XIV Dark Centuries, Sangdragon, Icestorm, Drakwald, Hellixxir, Vosegus
Lamure-sur-Azergues (FR)
Date 4 mai 2024
Chroniqueur Ségolène Cugnod
Photographe Ségolène Cugnod
https://www.facebook.com/DMF69620

Que cela soit pour goûter son célèbre vin ou simplement admirer la beauté de ses paysages, toutes les raisons sont bonnes pour passer un week-end en Beaujolais… en particulier lorsque s’y déroule le Dark Medieval Fest. Depuis sa création en 2019, suivie de celle de l’association organisatrice Golden Stone Events, et après avoir connu quelques déboires liés au Covid, le festival nommé d’après le premier album de Satyricon a trouvé son foyer dans la salle pluraliste de Lamure-sur-Azergues. Cette année encore, en ce premier week-end de mai, le charmant patelin accueille la quatrième édition de cet événement à la croisée des chemins qui fait se rencontrer musiciens, commerçants, associations de reconstitution et un public issu de tous horizons.

Si le festival ouvre ses portes à 15 h 30, le marché médiéval et les animations en extérieur prennent quant à eux place à partir du début d’après-midi. De quoi laisser largement le temps aux premiers visiteurs de se restaurer et de profiter du marché médiéval peuplé de divers exposants — entre boissons, bijoux, décoration, articles en cuir, etc. — ainsi que des reconstitutions d’époque proposées par Les Pérégrins d’Ycelieu et Les LamHes du Val d’Azergues, deux associations locales.

 

 

En outre, pour les profanes non adeptes des musiques extrêmes, ces derniers peuvent apprécier la performance de The Klovers. Muni de son répertoire de reprises de classiques de la musique celtique, de ses instruments traditionnels et de son indéfectible sympathie, le trio originaire de Tarare offre aux visiteurs une petite dose de « musique acoustique à tendance festive, option bonne humeur », dans un cadre idyllique aux abords des berges de l’Azergues. Un moment jovial et convivial… auquel la météo capricieuse de la saison vient apporter une contribution dont tout le monde se serait bien passé !

 

De retour à l’abri à l’intérieur de la salle pluraliste, vers 16 h vient le temps pour Vosegus d’ouvrir les sombres et médiévales festivités. Après Infinityum en 2022 et Trollheart l’an dernier, il s’agit de la troisième participation au Dark Medieval Fest pour ses fondateurs qui sont aussi ceux du label Heart of Metal, Nicolas Foucault a.k.a Cide et Damien Prunier a.k.a Damned. Cette année, accompagnés de leurs acolytes, tous deux troquent leurs costumes de trolls pour de sobres tenues noires et laissent de côté la légèreté et l’humour au profit d’un black/pagan metal à l’atmosphère plus sérieuse, mais non moins captivante. Fort de deux excellents albums, dont le second, Retourne à la terre, est sorti pas plus tard que l’année dernière, le quatuor nantais propose une setlist regroupant les moments forts de l’un comme de l’autre. Solennels et très impliqués, les quatre musiciens prennent leur temps pour instaurer des ambiances tout à la fois sombres telles que portées par les aspects black, oniriques et envoûtantes telles qu’amenées par les passages en chant clair et les bandes-son véhiculant une mélodie jouée à la flûte en fond, ainsi que les montées en puissance typiques du metal progressif. En résultent des morceaux et un set qui trouvent leur équilibre entre lumière et obscurité, moments épiques et autres purement contemplatifs, pour une ouverture de festival tout en — relative — douceur et, surtout, émotion. Cette dernière se ressent et s’observe chez les membres de Vosegus, dont la joie d’être ici se lit sur les visages, particulièrement le batteur en fond qui articule des chœurs sans micro ; parmi eux, seule la bassiste semble quelque peu en retrait, concentrée sur son jeu.

En avant de la scène, Cide impressionne autant par son jeté de cheveux que par sa capacité à changer de voix à volonté, du grave au médium autant en chant extrême qu’en chant clair. Par ailleurs, la réserve dont il fait preuve n’est pas sans inspirer une certaine tendresse, en opposition avec son temps de scène de l’an dernier passé à faire le fou avec Trollheart… Du côté des premiers spectateurs, ces derniers reçoivent cette émotion avec les honneurs, notamment sur le très progressif avant-dernier morceau, Honore les dieux. S’il est en revanche un déséquilibre à relever, il se situe au niveau du mixage des micros, dont la saturation s’entend même en s’éloignant de la scène. Il en est de même pour la bande-son, ce qui m’amène à me dire que Vosegus gagnerait peut-être à engager un claviériste…

 

Pour leur seconde collaboration ensemble après une date au Rock’n’Eat de Lyon en 2022, Golden Stone Events et Hellixxir ont choisi cette quatrième édition du Dark Medieval Fest. Un choix qui a de quoi surprendre au vu de la manière dont le groupe dénote avec le reste de l’affiche, qui s’explique cependant par la volonté de l’association d’intégrer une formation régionale à l’affiche. Je suis pour ma part ravie de retrouver le quintet grenoblois plus de deux ans après sa très bonne performance au New Blood Fest, durant lequel il avait impressionné le public par son style créatif mêlant black et thrash metal à un peu de heavy et de prog, sa maîtrise et son professionnalisme… autant dire que dès les premières notes, je comprends que ce n’est pas aujourd’hui qu’Hellixxir décevra. Fidèle à lui-même et à ce qui fait le sel de chacune de ses prestations, le groupe met en avant l’éclectisme et la technicité de ses membres au travers de morceaux mêlant nervosité et virtuosité. Ce dernier aspect est en bonne partie véhiculé par Matthieu Laforêt, dont le talent pour le shreeding n’est plus à prouver, quoique son comparse Laurent Couarraze ne démérite pas lorsque vient son tour d’assurer la lead… De manière générale, tous les musiciens font montre d’une rigueur impeccable et d’une implication de tous les instants pour rendre au mieux honneur à la discographie d’Hellixxir, certes peu fournie du haut des trois albums qui la constituent mais dont l’intelligence d’écriture compense plus que largement cet aspect.

En première ligne, le chanteur Alexandre Manin impose le respect par sa ténacité ; étant en effet tombé malade peu avant le concert et ayant la voix fragilisée par des quintes de toux, il donne le change en surinvestissant sa performance sur l’aspect vocal comme physique… jusqu’à parvenir à tenir la note sur plusieurs secondes à la fin d’un morceau ! Belle leçon de résilience de la part de celui qui a aidé le groupe à se relever de la perte de son précédent frontman Camille Marquet. Ceci étant dit, sa peine à tenir le coup se lit sur son visage d’une pâleur cadavérique et aux expressions endolories, tout comme dans sa démarche titubante, et il est difficile de ne pas avoir mal pour lui…

Entre deux extraits de The Black Fortress — dernier opus en date du groupe et le plus représenté dans la setlist — et deux reprises de souffle, Alexandre annonce un morceau inédit — dont le titre m’échappe — extrait d’un prochain album à venir ; une nouvelle qui réjouit les fans qui, en réponse, vont presque jusqu’à lancer le premier mosh pit du festival. Un second inédit vient compléter la setlist qui s’achève en beauté sur Eraser. En quelques mots, un show de très bonne facture — en dépit de quelques nouveaux soucis de saturation du micro — qui conforte Hellixxir dans son statut de fer de lance du blackened thrash rhônalpin et laisse présager le meilleur pour son quatrième album à venir… vivement sa sortie !

 

La pandémie de Covid-19 avait eu raison de l’édition 2020 du Dark Medieval Fest et, par là même, de la venue de Drakwald en terres beaujolaises, qui s’est alors vue reportée à 2024. Cette nouvelle programmation ne pouvait pas mieux tomber pour le groupe tourangeau, qui a entre-temps sorti son troisième album, Black Moon Falls, début 2023 ; album dont le premier titre, Devouring the Living Sun, fait aussi office d’ouverture du set. Dès cette entrée en matière, Drakwald nous rentre dans le lard et prend à revers les attentes des profanes ! Le groupe pratique un style mêlant riffs et rythmiques catchy issues du death metal mélodique à la sauce suédoise et mélodies folk à la flûte et à la cornemuse, toutefois à mille lieues de la légèreté souvent associée au genre folk et aux groupes à instruments dits traditionnels, optant à la place pour une approche terre à terre axée sur deux piliers que sont la thématique des catastrophes environnementales et une musicalité dépouillée et sans filtre. Sur scène, cela se traduit par une prestation qui l’est elle aussi, dépouillée et sans filtre, courtoisie de cinq musiciens dont la maîtrise n’a d’égale que l’envie d’en découdre, d’un Maxime Dugué déchaîné derrière les fûts au chanteur et bassiste au growl et à l’allure d’ours mal léché, Thibaud Destouches. En contraste avec la réserve des deux frontmen qui l’ont précédé, il fait montre de la même hargne dans son double jeu de cordes que lorsqu’il intime l’ordre aux spectateurs de « séparer cette fosse en deux » ; ordre que ces derniers s’empressent d’exécuter en se lançant dans un wall of death, le premier du festival, bientôt suivi de quelques mosh pits.

Autant d’éléments qui montrent que Drakwald n’est pas là pour faire dans la dentelle — plutôt pour effacer par le feu, dixit le titre d’un des morceaux ! L’ambiance se fait guerrière, tout comme les peintures que quatre des musiciens arborent sur le visage ; ceci étant dit, personne n’en oublie de s’amuser, comme les autres live reporters et moi-même avons plaisir à l’observer depuis le fond où nous avons trouvé refuge pour échapper à la mêlée. Cette prise de distance vis-à-vis de la scène nous permet aussi de mieux saisir les nuances dont l’instrumentiste folk Bertrand Renaud se fait pourvoyeur par son double jeu, entre la douceur de la flûte et les sonorités un tantinet mélancoliques de la cornemuse ; tantôt dans sa bulle, tantôt improvisant un duel guitare/cornemuse avec Simon Massenet sur Despair of the Last Men ; toujours faisant la différence. Quelques soucis techniques pointent le bout de leur nez, impactant surtout la voix du guitariste Marc Vaillant dans le micro chœur, qui a du mal à se faire entendre ; rien à déplorer, toutefois, de matière à gâcher cette prestation dont je ressors amplement satisfaite. Largement assez, en tout cas, pour me pousser à passer au stand de merchandising pour manifester mon soutien à ce groupe à la personnalité bien marquée qui fait souffler un vent de fraîcheur sur la scène folk/death !

 

En parlant de vent de fraîcheur, vient le tour d’Icestorm de faire souffler celui du grand nord sur les terres beaujolaises — plutôt ironique pour un groupe venu d’une des régions les plus chaudes d’Europe. Le quintet débarque en effet de Barcelone, armé pour cela de son quatrième opus à thème historique, The Northern Crusades, qui sera joué ce soir dans son intégralité pour la première fois devant son public français. Les quatre instrumentistes prennent place, stoïques et têtes baissées, alors que résonne dans les enceintes l’intro narrative de l’album rappelant le contexte historique ; un prologue dans le calme… suivi de près par la déferlante Across the Baltic Sea et son excellent riff façon Amon Amarth, sur lequel le frontman Marc Storm déboule en trombe pour saisir le micro et narrer le premier chapitre d’une grosse voix ! Après ce démarrage dans les règles de l’art avec le début de l’histoire, Icestorm enchaîne directement sur… la fin, avec Novgorod Arise. Ce petit revirement me mène vite à comprendre que l’ordre chronologique des épisodes importe ici moins que leur rythme et leur capacité à échauffer les esprits. La suite ne me donne pas tort, puisque Clash of Titans voit certains festivaliers démontrer leur assiduité face à la leçon d’histoire qu’ils reçoivent en improvisant une reconstitution de la bataille du lac Peïpous… avec les moyens du bord, autrement dit, par un mosh pit. En fait de vent, c’est une véritable tempête qu’Icestorm fait déferler sur son passage ! Ayant de mon côté beaucoup écouté l’album au moment d’écrire sa chronique, j’apprécie d’autant plus la dimension supplémentaire que donne le live à ces morceaux que je connais bien, fruit de musiciens chevronnés qui savent ce qu’ils font et compensent leur manque de mobilité par un jeu aussi carré qu’efficace — je pense notamment au guitariste Gerard Busquets Ferré, dernier arrivé dans le groupe mais qui donne l’impression d’être là depuis toujours —, tout en laissant tout de même volontiers la vedette à Marc Storm. Le grand chauve aux allures de Viking, qui avait l’an passé livré une belle démonstration de ses qualités de frontman ainsi que de son sens de l’humour avec Drakum, remet le couvert en sautant et courant partout comme un enfant, sur fond de morceaux se prenant pourtant bien plus au sérieux. Au point que, pris dans le feu du moment, il en vient à oublier l’ordre de la setlist et annonce Volündr un titre plus tôt que prévu, tandis que ses confrères musiciens embrayent sur The Power to Fight… de quoi se sentir pris au dépourvu ! Marc rit de bon cœur de cette petite bourde avant d’enchaîner sur Volündr, pour de vrai cette fois.

Après ce petit détour par le troisième album Saga, Icestorm opère un retour à l’Histoire et à The Northern Crusades pour ne plus le lâcher jusqu’à la fin du set. Cela commence aussi fort que le début par l’enchaînement de The Teutonic Charge et Fields of Death, les deux titres les plus sombres et bourrins de l’album qui entraînent encore quelques échauffourées dans le public, suivi d’un moment plus symphonique et solennel sur Triumph of the Pagan Warriors. Comme à l’écoute de l’album, j’en viens presque à verser une larme… Ceci dit, le groupe a gardé le meilleur pour la fin avec le mid-tempo façon marche militaire The Iron Fist on the Lance Shaft, dont Marc invite les spectateurs à reprendre les vocalises du refrain en chœur, ce pour quoi ces derniers se montrent quelque peu réticents… à bout de forces suite aux batailles ou frileux à l’idée de chanter faux ? Cet hymne est suivi de celui du groupe, le bien intitulé We Are Storm, qui met un point final à un set rondement mené. Tout juste émettrai-je un petit regret vis-à-vis de la réserve très prononcée de Jaume Roca a.k.a Tempestat, par ailleurs excellent guitariste, qui a passé la plus grande partie du show caché derrière ses cheveux… Dans tous les cas, Icestorm semble avoir produit son petit effet sur les festivaliers, du moins est-ce ce que je déduis en voyant certains arborer des T-shirts du groupe venus du stand de merch plus tard dans la soirée. J’y passerai moi-même après le concert, le temps d’acheter un album et de discuter quelques minutes avec Marc Storm ; l’occasion de constater que derrière son apparente bourrinitude ne se cache même pas une sympathie sans bornes…

 

Tout comme Drakwald un peu plus tôt, Sangdragon a vu sa venue au Dark Medieval Fest retardée par des imprévus, parmi lesquels le Covid, et débarque lui aussi cette année avec un nouvel album à promouvoir, Hierophant, sorti en octobre dernier. Le groupe n’aura en tout cas pas eu à effectuer beaucoup de trajet depuis Mâcon pour porter les couleurs de cet opus et de son prédécesseur Requiem for Apocalypse, tout comme celles de ses costumes, jusqu’à son public de ce soir ! Des couleurs aussi vives que sombres, comme l’annoncent l’introduction orchestrale Majesty suivie de Deep Dark… Descent, à l’ambiance mystique et très immersive — quoi de tel alors que la nuit est tombée à l’extérieur ? Dès lors, le public du Dark Medieval Fest se retrouve embarqué dans une saga de dark fantasy à l’univers fait de death/black metal et d’inspirations issues de bandes originales, fruit de l’imagination de celui qui porte le projet depuis bien avant qu’il prenne le nom de Sangdragon, Vincent Urbain a.k.a Lord Akhenaton, qui prouve ce soir une fois de plus qu’il a su s’entourer des meilleurs camarades possibles pour lui donner vie.

Il est de notoriété publique que plus un groupe comporte de membres, plus les difficultés de coordination sur scène et de sonorisation sont légion ; néanmoins, Sangdragon fait ici figure d’exception et d’exemple à suivre en la matière. Chacun des sept membres du groupe présents sur scène, tels une troupe d’acteurs, a un rôle bien établi à jouer et exécute la tâche avec la rigueur qui lui est due et sans en dévier — sans pour autant faire preuve de rigidité, bien au contraire. Tous ou presque participent aux chœurs, ce qui contribue à leur alchimie commune et donne à Sangdragon un statut d’ensemble vocal autant que de groupe. Si, sur les précédentes prestations, les voix claires peinaient à se faire entendre, elles sont ici bien audibles et résonnent jusqu’au fond de la salle — particulièrement le chant lyrique de la flamboyante Cynthia Marciniak. Bien loin de constituer une gêne qui prendrait le pas sur les instruments, cette omniprésence des voix contribue à l’aspect religieux et mystique du show, aspect d’autant plus renforcé par les mélodies orientalisantes et les orchestrations amenées par un Édouard Verneret qui, à défaut de jouer du piano debout, jouait du synthétiseur pieds nus, ainsi que par la rythmique que bat Denis Josserand sur les percussions traditionnelles, complémentaire à celle du jeune batteur Léo Mouchonay. De manière générale, le son en ressort très dense et le concert comme une cérémonie menée avec conviction par tous ses participants, mais surtout par son maître qu’est Lord Akhenaton. Tel est le cas pour beaucoup de groupes dont le concept repose sur son fondateur, et il ne fait pas exception ; meneur parmi les meneurs, il porte le show de bout en bout de sa voix très éraillée et de son jeu de scène très théâtral, tel le metteur en scène qu’il est.

Dans son dernier tiers, le set prend une tournure plus acoustique lorsque Vincent dégaine son bouzouki, dont les sonorités apportent un petit plus folk pas désagréable à l’oreille — quoi qu’aucun extrait de The White Dragon, seconde moitié de Hierophant centrée sur l’acoustique, ne s’intègre dans le programme. Entre deux titres, le meneur adresse ses remerciements à l’ingénieur lumière, blessé à la tête suite à une mauvaise chute lors du changement de plateau et qui a tenu malgré tout à assurer son rôle, ainsi qu’à son ami de longue date Christian Bivel, patron d’Adipocere qui a son stand au merchandising et producteur des deux premiers albums de la trilogie Daemonium – Akhenaton – Sangdragon, et profitent de l’occasion pour dédicacer les deux morceaux qui suivent à ce dernier — dont l’un, Final Battle est justement extrait de l’album sorti sous le nom d’Akhenaton. Cet hommage touchant à deux figures de l’ombre amène tout doucement vers une conclusion du set aussi épique que son ouverture, sur le récent morceau Tvern, qui a de quoi donner envie de découvrir cette « mystic trilogy » sous toutes les coutures ; en tout cas pour moi qui ai longtemps attendu l’occasion de voir le groupe en concert…

 

Le temps d’un dernier changement de plateau, les spectateurs peuvent patienter en assistant à une performance pyrotechnique par Les Pérégrins d’Ycelieu, avec au programme : danse, équilibrisme et crachat de feu. Quelques minutes durant, les flammes illuminent l’obscurité nocturne et les gouttes de pluie qui persistent à tomber…

Initialement à l’affiche de l’édition 2022, une fracture à la jambe subie par son chanteur historique Michel Jung avait contraint XIV Dark Centuries à annuler sa venue. Cette année, c’est en tant que tête d’affiche, mais toujours sans Michel, de nouveau interdit de scène pour raisons médicales, que le groupe se présente sur la scène du Dark Medieval Fest, le guitariste Marcel « Tobalt » Gleichmann assurant le rôle de frontman. Un souffle dans une corne par ce dernier amorce le début du set, qui démarre sous des auspices rapides et entraînants avec Skogafulka, et nous voilà partis pour plus d’une heure entre black râpeux et pagan dansant, ce deuxième élément étant amené par un synthétiseur auquel Tobias Thomas donne des sonorités accordéonesques. Ce style que le groupe appelle « heathen thuringian metal », en référence à sa région d’origine, rappelle Finntroll par tous ces aspects, tout en accordant une place plus importante à la virtuosité présente dans les leads de guitare que se partagent Uwe Hoffman et Tobalt. Bien qu’encore peu habitué à assurer le chant en plus de la guitare, devant notamment s’aider d’une tablette pour les textes, celui-ci s’en sort avec les honneurs dans l’une comme dans l’autre tâche et livre une prestation carrée et soignée de bout en bout ; pour cela, l’on ne peut que saluer sa dévotion. Outre cela, le frontman improvisé sait aussi communiquer sa bonne humeur et son enthousiasme à son audience à grand renfort de sourire jusqu’aux oreilles, audience qui de son côté lui manifeste le sien en retour bien qu’un peu clairsemée en cette fin de soirée, alors que la fatigue pointe le bout de son nez. « Et bougez votre cul, bande de mollusques ! » invective une spectatrice face à l’inertie perceptible dans la zone servant de fosse ; ce à quoi la dizaine de spectateurs alentours réplique… en obtempérant. Quelle autre réponse ?

Ainsi en est-il tout au long d’un set durant lequel XIV Dark Centuries nous amène d’un bout à l’autre des vingt-six ans de sa carrière aux sorties un peu dispersées. Ne pouvant pas pour ma part revendiquer une connaissance très poussée de la discographie des Allemands, je ne peux prétendre reconnaître l’un ou l’autre ni leurs dates de sortie ; à la place, je me laisse guider par les annonces de Tobalt et les réactions du public à chacun d’entre eux. « Ce qu’il y a de bien avec vous, c’est qu’on peut mettre les mecs d’un côté et les filles de l’autre ! » clame-t-il juste avant de jouer un extrait de …den Ahnen zum Grusse…, premier album sorti en 2003. Cette affirmation qui me paraît un peu étrange au vu de la faible proportion de spectatrices par rapport à leurs homologues masculins dissimule en réalité à peine une invitation pour une « moitié » et l’autre à entonner le refrain de ce morceau dont je devine le statut culte. Pour autant, XIV Dark Centuries n’oublie pas le temps présent et même futur ; ainsi, trois titres extraits d’un prochain album à paraître d’ici la fin de l’année viennent s’intégrer à la setlist. C’est d’ailleurs le dernier d’entre eux, ainsi qu’un autre grand sourire de Tobalt à l’adresse d’un public rincé mais satisfait, qui clôture cette prestation — certes pas la plus marquante, mais généreuse dans sa simplicité et menée avec panache en l’honneur de Michel Jung — et le Dark Medieval Fest mouture 2024.

 

De cette quatrième édition du Dark Medieval Fest, première en tant que live reporter, je tire le souvenir de six groupes tous talentueux et accessibles ainsi que d’un septième plus grand public et très feel-good, d’animations dont la qualité peut réconcilier les profanes avec le médiévisme et d’artisans dont les produits savent faire de l’œil au chaland. En quelques mots, un événement à échelle humaine dont se dégage beaucoup de cœur, fruit de l’investissement de passionnés ; quelque chose de précieux qu’il est aujourd’hui plus que jamais important de préserver.