BlackRain, Whisky of Blood, Electric Shock
L’Ilyade, Seyssinet-Pariset (FR)
Date 27 septembre 2024
Chroniqueur Ségolène Cugnod
Photographe Jean-Yves Cluze
https://www.lilyade.fr

La région Rhône-Alpes est riche de bien des choses, parmi lesquelles sa culture hard rock, culture qui du reste trouve un de ses épicentres à Grenoble ; du moins est-ce le souvenir que je garde de mes années vécues dans cette ville. Aussi ne suis-je pas étonnée d’apprendre que la capitale des Alpes, en cette fin septembre, accueille une date menée par le fier fleuron régional du genre BlackRain, accompagné pour l’occasion par les locaux de Whisky of Blood et Electric Shock. Cette bien belle affiche annonce une soirée sacrément rock’n’roll en perspective réunissant des passionnés ; dans tous les cas, à peine arrivés, je reconnais déjà quelques vieilles trognes.

La tâche d’ouvrir la soirée revient à Electric Shock. Le classique du rock’n’roll Long Tall Sally de Little Richard fait office d’introduction, ce sur quoi le groupe fait son entrée en scène sous les encouragements d’un public qui, de toute évidence, le connaît bien, avant de démarrer son set par le morceau donnant son titre à son dernier album, Blow It Off. La suite confirme ces premières impressions, et se déroule dans une ambiance familiale et aux couleurs du bon hard rock old-school, dont le groupe visite et revisite les codes en leur apportant une touche de jeunesse. De la direction musicale à l’aspect visuel, toutes les références y passent, des riffs à la sauce AC/DC aux T-shirts des musiciens, jusqu’à un des deux micros chœur positionné en hauteur à la façon de feu Lemmy Kilmister de Motörhead. Est-il même seulement possible de trouver un nom plus hard rock qu’Electric Shock ? Rien n’est moins sûr. Ce qui l’est en tout cas, c’est la capacité du groupe à enflammer les foules en un tournemain, le mérite revenant au talent couplé à la simplicité et à la bonne humeur de ses membres ; à commencer par le bassiste Jules Dödestroyer qui lèche le manche de son instrument en écarquillant les yeux. Les deux guitaristes, Little Angus et Chainsaw Charly, sont excellents et nous offrent à entendre et voir leur complémentarité au travers d’un joli dialogue de cordes, malgré un son perfectible sur leurs instruments, et apportent un bon appui vocal sur les refrains au chanteur VolHard, dont la voix par moments haut perchée offre un contraste pour le moins touchant avec son allure de gentil géant. En plus de ses capacités vocales, ce dernier possède également un certain attrait pour la comédie, en témoignent les traits d’humour qu’il lance à son public entre deux morceaux, le plus souvent au sujet de la ville de Grenoble. « Tu es la cité du vice et des crimes ! » clame-t-il avant d’annoncer un morceau récent, dont je crois saisir qu’il s’intitule Midnight Alley. Plus tard, il pousse la mise en scène à un autre niveau, en faisant mine d’étrangler son camarade Charly… Dans tous les cas, pour moi qui ai connu Electric Shock à l’époque de ses débuts et de son premier EP éponyme, je suis ravie et touchée de constater son évolution. De leur côté, les spectateurs mettent beaucoup d’entrain à reprendre en chœur les refrains, ce pour quoi VolHard les remercie en déclarant « Vous êtes un super public ! » Un super public pour une super ouverture, que demander d’autre ?

Même salle, autre ambiance lorsque vient le moment pour Whisky of Blood de prendre la suite. Comme son nom le laisse présager, le groupe, originaire de Grenoble lui aussi, officie dans un registre une fois encore à l’image de son introduction, c’est-à-dire psychédélique — œuvre du bassiste Attila, qui n’a pas peu fière allure avec sa crête façon punk. Concrètement, cela prend la forme d’un set constitué de morceaux blues rock portés par des guitares mélodieuses, elles-mêmes soutenues par la rythmique jazzy du bien nommé King of Beer, ainsi que par la voix rocailleuse du frontman Lord Whisky. En plus de cela, lorsqu’il ne tient pas le micro sans toucher à sa guitare, ce dernier se distingue également par son aisance à jouer des soli. À ce niveau, l’autre homme à crête de punk de la bande, Phil the Animal de son nom de scène, s’en sort avec les honneurs lui aussi, tous deux livrant une leçon de virtuosité — et le quatuor dans son ensemble une leçon de rock dur à la sauce whisky millésime 80’s. Whisky of Blood profite de l’occasion pour présenter son nouvel album, Diablesse of Revolution, sorti le jour même, représenté dans la setlist par plusieurs titres et sur la scène par une danseuse à chapeau et tenue kitsch s’amusant avec une bouteille de whisky, emblème du groupe. N’étant pour ma part pas très friande des mises en scène de mascottes, je reconnais mettre un certain temps à m’y habituer, avant de finir par esquisser un sourire en voyant cette dernière danser avec une batte de baseball… puis de rire au moment où elle jette un soutien-gorge dans le public !

Entre deux morceaux, Lord Whisky prodigue également quelques sages paroles, par exemple « Ne vous laissez jamais influencer par les mauvaises personnes ! », ceci en puisant au goulot d’une bouteille… d’eau. Encore une fois, je ne peux m’empêcher de me sentir amusée au vu du souvenir que je garde de la première prestation pour le moins alcoolisée du groupe courant 2013… Ceci dit, s’il s’est quelque peu rangé, Lord Whisky n’en a pas pour autant perdu sa verve, comme il le démontre durant le dernier tiers du set en déclarant fièrement « Si l’humanité doit être détruite, je ne veux pas qu’elle le soit par cette putain de politique. Je veux qu’elle le soit par le rock’n’roll ! » Certains spectateurs répliquent dans ce sens, c’est-à-dire en se lançant dans des mosh pits, pour le moins inattendus au vu du style qui a priori ne s’y prête pas ! Parmi eux, un homme s’appuyant sur une canne, à la sécurité duquel les autres veillent au grain. Enfin, Whisky of Blood conclut son set sur son morceau homonyme, qui voit le retour de la danseuse mascotte munie de cornes de démon sur sa tête et Attila surfer sur la foule.

La soirée est déjà bien avancée lorsque retentit l’introduction de la tête d’affiche du soir, j’ai nommé BlackRain ; une intro à laquelle ses accents électroniques façon science-fiction donnent un aspect futuriste qui tranche de manière amusante avec le glam rock old-school que l’on connaît au groupe annécien… ce sur quoi les quatre musiciens débarquent sur la scène en arborant tous un sourire jusqu’aux oreilles, le frontman Swan en dernier, avant d’enchaîner deux premiers morceaux, Untamed et Kiss the Sky, dont les inspirations très synthrock entraînent les premières secousses de têtes dans le public ! Après quoi, Swan prend le temps de saluer chaleureusement son public ainsi que les prestations des groupes d’ouverture. S’ensuit un troisième morceau, dont le titre m’échappe mais qui est à l’origine d’une épidémie de sauts dans l’audience. De manière générale, les morceaux de BlackRain, entre pop-punk et base glam/hard rock, sont tous matière à sauter, lever les poings en l’air et taper des mains, de même qu’à reprendre les refrains à l’unisson avec la voix mélodieuse du chanteur et guitariste, dans un esprit « feel-good » et bon enfant. Bien qu’ayant un peu de mal à entendre les chœurs sur scène, je me laisse charmer par le sourire du bassiste Matthieu « Heinrich » de la Roche ainsi que par la manière qu’a le guitariste au chapeau irlandais Max 2 de s’exprimer au travers de ses leads.

Le groupe se voit bientôt rejoint par un invité humblement nommé Monsieur Christ, qui arbore un costume allant avec ce nom couplé à une paire de lunettes de soleil, avec qui il tourne « depuis quelque temps » et dont le rôle consiste à « remettre dans le droit chemin les brebis égarées… et il y en a beaucoup dans cette salle ! » selon les dires de Swan. Cette joyeuse mise en scène est prétexte à une performance de Summer Jesus, avec intro à l’orgue et prêche au programme, pendant laquelle le nouveau venu sur scène s’en donne à cœur joie dans son rôle en jetant allègrement des médiators aux spectateurs. Cet invité, Jérémie Guiguet de son vrai nom, est cependant bien loin de s’en tenir à un rôle de mascotte, comme il le démontre en empruntant la guitare de Swan à plusieurs reprises. En premier lieu, sur la classique reprise de Twisted Sister We’re not Gonna Take It — qui donne au passage l’occasion à Heinrich de démontrer ses talents de chanteur sur les couplets.

Par la suite, Jérémie tombe le costume et dévoile une autre facette de ses talents de guitariste, acoustique celle-ci, sur un morceau « pour les sensibles », Nobody but You de son titre si je ne me trompe. « Ça fait plaisir, ça donne envie de revenir ! » clame le frontman en réponse à l’enthousiasme que manifeste le public ; ce sur quoi il annonce un vieux morceau récemment réintégré à la setlist en l’honneur d’Yves Campion, présent bien entendu dans l’audience ce soir, et de Metallian Productions. Jérémie reprend la guitare sur le suivant, dédié quant à lui à l’un des membres de Whisky of Blood. En vérité, son omniprésence aux côtés de BlackRain ce soir est annonciatrice d’un changement de taille pour le groupe, le second après l’arrivée de Franky Costanza à la batterie l’an dernier. En effet, comme l’annonce Swan quelques minutes plus tard à l’adresse de ceux pas encore au courant, « ce soir, c’est une date un peu spéciale », puisqu’il s’agit d’une des deux dernières de Max 2 au sein de BlackRain, ce dernier ayant récemment annoncé son départ après vingt-trois ans de bons et loyaux services. Voilà pour le moins une façon originale et sympathique d’officialiser l’arrivée de son remplaçant en bonne et due forme, qui confirme le caractère exceptionnel de ce concert auquel nous avons la chance d’assister ! Un concert que vient conclure Neon Rift, classique du groupe, suivi d’un rappel de deux titres. Au moment des au revoir, Swan prend un moment pour remercier son professeur de chant (« Sans lui, je tiendrais pas un concert ! ») ainsi que le public de l’Ilyade, tout en exprimant son souhait de revenir « bientôt, pas dans dix ans ». Le souhait est plus que partagé, et la bienvenue à Jérémie !

Pour résumer en quelques mots cette soirée Hard Rock Party, elle aura pris des airs de trip nostalgique qui fait chaud au cœur en ce début d’automne, ainsi qu’un beau passage de flambeau d’un guitariste à un autre du côté de BlackRain. À la prochaine, pas dans dix ans !