Salutations, Shawter, et merci pour cette interview autour de By Night, le prochain album de Dagoba ! Première question : à quoi les fans qui n’attendent que de l’écouter peuvent-ils s’attendre ?

À quelque chose de… nouveau, frais pour du Dagoba ; on va dire un certain tournant musical —même s’ils ont sûrement déjà dû écouter les deux premiers singles, The Hunt et The Last Crossing. Ils ne seront pas complètement perdus, c’est toujours le même groupe qui joue… mais c’est vrai qu’on a pris pas mal d’initiatives, voire pas mal de risques artistiques sur cet album-là. C’est donc un album qui met en particulier l’accent sur nos influences electro.

C’est aussi le premier album du groupe à être produit par Napalm Records. Comment Dagoba en est-il venu à signer avec ce label ?

En fait, on était en fin de contrat chez Sony, et au moment de composer l’album, on a envoyé les pré-productions à un peu tous les labels metal du monde, du moins tous ceux qu’on connaît. Effectivement, chez Napalm, ils se sont montrés les plus intéressés, avec une équipe extrêmement motivée et solide pour travailler sur cet album, donc ça s’est fait assez naturellement. C’est vrai qu’on sortait d’une major company comme Sony et on avait ce désir de basculer vers un gros label vraiment spécialisé dans le metal, et Napalm est un gros représentant de ceux-ci… voilà donc l’histoire derrière cette signature !

En espérant que ce soit parti pour durer !

Oui, c’est un contrat pour trois albums. Pour l’instant, c’est le premier, et je pense qu’on a encore quelques belles années de collaboration devant nous…

J’ai pu découvrir l’album, et même si je reconnais ne pas être une grande connaisseuse de la musique de Dagoba, je trouve qu’il se situe dans la continuité du précédent, Black Nova, avec comme tu l’as dit un accent mis sur l’électronique. Ces éléments ont certes toujours été présents depuis le début, mais comment la musique de Dagoba a-t-elle évolué jusqu’à leur accorder une place si importante ?

Alors, c’est vrai que j’avais annoncé que Black Nova serait une porte ouverte vers By Night, comme tu le signales, mais je pense que c’est avec la maturité et le fait que j’écoute beaucoup d’electro depuis ces cinq à dix dernières années que j’ai pu emmagasiner toutes ces informations, tout ce nouveau courant pour moi, toute leur manière de composer également… donc aujourd’hui, je sais un peu mieux intégrer tous ces éléments synthétiques dans la musique de Dagoba. Donc oui, on peut dire que c’est le fruit d’une maturation, et aussi du fait que j’ai mieux digéré toutes ces influences pour pouvoir les retranscrire de façon pertinente dans notre musique.

Y aurait-il aussi une influence de certains groupes avec lesquels Dagoba est parti en tournée, par exemple ?

Non, pas vraiment… notamment parce que quand je bascule en période de composition, je n’écoute absolument plus de metal et plus de musique de façon générale pour justement ne pas être trop influencé… et aussi dans le but de proposer à chaque fois quelque chose de nouveau — en tout cas pour Dagoba. Donc non, ça ne vient pas particulièrement de l’influence d’un groupe avec qui on a tourné.

En tout cas, la production met bien ces éléments indus en avant, mais on trouve déjà des gens pour se plaindre de l’utilisation de l’electro, notamment sur le titre The Hunt, en disant qu’elle est mal faite et qu’elle rend le son très lisse et très générique… qu’aurais-tu à répondre à cela ?

Je n’ai pas lu ces commentaires, mais à ceux qui pourraient le penser, nous, on a toujours dit qu’on faisait la musique qu’il nous plaît d’entendre, et après, s’il y a des gens à qui ça plaît aussi, tant mieux. Nous, ça nous plaît, et c’est l’essentiel. On n’est pas là pour faire la musique qui plairait au plus grand nombre ou pour être influencés par ce que les fans voudraient entendre de nous, donc tant qu’on s’amuse à faire ce qu’on fait, c’est l’important pour nous.

Ce que j’ai aussi noté sur l’album, c’est qu’il y a pas mal de surprises : des passages plutôt calmes, beaucoup de chant clair… et j’ai aussi ressenti une émotion très forte sur certains titres comme City Lights, Sunfall, et aussi un peu Nightclub. D’où tires-tu cette émotion et cette viscéralité qui ressortent dans le chant et l’instrumentation ?

Tout ça fait vraiment partie de mon background musical : j’ai quasiment depuis toujours écouté du metal, mais en parallèle, j’écoutais aussi des groupes légendaires comme Queen, par exemple, où là c’est vraiment de la haute voltige en terme d’harmonies et d’étendues de chant clair, et j’ai toujours eu cet attrait pour, on va dire, ce perfectionnisme dans l’écriture des refrains. Là, c’était vraiment une volonté, sur cet album en particulier, de faire en sorte que le moment important de chaque chanson soit le refrain. Auparavant, ça pouvait être le gros riff d’intro, le pont ou une grosse saccade sur un couplet. Ici, la volonté était vraiment de mettre l’accent sur le refrain, et également, comme tu l’as signalé, sur l’émotion dans les morceaux. C’est vrai que ça passe beaucoup par les lignes de chant clair et, justement, par les arrangements, qu’ils soient d’ailleurs electro ou classiques… C’est un album qu’on a aussi produit dans une période très sombre pour l’humanité, et on avait vraiment la volonté d’amener de la joie et du bonheur à travers notre musique plutôt qu’enfoncer la porte de la noirceur qui était assez présente dans la société et dans la vie de chacun… Donc ouais, on est capables de faire du metal avec de l’émotion, et j’espère que les gens auront un sentiment de bien-être en écoutant cet album !

Je comptais justement poser la question de l’importance de l’impact que les périodes de confinement ont eu sur By Night…

Oui, ça a son importance, parce que comme je viens de te le dire, ça a orienté l’idée de ce ressenti général qui tend plus vers le bien-être que vers la noirceur. Ça a aussi impacté la composition, parce que d’ordinaire on a beaucoup moins de temps pour composer, arranger et produire les albums. Là, avec la pandémie, on n’était même pas sûrs que ce ne soit pas notre toute dernière production ; même aujourd’hui on ne sait pas trop de quoi va être fait l’avenir de la tournée… Donc quand tu composes quelque chose avec l’idée que ce sera peut-être le dernier truc que tu composes, il y a une certaine… on va dire qu’il y a des prises de risques qu’on ne peut peut-être pas se permettre de façon générale. Après, je dirais aussi qu’avoir tout ce temps pour composer et arranger l’album, ça nous a permis de revenir beaucoup plus sur les arrangements, notamment, et de rentrer dans les détails beaucoup plus qu’on a pu le faire auparavant.

Dans tous les cas, je trouve que l’album porte bien son titre : c’est typiquement le genre de musique qu’on imagine écouter en parcourant les rues en pleine nuit sous la lumière des néons…

Et bien écoute, je suis content, d’autant plus qu’on a fait un effort sur la corrélation entre l’artwork, les visuels et la musique. Les clips aussi, pour justement appuyer ce sentiment d’un album qu’on peut écouter la nuit dans une cité, qu’elle soit contemporaine ou futuriste ; mais c’était le but, oui.

Ma prochaine question concerne justement les visuels des clips et de la pochette ; c’est une esthétique très cyberpunk et futuriste, un peu comme dans Black Nova, mais en plus coloré. Quelles sont les sources d’inspiration derrière ces choix visuels ?

Bien entendu, le courant electro, qui utilise beaucoup ces couleurs qu’on trouve finalement assez peu dans le metal pur et dur, et ça renforçait cette idée d’originalité dans la discographie de Dagoba. Mais on aime aussi beaucoup les films, la culture manga également, et on avait envie de faire un bon clin d’œil à Blade Runner notamment, ou au néo-Tokyo d’Akira… on a voulu rendre hommage à tous ces univers qui nous plaisent énormément.

Une autre surprise sur l’album, c’est le chant féminin sur le titre On the Run. Je serais curieuse de savoir qui se cache derrière cette voix…

Alors, il s’agit d’une amie à nous anglaise, qui préfère pour l’instant rester dans l’ombre parce qu’elle a un projet qu’elle est en train de développer, et elle préfère pour le moment ne pas être nommée. Mais c’est vrai que ça fait aussi partie des surprises de cet album… On avait envie de refaire un featuring, sachant qu’on en avait déjà fait un pour notre deuxième album avec Vortex de Dimmu Borgir. Ça faisait longtemps qu’on n’en avait pas fait, et quitte à en faire un, plutôt que de faire quelque chose, disons, d’attendu, avec un copain d’un autre groupe de metal, ou un truc comme ça, on s’est dit « allez, on s’envoie sur quelque chose d’un peu plus osé : on va inclure une voix féminine dans Dagoba ! »

Comment en êtes-vous venus à choisir de collaborer avec elle en particulier ?

Il y avait cette volonté, justement, de ne pas faire appel à quelqu’un de la scène — que ce soit une chanteuse ou un chanteur, d’ailleurs. On connaît beaucoup de chanteuses et chanteurs de metal, mais l’idée, c’était d’assumer pleinement cette orientation musicale et de prendre plutôt quelqu’un qui a justement l’habitude de chanter pour de l’electro. Voilà, comme je te l’ai dit, quitte à oser, autant oser pleinement !

J’espère qu’on pourra bientôt découvrir son projet ! Du côté du groupe en lui-même, comment se passe la collaboration entre les quatre membres de Dagoba ?

Et bien écoute, ça se passe très bien ! On a eu une période, un peu comme tout le monde, où on n’a pas pu se voir. Déjà, parce qu’on ne vit pas dans la même ville, donc pour répéter ça a été assez compliqué avec le confinement… mais depuis qu’on peut se déplacer à nouveau, on se voit très régulièrement : on répète, on prépare la tournée, on discute du groupe, de l’avancement de la promo, de toutes les opportunités qui s’offrent à nous, du travail qu’il nous reste à accomplir… et du futur qu’on espère radieux.

Deux musiciens, Kawa et Theo, ont intégré les rangs du groupe récemment. Qu’apportent-ils, l’un comme l’autre ?

Ils ont intégré le line-up récemment, mais il faut savoir que Theo, le batteur, avait déjà fini la tournée Black Nova, parce que notre ancien batteur, Bastos, a connu un heureux événement et a dû prendre du recul sur la vie d’un groupe, notamment sur l’intensité des tournées… Ça fait déjà des années que Theo est sur scène avec nous. Et en ce qui concerne Kawa, c’était en fait notre tour manager, donc ça fait aussi des années qu’il était dans les tour bus, les avions, les hôtels avec nous, sur scène avec nous… Déjà, ils apportent une stabilité dans l’équipe, parce qu’ils sont là depuis très longtemps, et techniquement, ils apportent énormément, parce qu’ils sont vraiment très talentueux avec leurs instruments respectifs.

J’ai oublié de poser une question tout à l’heure concernant l’atmosphère de l’album : je n’ai pas eu le temps de lire les textes avant de venir, donc j’aurais aimé savoir de quoi ils parlent globalement et si leurs sources d’inspiration sont les mêmes que pour la musique…

Dans Dagoba, les textes parlent à 80 % d’amour et à 20 % de mort. Sur cet album-là, c’est quasiment ce même ratio qui est respecté : c’est 80 % d’amour, ou d’amour perdu, ou de mélancolie, et 20 % de mort, mais sur les questions « quel est le sens de la vie » et « à quelle intensité faut-il profiter de la vie avant de mourir ».

As-tu un titre préféré, ou que tu considères comme le plus abouti, sur By Night ?

Oui : Summer’s Gone. Au niveau de l’écriture, je pense que c’est un condensé de tout ce que Dagoba propose depuis vingt ans ; aussi au niveau de la noirceur et du groove des riffs… Les arrangements classiques sont très présents, mais aussi les arrangements et les synthétiseurs electro récemment apportés, notamment dans By Night. Et pour moi, c’est un des plus beaux refrains que j’ai écrit.

Certains morceaux comportent aussi quelques éléments symphoniques, comme les violons dans The Last Crossing et The Hunt, les deux premiers titres sortis en vidéo. Cela témoigne-t-il d’une volonté d’adopter un aspect plus orchestral ?

En fait, on a toujours inclus de l’orchestration dans nos titres, donc je pense qu’il y en aura toujours. C’est une culture musicale que j’ai : j’écoute beaucoup de musique classique, beaucoup de musiques de films aussi… C’est quelque chose qui me plaît énormément, et en inclure dans Dagoba, on l’a fait, on le fait, et on le fera encore.

Pour l’anecdote amusante, dans les commentaires des vidéos, beaucoup de gens croient que vous avez tous trop joué à Cyberpunk pendant les périodes de confinement…

(rires) En fait, c’est amusant, parce que je suis un gros fan de jeux vidéo et que je suis complètement passé à côté de ce jeu ! Je me suis plus régalé sur Assassin’s Creed Valhalla pendant le confinement…

L’album sort courant février, mais savez-vous quand vous allez remonter sur scène et repartir en tournée ?

On a lancé une tournée qui part du 16 février jusqu’au 7 mai en Europe (ndlr : les dates ont depuis été modifiées en raison des restrictions) qui passe par à peu près tous les pays, et on est en train de préparer un nouveau show qui sera aussi, dans la scénographie, en accord avec l’univers de By Night.

On peut donc s’attendre à quelque chose de radicalement marquant dans les jeux de lumière, le son, la mise en scène… Les fans risquent d’être agréablement surpris !

C’est ça. Et je l’espère !

Quelques mots de la fin pour les lecteurs ?

Je te remercie déjà toi d’avoir fait le déplacement aujourd’hui, et pour les lecteurs, merci ! Comme je le dis toujours, et on ne le répète jamais assez : sans eux, on n’est rien. C’est grâce à votre soutien, à vos écoutes, à vos partages ; c’est grâce à vous qu’on existe et qu’on peut continuer à vivre notre rêve, donc du fond du cœur, très sincèrement, merci à tous.