Hello, j’espère que tu vas bien ! Je suis Emy, on fait l’interview pour Metal Alliance, un média suisse, merci de prendre du temps.

Emy, ravi de parler avec toi, c’est un vrai plaisir !

On est là pour parler du nouvel album, König und Kaiser. Désolée pour l’accent ! (rires) Il sort le 22 mars, si je ne dis pas de bêtise ?

Oui c’est bien ça, vendredi !

Et donc, ce nouvel album, il parle de quoi ?

C’est marrant que tu me demandes ça car quelqu’un m’a dit récemment que ce n’était pas un concept album mais un album à thème. Et ça invite à bien choisir ses mots car c’est comme un livre composé d’histoires courtes. Donc il faut le voir comme un chapitre sur l’histoire d’Hammer King, sans réelle connexion entre les chansons et sans avoir à les mettre dans l’ordre. Quand tu penses à un concept album, je pense que le plus gros problème, c’est de voir la manière dont coïncident les chansons et leur mise en musique. Quand tu regardes des grands classiques de concepts albums, je pense à The Wall de Pink Floyd, et bien, musicalement, ça n’a pas le flow parfait. C’est un classique, sans aucun doute, mais c’est très dur d’avoir à la fois un album qui raconte une historie parfaite et qui défile impeccablement sur le plan musical. Peut être que Queen l’a fait, mais nous, on ne fait pas de concept album, on se concentre sur des thèmes. Le premier, c’était sur le royaume, le deuxième c’était la guerre, on a aussi un album sur le roi, etc. Cette fois, on a un album où le roi n’est pas juste un roi, c’est aussi un Kaiser, un empereur. Aussi fou que ça puisse paraitre, il a encore plus de pouvoir qu’il n’en a jamais eu et fait ce que les gens qui ont du pouvoir font : il sort de chez lui et va chercher encore plus de pouvoir en conquérant d’autres pays. Mais ce n’est pas une mauvaise chose car il rapporte des choses à son pays et il mène une conquête du monde en musique. C’est ce qu’on essaye de faire : conquérir le monde par la musique ! (rires) On vient en France pour la première fois par exemple […] Il y a donc de nouveaux pays pour nous aussi. C’est sympa de voir que nos albums sont connectés à la réalité !

Vous allez jouer à Dijon, me semble-t-il. Vous allez pouvoir boire du bon vin par là-bas !

Oui, on fait deux concerts en France ; on va d’abord à Paris. Evidemment, c’est une super manière de découvrir la France et d’aller pour la première fois à Paris. Dijon, c’est prévu pour octobre. Je ne manquerai pas de dire à mes collègues de boire autant de vin que possible car je vais te confier un secret : je ne bois pas d’alcool ! Mais les gars feront ça pour moi, pas de problème !

Tu ne bois pas de vin mais tu manges peut-être du fromage… Il y aura aussi de quoi faire en Bourgogne !

Alors, en tant que bon vegan, je ne mange pas de fromage non plus. (rires) Tous mes secrets sont dévoilés… (rires)

Décidément… (rires) Bon, revenons à nos moutons puisque mes conseils food&wine ne te seront pas très utiles. (rires)  Tu évoquais les thèmes abordés, ce qui amène ma question suivante : tu parles de beaucoup de choses mais… le marteau ? Vous vous appelez Hammer King. Quelle est la place du marteau dans cet album ? Il n’y a qu’une chanson à son sujet sur ce nouvel album ?

C’est marrant que tu me demandes ça car la dernière fois, à la sortie de Kingdemonium, on nous a déjà fait remarquer qu’il n’y avait aucune chanson sur le marteau. Nous l’avons complètement omis et nous ne recommencerons jamais !  Tu sais, quand tu chantes une chanson, tu ne prêtes plus attention à chaque mot. Du coup, là, j’ai fait attention à ce que les titres en parlent. Je sais, il y a plus de king que de hammer mais… il y en a quand même, donc nous sommes sauvés ! (rires) Mais si on retourne sur notre deuxième album, le roi est le marteau et le marteau est le roi donc… c’est un seul et même ensemble.

Comment avez-vous créé l’album ? Toujours par le même processus ou ça a été différent ?

Ça a commencé par un simple événement : on a été embarqués dans une tournée qui commençait en mars et, bien sûr, les gens de l’industrie nous ont conseillé de sortir un album. On était en juin de l’année d’avant la tournée. Ça semblait loin, mais il faut savoir que pour sortir un album en mars, on devait tout livrer pour octobre. Donc ça met un peu la pression… on n’avait rien du tout, on est partis de zéro. Nous avons décidé, pour le plaisir, de ne faire que des chansons, sans penser au concept autour. Nous avons choisi celles que nous aimions, peu importe leur simplicité ou leur traditionalisme. Par ce terme, j’entends qu’elles ont peut-être déjà existé d’une manière ou d’une autre dans notre répertoire. La première chose que nous n’avons jamais jouée en tant que Hammer King, c’était une chanson qui traite de la gloire au roi et au marteau. C’était tiré du premier album comme tu te doutes. La toute première fois que nous l’avons jouée, tout le monde était debout dans la pièce, genre « wahou, ok, c’est quelque chose », parce que c’est une musique très « ouverte » : on peut y placer des tonnes de voix, de grands solos de guitare… On a beaucoup d’espace pour s’exprimer dans notre musique et à cette époque, c’était un véritablement tournant pour nous. On n’est pas un groupe destiné à de grands changements dans notre style musical mais, si vous écoutez peut-être Hailed by the Hammer sur notre nouvel album, musicalement, vous verrez que c’est assez proche de ce peut faire Nevermore. Bien sûr, ce n’est pas aussi technique. C’est impossible car Nevermore est d’une difficulté inouïe à jouer… (rires) Donc je pense que nous pourrions probablement explorer différents coins de l’univers du metal, pour ainsi dire. Mais je pense que nous ne changerons jamais radicalement. On est heureux dans ce qu’on fait. On sait que ça fonctionnera en live, les gens apprécieront… donc non, nous ne sommes pas destinés à beaucoup changer. Ceci dit, attention… (rires) nous sommes ouverts d’esprit. Je suis tout à fait d’accord avec les gens qui disent que c’est du power metal, mais je dis toujours en interview que quand on regarde un groupe comme Saxon, entre leurs débuts, puis le rock « américanisé » dans les années 80, des chansons presque pop au début des années 90, pour devenir un groupe qui a vraiment beaucoup misé sur les riffs de guitare et donc très heavy à partir de Sacrifice, Battering Ram, et ainsi de suite. Donc, fondamentalement, vous avez un groupe qui a beaucoup changé et pourtant, il sonne toujours comme Saxon. J’appelle simplement ça du heavy metal, quoi qu’il en soit. Que ce soit du power metal, du pop metal, quoi que ce soit, c’est juste du heavy metal. Si je devais te résumer Hammer King, nous jouons simplement du heavy metal. Voilà. Et c’est très bien, non ? (rires)

Très bien ! (rires) Après, vous sortez beaucoup d’albums, donc ce que tu dis, ça pose quand même justement la question du renouvellement…

On essaie de faire les choses simplement et sans frustration et d’écrire le meilleur album possible sans se poser trop de questions. Je pense que peut-être, la solution à propos de l’écriture de chansons et de la création d’albums, on la trouve dans l’histoire du metal, avec des groupes comme avec Judas Priest qui a sorti deux albums en 78, ou Motörhead qui en a aussi sorti deux en 79 (ndlr : Motörhead a en fait sorti trois albums en 1979), Saxon qui en a sorti deux en 80, etc. : et bien, ces groupes n’avaient pas beaucoup de temps et ils étaient sur la route bien plus que nous le sommes aujourd’hui. Je pense que quand il s’agit de faire un album, vous devez avant toute chose aimer ce que vous faites et vraiment ressentir la faim et le désir de faire quelque chose de nouveau. Il faut juste sortir toutes les idées que vous avez et tout ce que vous aimez pour les transformer en des chansons, mais pas n’importe lesquelles : les meilleures que vous puissiez faire. C’est probablement la seule chose qui compte vraiment pour faire un album. Donc quand vous sentez que ça va dans une direction plus heavy, c’est bien, quand vous sentez que ça va dans une approche plus épique, vous pouvez toujours vous demander « Est-ce qu’on va trop loin ? Est-ce que le public va adhérer ? » Vous pouvez vous poser la question avec votre tête et vous raisonner, contrôler votre créativité, mais fondamentalement, il faut aller avec le flow. Faites juste ce que vous aimez.

C’est sûr mais en même temps, est-ce si simple à faire, ce que tu dis ? Parce que maintenant, beaucoup de gens disent « ils ne changent pas, ce groupe fait toujours la même chose ». Et quand ils changent, c’est compliqué parce que « ce n’est pas la même chose, c’est pas eux, c’est commercial, etc. » La question de savoir comment orienter la créativité tout en restant fidèle à son identité est assez complexe.

Je vais te dire un truc ! Je connais bien Charles Greywolf, qui travaille avec du beau monde, et on en a déjà parlé… Pour un groupe comme Sabaton ou Powerwolf, c’est à peu près la même situation. Des gens peuvent se dire « ils font toujours la même chose et n’osent jamais rien faire de différent. », donc c’est vraiment quelque chose de très typique pour le heavy metal. C’est assez challengeant, je trouve, mais il faut écouter et ne pas faire abstraction de ce qui se passe autour. Si tout le monde vous dit que votre nouvel album ne marche vraiment pas, ils auront probablement raison car c’est le public qui achète les albums et il faut écouter son public et le public en général. C’est évident que si un album ne rencontre pas son public, c’est un problème, mais très fondamentalement, je pense qu’il faut se faire confiance, suivre son cœur et quand l’esprit est là… il n’y a pas de raison que ça ne marche pas. Je pense que c’est ce qui captive véritablement les gens, l’esprit qu’on a mis dans un album. Je vais te poser des questions : ton album préféré de ton groupe préféré est-il vraiment le meilleur album de ce groupe ? Est-ce que ce n’est pas plutôt parce qu’il résonne avec toi que c’est celui que tu préfères ? Quel est l’album préféré des autres fans ? Est-ce la même musique ? Est-ce différent ? etc. Donc faire les choses avec le cœur et l’esprit est quelque chose de très important pour un groupe comme Hammer King et, je pense, pour tout artiste. Si tu regardes un groupe comme Queen, ils ont des albums très différents les uns des autres et pourtant, ils sonnent toujours comme Queen tant que Mercury le chantait, et beaucoup d’albums de Queen ont reçu des retours très variés de la part du public.

Tu parlais du caractère épique que peut avoir un album en guise d’exemple mais Hammer King, et notamment König und Kaiser, peut avoir un côté très épique ! Au-delà de la musique, dont on a déjà parlé, qu’en est-il de l’artwork autour de l’album et des visuels ? Tu peux nous parler de la pochette de König und Kaiser plus particulièrement ?

Je pense que pour nous, il est toujours très intéressant de trouver les bonnes personnes et de continuer à travailler avec ces personnes aussi longtemps que ça marche. Je ne pense jamais à changer le son de ma guitare tant que je l’aime. Je sais que les autres gars du groupe sont différents, ils parlent toujours de matériel « je pourrais acheter ceci, c’est mieux que ça, blabla ». De mon côté, je dis toujours que je joue avec le même son depuis 98 et que mon son est toujours le meilleur que j’ai pu tester. Alors pourquoi devrais-je perdre mon temps ? Ça n’a aucun intérêt pour moi. Et pour les gens autour du groupe avec qui on bosse, c’est pareil. Une fois que vous avez trouvé ceux avec lesquels vous vous sentez vraiment à l’aise, je n’ai pas de temps à perdre à aller chercher « mieux ». Bien sûr, nous ne sommes pas fermés… (rires) Ça arrive pour une raison ou pour une autre qu’on entre en contact avec de nouvelles personnes qu’on rencontre. Mais c’est vrai qu’on en est à un moment de notre histoire où nous n’avons que des gens autour de nous que nous aimons vraiment beaucoup et que nous respectons véritablement. Là, nous avons changé l’artiste de nos artworks parce qu’à ce moment-là, nous voulions quelqu’un qui puisse dessiner le Hammer King, donner vie au roi. Nous avons rencontré, je pense, cinq ou six personnes différentes […] pour ce projet. Certaines n’avaient tout simplement pas le temps ; puis un jour, j’ai eu une conversation avec Péter Sallai, qui était allongé sur son canapé un jour de la période de Noël — je crois que c’était le 26 décembre — et il était totalement ouvert à cette idée. Il a dit qu’il allait y réfléchir et nous envoyer quelque chose. Le premier jet qu’il a envoyé était presque la pochette finale de l’album ! Nous avons ajouté quelques petits détails ici et là mais l’idée était là tout de suite. Péter est un gars fantastique, il est très gentil. En plus, je lui donne toujours un coup de pouce dans toutes les interviews et il en est toujours reconnaissant. Bon, cet homme travaille pour Sabaton et pour Saxon donc il n’a pas vraiment besoin de ça… (rires) mais il aime vraiment beaucoup son travail. On aimerait avoir, comme Iron Maiden dans les années 80, une identité forte sur nos pochettes. Iron Maiden oui, c’est Eddie, mais si vous mettez les pochettes à côté les unes des autres, il se passe un truc. Elles vont toutes dans la même direction, elles ont toutes le même style. C’était une marque de fabrique d’Iron Maiden qui, je trouve, a été perdue au fil des ans quand ils ont commencé à travailler avec d’autres personnes. Donc pour nous c’est agréable d’avoir une sorte de carte visuelle avec notre nom dessus. Hammer King ressemble à ça et je n’aimerais pas voir le roi dessiné par quelqu’un d’autre que Péter dans un avenir prévisible.

C’est super et la pochette est très réussie en tous cas, elle est en parfaite cohérence avec l’album je trouve ! Je vois l’heure défiler donc, pour finir, aurais-tu une anecdote amusante à nous raconter sur les tournées ? Parce que vous allez partir en tournée donc des choses vont probablement se passer… Qu’est-ce que tu pourrais nous apprendre de drôle sur Hammer King en tournée ?

Absolument, j’ai des histoires à te raconter. Mais promis, je vais parler d’une histoire lointaine qui ne concerne personne actuellement impliqué. Je jure, ce sont vraiment d’autres personnes ! (rires) L’une des histoires que je trouve vraiment très sympa, c’est quand j’étais le chanteur de Ross the Boss qui a joué en Grèce plusieurs fois et je me souviens d’une nuit particulièrement… épique ! Nous avons été invités à une after-party… Le groupe est allé en boite, ça a duré des heures et tout le monde bien sûr a bu de l’alcool et… pas qu’un peu. Les autres étaient donc vraiment bourrés mais pas moi car je ne bois jamais, du coup j’étais le gars triste et sobre au milieu de ces gens absolument ivres. Au bout d’un moment, nous sommes rentrés ; évidemment, je connaissais le chemin de l’hôtel. Donc nous sommes partis à pied, tout le monde était détendu… puis je me souviens que d’un coup, Ross s’est mis à crier en pleine nuit dans la rue « Où est l’hôtel ? » Imagine juste quatre mecs, dont trois complètement ivres, debout devant un énorme hôtel avec son énorme panneau « Park Hotel » clignotant, dont un qui hurle « Où est l’hôtel ? » Ils ne l’ont tout simplement pas vu parce qu’ils étaient ivres et j’ai dit à Ross « Regarde, il est là. » Et le lendemain, il ne s’en souvenait même pas : il a mis son bras autour de moi et il a dit « C’est le malin du groupe ! Il savait où était l’hôtel. », alors qu’on était juste devant. C’est une histoire que j’aime vraiment beaucoup car c’est un bon souvenir et, vraiment, vivre cette scène était très drôle. Une autre histoire en lien avec celle-ci concerne un autre gars de Ross the Boss, mais je ne dirai pas lequel, juste, ce n’était pas Ross. Nous étions à l’hôtel en Italie et il y avait un minibar… et dans ce minibar, il y avait des boissons qui étaient très chères. On était jeunes, ça remonte à presque vingt ans maintenant. L’un des gars a bu le contenu, dont la couleur ressemblait à celle du jus de pomme, d’une petite bouteille. Une fois la bouteille vide, il l’a remplie avec quelque chose qui sort du corps et qui pouvait avoir une couleur similaire. Il a refermé la bouteille de manière à ce qu’elle ait l’air vraiment neuve et il l’a remise dans le minibar. Je sais, c’est vraiment irresponsable et absolument horrible, mais on a longtemps pensé depuis ce moment-là à la personne qui, la nuit, ouvrirait cette bouteille et vomirait probablement après l’avoir bue… c’est horrible mais c’est très drôle en même temps. Donc, ce que j’attends pour cette prochaine tournée, c’est d’être dans un tour bus avec trois groupes et l’équipe. Je pense que tout le monde sera de très bonne humeur et très facile à vivre. Mais j’espère qu’il ne se passera quelque chose comme ça.

Tu feras attention en ouvrant ton jus de pommes le matin ? (rires)

C’est ça ! (rires) Et les membres du groupe doivent aussi faire attention quand ils ouvrent une bouteille de quoi que ce soit.

Avant qu’on se laisse, tu veux ajouter quelque chose pour nos lecteurs francophones ?

Absolument : je vis à environ une heure de la frontière française, c’est assez proche d’ici. Mais, pour autant, je n’ai jamais joué avec aucun groupe en France ; je n’y suis même jamais allé. J’ai failli… un jour, nous avons eu une offre, mais nous étions déjà bookés ailleurs. Là, ça va se faire, enfin ! Donc, nous attendons vraiment avec impatience de jouer en France. Et quand j’étais à l’école, j’étais très doué en français, ce qui s’est perdu au fil des ans parce que je ne pratique pas. Donc, j’espère pouvoir dire quelque chose, au moins sur scène. Je devrais pouvoir annoncer au moins une ou deux chansons en français, ce qui serait très important pour moi parce que j’ai toujours rêvé de ce jour-là. Et plus le temps passe, moins mon français est bon… (rires) On aime jouer chez nous en Allemagne mais les gens sont souvent plus sympas à domicile, donc c’est toujours très agréable d’aller dans d’autres pays et de rencontrer d’autres personnes, des gens d’autres cultures, avec une passion et des approches musicales différentes, et aussi de la nourriture différente, bien sûr. Nous sommes absolument impatients de voir tout ça. Venir en France après tant d’années et surtout à Paris, c’est très spécial pour moi.

Eh bien, profitez en bien ! Merci d’avoir pris le temps pour cette interview et pour ta gentillesse !

Merci à toi pour cette interview rafraichissante.