque part, ça nous a donné l’opportunité d’explorer ce qu’on a fait par le passé, et il y a beaucoup de titres qu’on aime vraiment beaucoup, qui ont des mélodies puissantes et de superbes atmosphères, mais qui n’ont jamais été intégrés à la setlist de Sonata Arctica. Donc je dirais que l’idée, quelque part, c’était d’imaginer quelque chose qui serait familier pour tout le monde d’un côté et, de l’autre, de choisir des chansons qui n’ont jamais été mises en lumière. Étant donné qu’on a dix albums, ça a été facile, d’autant plus que nos chansons ont toujours été mélodiques. À partir de là, il n’était plus question que d’arranger toute cette matière de façon à ce qu’elle se prête bien au format acoustique. Parfois, ça impliquait de devoir laisser quelques petites parties de côté, voire d’en réécrire d’autres. Par exemple, prenons The Rest of the Sun Belongs to Me ; c’était un titre bonus pour le Japon, le genre de morceau très metal avec du double beat. On ne pouvait pas simplement le rejouer tel quel, il a fallu le réarranger, avec les solos, et tout ça… (grimace) Je trouve que ce genre de solos très rapide ne fonctionne pas très bien sur un album acoustique, et c’est pour ça qu’on a réécrit ces passages sous une forme rythmique, fun… un peu folle ! (rires)

Effectivement, comme je l’ai souligné dans ma chronique de l’album, certains titres sont des évidences, comme Tallulah, en comparaison avec d’autres moins connus… ça a été une belle découverte !

Moi aussi, je suis plutôt content du résultat ! Je pense qu’on a beaucoup de titres qui, quelque part, méritent plus d’attention, et l’univers de ces Acoustic Adventures leur permet d’en bénéficier.

Combien de temps cela a-t-il pris de finaliser tous les nouveaux arrangements ?

En vérité, ça a été vraiment rapide. Finalement, je n’ai pas eu à beaucoup travailler sur tous les arrangements qui ont fait leur chemin jusqu’au produit final… (rires) J’avais d’autres choses à faire à ce moment-là, du coup les gars ont trouvé plein d’arrangements, et j’en ai écrit moi-même beaucoup, mais pour diverses raisons, ils ne les ont pas tous utilisés. Ce qui fait qu’on a très certainement assez de matière, au moins une moitié d’album, pour un troisième volet des Acoustic Adventures, si ça doit se faire un jour… C’était une aventure pour moi aussi ! (rires) Je n’avais pas autant la mainmise sur le projet que d’ordinaire, avec les albums classiques de Sonata Arctica, j’ai laissé aux autres une grande liberté, et je crois qu’ils ont apprécié et qu’ils en ont fait très bon usage.

Comme je l’ai également souligné dans ma chronique, ces nouveaux arrangements créent parfois des ruptures de ton. Par exemple, Paid in Full est une chanson de rupture qui devient un peu plus légère, Don’t Say a Word met en scène un homme fou et violent de manière bien plus calme ; pareil pour Wolf & Raven, qui évoque le désespoir, la haine, beaucoup de sentiments négatifs… N’appréhendais-tu pas un peu de transmettre des émotions contradictoires ?

Si, bien sûr. Vois-tu… avec la musique acoustique, c’est très difficile d’exprimer précisément des sentiments comme dans, disons, Don’t Say a Word : tu dois changer le morceau, au moins un peu, et ne pas nécessairement chercher à aller dans la même direction que l’original. Ceci dit, ce titre, Don’t Say a Word… (rires) en fait, il reste très proche de la version de base, joué sur des instruments acoustiques ! Ça a été une bonne surprise de constater que ça fonctionnait si bien. Après tout, les contradictions font partie des manières de réunir plusieurs titres sur un album. Comme Tallulah, par exemple : impossible d’en créer une version rapide, ou hillbilly, en essayant simplement de la modifier ! (rires) Il est nécessaire de ne pas trop dévier de la version d’origine, en gardant son tempo lent, que ça reste une belle ballade comme c’est supposé l’être… Je dois tout de même dire que nos titres les plus rapides, j’ai commencé à les écrire sous forme acoustique, en me servant d’une guitare ou d’un clavier. En résumé, la base de chaque chanson est acoustique, et une fois que l’ossature est constituée, c’est là que j’apporte les arrangements. Du moins en temps normal… là, je ne sais pas comment les gars ont fait ! (rires) Plus ou moins de la même façon, je suppose.

En tout cas, j’ai beaucoup aimé ce premier volet : il est à la fois très optimiste et très triste par moments… Dans quel état d’esprit vous trouviez-vous, tes collègues et toi, lorsque vous avez écrit et produit ces albums ?

Pour le coup, je ne peux parler qu’en mon nom. Chaque fois que je réfléchissais à une chanson, je pensais aux émotions qu’elle dégageait et j’essayais de vivre la chanson. C’est la seule façon de faire ressortir les émotions dans ma voix et ma façon de chanter. Ce que j’adore, c’est jouer, comme pour du doublage, faire au mieux pour incarner le personnage qui est en train de chanter, sans me contenter de simplement chanter, la la la, tout ça… C’est important, parce que quand tu écoutes une chanson, tu peux entendre si la personne sourit en même temps qu’elle chante, ou si elle fronce les sourcils… Je considère que sur une chanson joyeuse, un sourire sincère fait toute la différence. Au contraire, quand une personne se sent forcée, cela s’entend et cela se ressent qu’elle n’est pas vraiment dedans et qu’elle ne « vit » pas la chanson sur le moment.

À propos des arrangements, quel aspect a représenté le plus gros challenge pour le groupe dans son ensemble ?

Je dirais que Wolf & Raven est un morceau qu’on aurait pu réarranger différemment si on y avait réfléchi autrement… Il est chouette comme il est, mais le reprendre a été compliqué. Notamment, Henrik [Klingenberg] a joué sur un piano classique au lieu d’un clavier, et vu que le rythme est,« trllll », super rapide, « idldldl »… (rires) ça a été vraiment difficile de conserver l’esprit d’origine. C’est un morceau très étriqué, qui ne laisse pas beaucoup de place à une forme d’expression où chacun peut se laisser porter par le flot, et il doit rester comme ça. Pour ces raisons, ce morceau a probablement été un des plus compliqués à adapter, puisque les instruments acoustiques ne sont pas notre zone de confort — du moins pas encore. Pour nous, c’est un peu nouveau, étant donné qu’on n’a pas si souvent joué d’acoustique. En tout cas, cette expérience nous a permis d’apprendre que ce n’est pas une obligation de toujours décider de faire les choses de la manière la plus compliquée, mais qu’on peut aussi réarranger une chanson et découvrir par là quelque chose d’inédit, caché sous toutes les couches, au lieu de faire quelque chose qui, certes, passe bien dans sa version originale métallique, mais peut-être pas aussi bien en mode acoustique. Personnellement, je trouve que Wolf & Raven donne un résultat amusant à écouter, mais je la trouve un peu bordélique… Cela étant, c’est aussi moi qui ai écrit la version originale, alors… (rires) C’est un de ces morceaux que, si je pouvais, je réécrirais complètement et d’une autre façon aujourd’hui, si j’étais plus jeune et que j’étais en train de travailler dessus en ce moment. Finalement, peut-être que c’est une bonne chose que je ne la retravaille pas maintenant, parce qu’elle a certainement beaucoup attiré l’attention et qu’elle mérite d’être telle qu’elle est.

Et pour toi, en tant que vocaliste ?

C’est compliqué à expliquer… je dirais que A Little Less Understanding est d’une certaine façon un titre personnel, puisque je suis moi-même père de jeunes enfants et que je pensais à eux quand je l’ai composé. C’est un genre de chanson d’éducation de soi et je peux vraiment m’identifier au message qu’elle fait passer, et je pense qu’elle touche toujours un point sensible chez moi… Bien sûr, il y a aussi d’autres chansons comme On the Faultline, qui est triste, mais il n’a pas une dimension aussi personnelle qu’un morceau inspiré par mes propres enfants.

Quel est ton titre préféré sur le volume 1, et pourquoi ?

Euh… c’est vraiment difficile de choisir, en vrai ! Les deux premiers extraits, The Rest of the Sun Belongs to Me et For the Sake of Revenge, sont très satisfaisants, et je dirais que personnellement, j’adore For the Sake of Revenge, vraiment beaucoup. Elle est magnifique […] Par ailleurs, elle fait aussi partie de ces titres un peu obscurs qu’on n’a pratiquement jamais joués en live, à part quelques fois à la période où Unia est sorti. Du coup, elle est passée plus ou moins inaperçue, mais c’est une très bonne chanson. Je suis très heureux qu’elle se prête si bien au format acoustique et qu’elle devienne enfin un vrai fer de lance pour un album… c’est fantastique.

On a parlé du volume 1, mais qu’en est-il du volume 2 ? Donnerais-tu quelques informations sur sa sortie et son contenu ? Restera-t-il dans la continuité de son prédécesseur ?

On a conçu ces deux albums de manière à créer un équilibre dans l’un comme dans l’autre, ce n’est pas comme si l’un était axé sur les rythmes rapides et l’autre sur les rythmes lents. Une chose dont je suis sûr à propos du premier volet, c’est que, comme quelqu’un me l’a déjà fait remarquer, il ne comporte aucun titre issu de notre premier album, Ecliptica, ce qui paraît un peu bizarre… on n’y a même pas prêté attention ! En conséquence, cet album va être un peu sur-représenté dans le volume 2, avec deux ou trois titres. Donc ne vous inquiétez pas, vous aurez votre Letter to Dana ! (rires) Et d’autres chansons qui apparaissent aussi comme des évidences.

Je suppose que c’est un peu compliqué de se projeter au vu des restrictions liées à la crise sanitaire, mais quels sont les plans du groupe pour la suite, après la sortie du volume 2 ?

En février, on était supposés faire une tournée en Finlande, mais au vu de la situation, il a malheureusement fallu reporter de six mois et annuler partiellement… maintenant on est supposés se réorganiser. Ce qu’on sait c’est qu’on a un concert en Finlande en mars… ensuite la tournée en Amérique latine est maintenue pour le mois d’avril. Puis il y a les festivals d’été, dont j’espère vraiment qu’ils auront lieu parce que c’est très important pour nous tous et que ce sera signe que le monde est plus ou moins remis sur les rails, du moins plus qu’il ne l’est en ce moment même. Du côté musique et enregistrement, la prochaine production sur laquelle on compte travailler est un album studio. Il est prévu qu’on entre en studio en début d’année prochaine au plus tard, mais bien sûr, comme tu t’en doutes un peu, si tous les autres plans tombent à l’eau et qu’on ne peut pas tourner, il se pourrait qu’on s’y mette plus tôt. Honnêtement, je dois avouer que je n’ai même pas encore commencé à travailler sur de nouveaux morceaux ! Je pourrais bien avoir le temps de m’y mettre, si les tournées sont annulées ou reportées…

À l’avenir, se pourrait-il que Sonata Arctica sorte des titres spécifiquement conçus pour l’acoustique, comme Eluveitie le fait par exemple déjà ?

Oui, absolument, si on en vient à sortir d’autres albums. J’ai déjà des idées pour quelques titres qui conviendraient très bien pour un album acoustique. J’estime qu’elles valent le coup d’être gardées de côté dans ce but plutôt que d’être intégrées à un album classique de Sonata Arctica dans un format qui ne leur correspond pas. D’ailleurs, tout à l’heure tu posais la question de la date de sortie du volume 2 d’Acoustic Adventures ; je ne peux pas te donner une date exacte, mais je crois que c’est pour octobre. Autrement, oui, si on continue sur cette lancée, ce serait génial d’avoir des chansons originales au format acoustique, c’est quelque chose que j’aimerais beaucoup.

Le genre de l’acoustique revêt un aspect très tendre et intime, chargé en émotions… Quand tu joues dans ce style en live, te sens-tu plus proche de ton public ?

Absolument ! J’adore ce genre de situation, où on peut pratiquement entendre les spectateurs respirer. Les dynamiques sont si puissantes que les moments calmes le sont vraiment plus que jamais, à tel point que si quelqu’un au fond est en train de parler, on peut l’entendre, et c’est un peu perturbant… C’est presque comme une église ! J’adore aussi la façon dont on peut interagir avec le public et tout l’aspect très émotionnel qui s’en dégage… C’est d’autant plus vrai pour moi en tant que chanteur parce que j’aime beaucoup pouvoir moduler ma voix de plein de manières différentes et pas simplement crier trop fort, en chantant de façon très expressive sur des tons très différents… L’acoustique m’offre la possibilité de faire plein de choses que je ne peux pas faire en temps normal dans un concert classique de Sonata Arctica, où tout est poussé à fond. C’est sympa aussi d’être sur scène sans avoir à porter de protections auditives… j’adore !

J’espère vraiment pouvoir assister à un show acoustique de Sonata Arctica un jour ! On arrive à la fin ; as-tu quelques derniers mots pour les lecteurs ?

Merci beaucoup ! J’espère que vous resterez tous en bonne santé et que vous veillerez les uns sur les autres, parce que vous êtes importants et précieux, donc prenez le meilleur départ possible en prenant soin de vous et des gens autour de vous. J’espère aussi que tout se passera bien, qu’on pourra partir en tournée pour tous se revoir dans des conditions normales, bientôt, même cette année… Gardons les doigts croisés, et je vous souhaite à tous une très bonne année, meilleure que la précédente !