Idōl
Allegoria (EP)
Genre gothic metal
Pays France
Label autoproduction
Date de sortie 01/07/2022

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Au cœur de la scène metal indépendante, certains groupes et projets font figure d’OVNI ; Idōl compte parmi ceux-ci. Formé à Paris en 2019 par Valens (chant, guitare et basse) et Aletheia (claviers, batterie et voix additionnelles), le duo revendique un univers bien à lui inspiré d’un large panel d’influences qui comprend, entre autres, le cinéma de genre, le romantisme littéraire, les jeux vidéo de dark fantasy tels ceux de FromSoftware ou encore la philosophie de la Grèce antique, dont il tire d’ailleurs son nom, dérivé du grec ancien eidōlon signifiant « image ». Début juillet 2022, le groupe donne vie à cet univers sombre et poétique sous la forme d’un premier EP intitulé Allegoria, puis de deux singles sortis courant 2023 annonçant la prochaine sortie d’un second EP. Dans l’attente de l’arrivée de cette nouvelle production, le moment est bon pour (re)découvrir la première…

Au niveau du style musical, l’appellation « gothic metal » employée par l’auteure de cette chronique en guise de raccourci est bien insuffisante à résumer celui d’Idōl. Le groupe est en effet bien loin de se conformer aux codes couramment associés au gothic metal à chant masculin et véhiculés par les grands noms du genre tels HIM ou Lacrymas Profundere, ni à ceux de la dynamique « beauty and the beast » telle que la configuration en duo masculin/féminin laisse envisager, préférant se tourner vers ce que Valens décrit comme une combinaison entre « des éléments de metal symphonique et de hard rock ». En cinq morceaux comptant pour à peine plus de vingt minutes d’écoute, Valens et Aletheia synthétisent tout cela et plus encore, ceci sans en faire trop ni perdre en constance de l’un à l’autre. Une dynamique qu’illustre le titre promotionnel Secur, dont les riffs et la rythmique entraînante issus du heavy metal/hard rock côtoient l’élégance raffinée des orchestrations synthétiques ainsi que de leads de guitare issues du metal néoclassique ; les deux membres d’Idōl se révèlent ainsi de véritables virtuoses dans leurs instruments de prédilection respectifs. L’élément le plus marquant réside toutefois dans le style vocal très particulier de Valens, très nasal et articulé, à l’opposé des crooners et chanteurs gutturaux auxquels le genre a habitué son public et qui a de quoi évoquer Ghost à plus d’une oreille… Le clip vidéo façon court-métrage horrifique, quant à lui, illustre avec le même raffinement les influences cinématographiques du groupe.

Les autres morceaux d’Allegoria ne sont bien sûr pas en reste, tous offrant à leur manière une démonstration des divers talents de Valens et Aletheia et de leur force en tant que tandem. En premier lieu, leur sens de l’atmosphère immersive transparaît au travers d’un travail de composition centrée sur la mélodie. Chacun d’entre eux, des très rythmés Revelation et Secur aux moins rapides comme par exemple Titan’s Rise et son utilisation du piano, possède la sienne, accrocheuse et qui reste dans la tête, appuyée dans tous les cas par un mix et mastering très organique et ne s’encombrant pas d’effets. Cette simplicité compense les aspects chargés de l’écriture musicale en rendant l’écoute d’autant plus fluide. Bien que ce choix se fasse au détriment d’une section rythmique un peu trop en retrait et qui aurait gagné à être un peu plus étoffée, il a le mérite de mettre en avant la polyvalence des deux membres d’Idōl et leur complémentarité en tant qu’instrumentistes. Non seulement cela, tous deux s’offrent des occasions de dévoiler également le charme en tant que duo de voix ; tout d’abord sur une poignée de passages de Revelation, morceau par ailleurs le plus centré sur les voix de l’EP et au rythme très soutenu qui capte l’attention, puis de manière un peu plus poussée sur Steline, au tempo plus posé et qui accorde un espace plus important à la voix mélodieuse d’Aletheia. Enfin, le tout dernier titre, Extase, se démarque par sa plume française emplie de poésie romantique, autre facette parmi les multiples que possède Idōl

De l’écoute de ce premier EP qu’est Allegoria, une des premières impressions qui ressort est qu’Idōl n’est pas un groupe qui fait ce que l’on pourrait attendre de lui de prime abord — pour le mieux. De par un travail soigné et un soupçon d’imagination, Valens et Aletheia ont su s’approprier les codes des univers musicaux, littéraires et fictionnels qui constituent leurs influences pour construire sur ces bases un univers particulier, teinté d’atmosphères sombres, d’esthétisme précieux, de dualité et d’alchimie ésotérique. Cet univers, associé au savoir-faire technique des deux musiciens, fait d’Allegoria un premier essai qui trouve son équilibre dans son écriture et son exécution toutes deux millimétrées, un peu moins dans sa production pas encore tout à fait aboutie, mais qui devient rapidement addictif et donne envie d’en découvrir davantage. En attendant la sortie d’une prochaine production, le moment est bienvenu d’écouter les deux récents singles Eerie Bells et Black Delight, qui laissent envisager un second chapitre dans la lignée du premier…