Le nouvel album d’Atrocity, qui est sorti fin janvier, est intitulé Okkult III. Il peut donc être vu comme la dernière partie d’une trilogie. Mais il ne s’agit pas du troisième chapitre d’une histoire entière car chaque album ou même chaque chanson sur chacun des trois albums parle de quelque chose de différent. Cependant, il doit y avoir un lien entre ces trois albums. Alors peux-tu expliquer en quoi consiste le concept de cette trilogie ?
L’idée et la vision de toute la trilogie ont commencé à germer en 2004, quand nous avons réalisé l’album Atlantis. J’ai toujours été intéressé par l’histoire du côté obscur de l’humanité, les conspirations, les histoires de fantômes et toutes sortes de choses occultes. J’ai pensé, après avoir sorti Atlantis, qu’il restait encore un large éventail de sujets à traîter concernant l’occulte. L’Atlantide est en rapport avec la mythologie grecque mais le même genre de légende existe aussi en Afrique, en Amérique latine et en Asie. Donc cette légende, que l’on peut rapprocher de celle du Déluge, que l’on trouve dans la Bible, est d’une certaine manière universelle. Le mythe de l’Atlantide a déjà été une grande source d’inspiration pour moi. Mais il y a aussi le monde spirituel. Aujourd’hui, certains croient qu’ils sont en contact avec les gens de l’Atlantide et qu’ils communiquent. D’autres sont convaincus que des extraterrestres sont venus sur Terre et ont réalisé des expériences, ce qui aurait été la source et le berceau de l’humanité, et l’Atlantide serait née de l’espace. Puis tu as des gens complètement fous, comme les scientifiques nazis qui ont fait des expéditions dans l’Himalaya pour trouver toutes les races d’origine atlante là-bas. Vous voyez, l’Atlantide n’est pas juste un film de Disney ou autre. Ce mythe recouvre une grande variété de croyances.
Il semble qu’Atrocity soit souvent intéressé par le développement d’un concept ou de quoi que ce soit sur plus d’un chapitre. Nous en sommes maintenant au dernier chapitre d’Okkult, mais vous avez aussi sorti un album de reprises, Werk 80, en 1997, qui s’est vu complété par un second volume, une dizaine d’années plus tard. Alors, pensez-vous vous attaquer à un autre sujet décliné en plusieurs albums ? Ou peut-être en reprendre un ancien et lui donner un prolongement ?
Cela semble intéressant. C’est une idée cool. Mais le truc, c’est que dans certains cas ça a du sens et dans d’autres peut-être pas. Il y a tellement de sujets, des théories du complot au renversement du monde, mais bien sûr, s’agissant d’Atrocity, beaucoup de gens pensent : « Oh, cool, ça parle de satanisme ! » C’est peut-être une partie du truc, mais ce n’est pas que ça. Comme on l’a vu dans l’Histoire, à de nombreuses reprises, notamment lorsque les chrétiens ont conquis l’Amérique latine et ont détruit la culture maya et tout le reste, il y a cette connexion et cette fusion des intérêts politiques et religieux. Peu importe le système politique dans lequel vous vivez. Nous le voyons, surtout de nos jours, c’est autocraties et dictatures, aristocrates en religion. Comment contrôlez-vous les gens ? C’est par la peur. C’est la meilleure manière de manipuler et diriger les gens. Pour contrôler les gens, il faut répandre la peur. Si vous vous comportez bien, vous allez au paradis. Sinon, vous allez brûler en enfer. Ou pire encore. Et vous retrouvez ces ressorts dans tous les systèmes politiques. Il y a quelque chose qui se répète de façon très évidente dans l’histoire de l’humanité tout au long de son évolution. Et c’est assez intéressant parce que chaque système dit : « Oh, c’est pour le peuple » ou « C’est pour sauver le peuple ». Mais non, c’est pour contrôler les gens. Et vous voyez, de nos jours, le monde passe d’une crise à l’autre… Les temps fous exigent une musique folle. Ou ce qu’on appelle figer les bandes originales de la fin du monde. Voilà ce que je peux dire.
En effet, votre musique est aujourd’hui très directe. Du death metal avec des riffs qui tuent. Mais parlons un peu de l’évolution musicale, lente mais constante, d’Atrocity. Vous avez donc joué avec une touche gothique et maintenant vous êtes plus dans le pur death metal. Alors, quand tu regardes dans le passé, peux-tu essayer de te rappeler quels sont les éléments qui vous ont fait entrer dans ce processus d’évolution stylistique constante ?
Je sais que lorsque nous avons formé ce groupe, nous avions aussi à l’esprit que nous voulions être un groupe extrême ou plus expérimental que les autres. Ou d’une certaine manière, nous serions ce groupe qui suit la seule loi du heavy metal, qui s’appelle « Breaking the Law ». On a souvent été des pionniers et on s’est fait saigner le nez parce qu’on avait l’impression d’être toujours un peu trop en avance. Peut-être pas avec Werk 80 qui a connu un grand succès et des percées dans les charts de nombreux pays. Et je crois qu’on était en tête d’affiche de 18 festivals en été quand il est sorti. La musique, je la considère comme bonne ou mauvaise, pas tellement en termes de catégories, ce qui est un peu le problème de certains fans de heavy metal et de leur manière conservatrice de voir les choses. J’aime la musique brutale extrême, le death, tout ça. Mais avec mon propre groupe, je voulais aussi essayer de repousser les limites de ce que nous faisons pour faire des trucs acoustiques, notamment. Pour l’album Hallucinations, il n’y avait pas de techno death metal. C’était le premier album du genre, tu sais, et maintenant c’est un style à part entière. Et c’est ça le truc. Les gens disaient alors « Oh, oh, restez-en à ça, restez-en au techno death metal ». Puis on a sorti l’album Blut. « Oh, restez fidèles à Blut, ça vous garantira le succès ! » ; et ensuite « Oh, restez dans le genre Werk 80 ». Nous ne voulons pas coller à quoi que ce soit pour avoir plus de succès. On pourrait probablement avoir plus de succès d’un point de vue commercial si on ne faisait que du death metal ou que ceci ou cela, mais je ne pense pas en ces termes. Je pense en termes de nouveaux défis. Quelle est la prochaine étape pour garder la flamme ? Tu sais, j’ai toujours cette flamme en moi pour être créatif, pour exprimer l’art de différentes manières. Avec les œuvres d’art, les vidéos et, bien sûr, avec la musique avant tout. J’ai toujours eu l’impression qu’être dans l’extrême ne signifiait pas seulement jouer plus vite, mais aussi repousser les limites des genres musicaux et les dépasser.
Il est intéressant de t’entendre parler de politique, de société, ou de philosophie, tu sembles avoir tant d’idées et d’opinions sur ce qui se passe dans le monde d’aujourd’hui. Il me semble que tu pourrais facilement écrire un album tous les six mois, mais il a fallu cinq ans entre chaque chapitre d’Okkult. Y a-t-il des raisons particulières qui expliquent ce délai ?
Oui. N’oublie pas que nous sommes tous membres d’un autre groupe, Leaves’ Eyes. En plus, cette fois, à cause de la crise sanitaire, avec la maison de disques, on a repoussé la sortie d’Okkult III plusieurs fois. Nous ne voulions pas risquer un désastre. On devait sortir le Leaves’ Eyes. C’était en 2020, c’était un cauchemar. On avait cette édition, absolument géniale, avec la bande originale de Viking Spirit et l’édition premium pour tous les fans, mais certains ont dû attendre des mois pour recevoir leurs commandes. Tout était en retard au niveau des expéditions. Donc pour Okkult III, le label a dit « Peut-être qu’on devrait commencer en 2023 et espérer que tout ira bien ».
Vous avez, comme invitée sur l’album, Katie Halliday, qui vous a créé quelques effets sonores et qui vient de l’industrie du cinéma. Or, de nos jours, il peut sembler assez facile de créer des atmosphères et des intros par soi-même. Avez-vous pensé que faire appel à une personne spécialisée dans ce domaine apporterait une plus-value ?
Tout d’abord, c’est vraiment du haut niveau. Ce qu’elle fait pour Stranger Things, Star Trek, etc, lui a permis de remporter un Emmy Award. Ensuite, notre rencontre, fortuite, a été géniale. On est partis en tournée au Canada, et je l’ai rencontrée au bar. Une belle fille, douce et adorable. Vous ne penseriez pas qu’elle fait des effets sonores de films d’horreur. Et c’est une grande fan de metal. Nous parlions du concept d’Okkult et elle m’a dit : « Hé, je serais absolument prête à travailler avec vous, les gars ! ». En fin de compte, elle nous a proposé une bibliothèque sonore entière pour toute la trilogie. Plus récemment, j’ai visionné Stranger Things. Je m’y suis mis assez tard avec cette série, car tout le monde l’a probablement regardée avant moi. Puis je me suis dit : « Oh oui, il faut que je regarde ça ». J’étais aussi très curieux d’y entendre le travail de Katie. Elle a son propre style et je l’aime bien.
Okkult III sort en plusieurs formats, et la version CD comprend une version instrumentale de l’album. Tu peux m’en dire un peu plus ?
Pour les fans, les bonus ont toujours fait partie de la chasse au trésor du metal. Mais en guise d’alternative, nous avons ces versions instrumentales et je les aime bien. Je les ai aussi utilisées pour certaines des bandes-annonces et des choses comme ça. J’aime travailler avec ça et les gens peuvent y entendre certains détails qu’ils ne perçoivent peut-être pas lorsque le chant est présent. C’est pour cette raison qu’elles sont présentes. En plus, si vous aimez faire du karaoké, alors allez-y…
Dans un ordre d’idées assez proche, envisages-tu, dans l’avenir, éventuellement, de présenter certaines versions instrumentales de titres d’Atrocity qui seraient des versions orchestrales, acoustiques, ou en tout cas différentes des versions avec chant ?
On a aussi fait des remixes de certaines de nos propres compositions. C’est aussi quelque chose que j’aime parfois. Le problème, c’est qu’il fut un temps où c’est devenu une tendance, et c’est devenu trop répandu. Finalement, les gens préféraient s’en tenir à l’original.
En effet, dans les années 90, après que Fear Factory ait sorti Demanufacture puis Remanufacture, il n’était pas rare que les groupes sortent la version normale d’un album et, quelques mois plus tard, la version remixée…
Ouais, exactement. D’une certaine manière, ça peut avoir du sens. Mais si c’est fait constamment par tout le monde, ça perd tout son attrait.
Et juste avant de conclure, nous aimerions vous voir sur scène en Belgique, en Suisse, en France et au Québec. Alors, quand est-ce qu’on vous voit sur scène en Europe et au Canada ?
Nous espérons vraiment que cette année tout sera mieux pour la musique live, n’est-ce pas ? Mais je ne peux pas te répondre précisément pour l’instant.