Friisk
...Un Torügg Bleev Blot Sand
Genre Black Metal atmosphérique
Pays Allemagne
Label Vandetta Records
Date de sortie 02/07/2021

Site Internet

Face à l’évidente réjouissance qu’incarne la découverte du nouvel opus et premier full-lenght de Friisk, trois ans après l’EP nommé De Doden van’t Waterkant (qui fit une très forte impression auprès de votre serviteur pour la richesse des lignes mélodiques de ses guitares), il existe cependant deux éléments extra-musicaux qui ont préliminairement attisés ma curiosité. Premièrement, la beauté de l’artwork principal et le fait que le booklet recèle une œuvre pour chaque titre. Travail pictural qui fut réalisé par le talentueux peintre allemand Chris Kiesling, tête pensante derrière Misanthropic-Art et secondement, le titre de l’album : …Un Torügg Bleev Blot Sand dont la langue mystérieuse semble mélanger du néerlandais et de l’allemand.

Vu que vous n’êtes pas là pour lire un exposé traitant de linguistique contemporaine, je vais profiter de ce dernier point afin de faire le lien avec la musique que Friisk propose : le titre est écrit dans un régiolecte allemand, parlé principalement dans les zones rurales et/ou côtières, appelé plattdeutsch ou bas allemand. Vu que Friisk et ses musiciens sont originaires d’une région côtière de Basse-Saxe aux abords de la mer du Nord appelée la Frise orientale, ils convoient avec eux toute une imagerie qui sera mise en musique sur ce présent album : les inondations, les frêles constructions humaines telles les digues qui sautent face à la violence des flots, le romantisme noir évoquant les luttes vaines, mortifères et la fragilité de l’humain. L’œuvre de Chris Kiesling évoque une inondation qui a brisé les remblais et noyé un village. Quand l’eau se retire, tout est dévasté, méconnaissable, comme si la Mer du Nord avait littéralement dévoré le village. L’eau a tout effacé …et seul le sable est resté (cette dernière phrase est la traduction la plus exacte du titre de l’album).

Cette évocation de la violence des éléments, de la fragilité humaine et de cette mélancolie noire est traduite musicalement par le biais de sept titres où l’influence de groupes comme Finster (qui partage la même origine géographique que Friisk), Winterfylleth (la richesse au sein de la construction des différentes couches de guitare nous évoque bien entendu le travail des Anglais), Gherzen et Entardecer (Friisk semble avoir pris aux Brésiliens et aux Russes cette morgue austère et sévère que l’on retrouve au sein d’une grande majorité de leurs mélodies) est prégnante.

Ce qui marque l’auditeur lors de la découverte de cette œuvre, c’est son évidente cohérence et son souci de proposer un album de Black Metal atmosphérique qui sort peu des ornières du genre qui ont été tracées lors de la dernière décennie du vingtième siècle. Cependant, Friisk prend un soin évident à parsemer un florilège d’éléments singuliers et donnant à cet opus un caractère, une saveur exaltante qui lui est propre.

J’en veux pour exemple le soin apporté à un morceau comme Torügg bleev blot Sand où l’on peut observer une très belle et impactante variation d’intensité en matière d’ambiance, ou le morceau instrumental Versunken qui s’approprient et développent les motifs mélodiques que l’on a pu entendre sur le premier titre nommé : Einklang.

Les esprits chagrins me feront remarquer que les nouvelles compositions portent davantage le sceau du mid-tempo que celles de l’EP mais je trouve ce choix infiniment plus judicieux, car de tels tempi offrent de plus larges respirations et permettent aux affects de se déployer. Seulement n’allez pas croire que les blast-beats sont absents, ce n’est pas le cas. Ils servent simplement moins de matériaux structurants a contrario de leurs rôles au sein de l’EP.

Encore une fois, cet album termine sa course sur ma platine.

Je presse la touche pour le relancer.

Je devine les vents, je devine l’effroi des gens autour de moi, je me sens pénétré par le sel et la lumière. Mes sens se déphasent. Mes yeux entendent les vibrations et mes oreilles voient les panoramas qu’inconsciemment, je ne faisais qu’ignorer, auparavant.

Enfin ! Comme les vagues, comme les inondations, le voyage se jette sur moi et m’emporte. À nouveau !