Lucifer, Angel Witch, The Night Eternal
Muziekgieterij, Maastricht (NL)
Date 07 février 2024
Chroniqueur Oli de Wacken
Photographe Paul Collin
https://muziekgieterij.nl

Lucifer, Attic, The Night Eternal

La Vapeur, Dijon (FR)

Date14 février 2024

ChroniqueurSégolène Cugnod

PhotographeJean-Yves Cluze

https://www.lavapeur.com

Maastricht, 7 février 2024 (par Oli de Wacken. Photos de Paul Collin)

Si l’exercice du live-report croisé peut aisément déboucher sur de multiples redites, nous éviterons de tomber dans ce piège en ne notant, dans ce compte rendu de la soirée du 7 février, que les divergences de vues notoires entre Ségolène et moi-même, tout en évoquant la prestation d’Angel Witch, comme prévu remplacé par Attic quatre dates plus tard.

Séduit par le second album de The Night Eternal, Fatale, sorti milieu 2023, nous sommes impatients de voir ce groupe sur scène. Nous découvrons des musiciens pleins de fougue et manifestement contents d’être là, cependant, hélas, leur énergie mal canalisée et autres gesticulations malhabiles et quelque peu en décalage avec la musique donnent à voir un groupe qui, s’il se montre déjà plein de talent au niveau de ses capacités d’écriture et de l’instauration d’ambiances bien senties dans ses compositions, doit encore mûrir pour donner un spectacle live de bon niveau. À revoir dans un an ou deux. Ceci dit, certaines faiblesses peuvent se muer, si ce n’est pas en atouts, du moins en éléments suscitant la sympathie, et une certaine gaucherie peut s’avérer amusante dans le bon sens du terme, ce que démontre parfaitement le récit de la date dijonnaise à laquelle a assisté Ségolène.

Que dire d’un concert d’Angel Witch alors que le groupe a sorti son premier album éponyme en 1980 et connaît, depuis déjà de nombreuses années, une seconde jeunesse ? Certes, la surprise n’est pas au rendez-vous… ceci dit, personne n’est censé être là pour ça, plutôt pour déguster une série de classiques par définition indémodables et teintés de NWOBHM mais aussi de doom. Quant à ceux qui l’ignorent encore, ils apprendront qu’Angel Witch fit partie des pionniers de ce qui est devenu un genre à part entière dans les 80’s, même si les vénérables Black Sabbath et autres chantres du rock occulte en avaient posé les solides bases une décennie plus tôt. Nous resterons cependant sur notre faim durant la première moitié du set, toutefois la faute n’est pas à imputer au groupe en lui-même, qui se retrouve victime d’une mise en son faiblarde et plate donnant l’impression qu’il ne se donne que peu. Puis, miraculeusement, d’une seconde à l’autre, le son devient clair, puissant et dynamique. Cela change tout ! Nous ne chercherons pas à comprendre le pourquoi du comment de ce revirement soudain. Qui plus est, contrairement à ce que prétend l’adage, la dernière impression reste la meilleure, et nous terminerons donc plutôt satisfaits d’avoir assisté à ce bon concert, tout comme une étonnamment jeune partie du public, qui reprend en chœur l’hymne éponyme Angel Witch. Ce titre fait partie de la tracklist du jeu vidéo Brütal Legend, parmi une pléiade d’autres groupes metal, ceci expliquant sans doute cela.

Lucifer a, quant à lui, été fidèle à lui-même, si bien que mon avis sur ce concert du 7 février rejoint en tout point celui de ma collègue à propos de la date du 14. Je vous invite ainsi chaudement à lire le reportage de Ségolène, non sans avoir jeté un œil attentif sur les photos de Paul…

Dijon, 14 février 2024 (par Ségolène Cugnod. Photos de Jean-Yves Cluze)

Pour la Saint-Valentin et la date française du Satanic Panic Tour, Lucifer célèbre l’amour du heavy metal germanique aux côtés d’Attic et de The Night Eternal dans l’ambiance chaleureuse et intimiste de la salle La Vapeur à Dijon.

Pour la Saint-Valentin, beaucoup choisissent de célébrer l’amour autour d’un dîner romantique et en s’offrant des cadeaux. Cette année, c’est toutefois un autre amour que le public metal de Dijon et environs a décidé de célébrer en cette soirée : celui du heavy metal, sous une forme bien particulière qui revêt la cape de l’occultisme telle qu’elle nous vient des contrées germaniques et incarnée par trois de ses fidèles représentants des temps modernes que sont Lucifer, Attic et The Night Eternal. Cette première date française du Satanic Panic Tour, chapeautée par l’association Phoenix Rising, réunit pour la première fois les trois groupes sous la bannière de cette tournée dont le line-up change d’une période à l’autre, dans une des salles de concert de La Vapeur. Pas très grande, du haut de sa capacité d’accueil de 230 places, elle paraît tout appropriée pour un concert à l’ambiance intimiste et chaleureuse ; en somme, idéal pour la fête de l’amour — métallique ! Dans tous les cas, lorsque Jean-Yves et moi-même entrons dans la salle, les constats qui s’imposent à nous vis-à-vis de la grande taille de la scène et de l’espace d’expression qu’elle a à offrir aux musiciens ont de quoi renforcer notre enthousiasme…

Ne connaissant rien de The Night Eternal, nous démarrons la soirée curieux de voir ce que ce jeune groupe a à offrir. Pour le moment, l’heure n’est en tout cas pas aux excentricités scéniques, puisque c’est munis de leurs seuls look du quotidien et instruments que les cinq Allemands débarquent sur scène. Bien loin de la noirceur que son nom laisse imaginer, le groupe joue une musique haute en couleur, faite d’un mélange de riffs péchus et de nombreuses mélodies, ainsi que d’une rythmique prenante, mais aussi teintée de la bonne humeur et de l’énergie électrisante de ses interprètes. Le rythme dans la peau, ils ne tiennent pas une seconde en place et manifestent leur joie d’être présents à grand renfort de secousses de tête dans tous les sens et de sourires jusqu’à la moustache que tous les cinq arborent non sans fierté telle une signature. Jannik Stüber, intégré très récemment en tant que bassiste de live, se balade au sens propre comme au figuré en dépit de cette petite expérience, tandis que les guitaristes Henry Käseberg et Rob Richter déclament les paroles des refrains en surarticulant tels des choristes sans micro tout en passant faire un coucou à leur collègue batteur Aleister Präkelt de temps à autre. Parmi eux, Rob Richter révèle, en plus de l’excellence de son jeu de guitare lead, celle de son claqué de talon… Celui qui se distingue par sa fougue et son impétuosité reste tout de même le frontman Ricardo Baum. Par-delà son allure de fan de reggae à dreads, le jeune chanteur dévoile une personnalité pleine de fougue présente dans son jeu scénique que dans sa voix au timbre particulier, pas forcément attendu dans ce style musical et parfois criard, tout cela apportant un petit grain de folie qui contribue à la fraîcheur de l’ensemble. The Night Eternal investit chaque minute et seconde de la courte demi-heure de set qui lui est accordée pour consacrer son culte aux figures ténébreuses d’ici et d’au-delà, qui prend lors du troisième morceau la forme d’un vibrant hommage à Ozzy Osbourne sous le titre Prince of Darkness. Une demi-heure de set qui passe ainsi comme une lettre à la poste — bien qu’un peu entachée par le son grésillant de la guitare rythmique — ; un peu trop vite au goût de spectateurs excités comme des puces qui en redemandent ! De quoi donner envie de découvrir les deux albums du groupe, et ceux à venir…

À défaut de quitter la scène dans l’immédiat, les membres de The Night Eternal — entre autres Ricardo, qui trouve là un nouveau moyen de canaliser son énergie débordante — rangent leur matériel tout en aidant ceux d’Attic avec le leur ; une aide loin d’être malvenue au vu du nombre d’éléments de décor à mettre en place et de bougies à allumer. Ainsi, lorsque le groupe arrive sur une scène à peine éclairée par ces dernières et quelques spotlights sur fond de l’intro instrumentale The Covenant, l’ambiance est telle que l’on se croirait dans un concert de Behemoth ou de Corpus Diavolis — impression d’autant plus renforcée par l’élégante veste de velours rouge qu’arbore le frontman Meister Cagliostro. D’un point de vue musical, nous sommes toutefois bien loin du rythme lancinant des cantiques sataniques du groupe black metal marseillais. Les cinq hommes fardés de blanc et aux yeux maquillés de noir offrent au public de La Vapeur une musique aussi contrastée que leur maquillage, dont les riffs entraînants et la rythmique galopante qui semblent tout droit sortis d’un album d’Helloween côtoient les longues durées des morceaux et les effets de reverb marqués à l’excès sur le micro et les guitares faisant l’effet de l’acoustique d’une église, issus du « funeral » qu’ils accolent au nom du groupe sur les réseaux sociaux. Le mélange fonctionne à la fois du tonnerre de Dieu et du feu du diable ; l’on comprend alors l’utilité de l’extincteur qu’une membre de Phoenix Rising a sorti de derrière une porte au préalable ! Ces mêmes feu et tonnerre circulent en tout cas dans les veines des cinq membres d’Attic, tous possédés par une performance endiablée et interagissant autant avec le décor que l’auditoire. Les deux guitaristes, Tim « Katte » Katteluhn et Max Povver, aiment notamment beaucoup prendre de la hauteur sur les coffres à l’avant de la scène, surtout le second. Meister Cagliostro, lui, fait montre d’autant de verve dans ses modulations vocales façon voix de fausset que dans ses interactions, notamment lorsqu’il fait vivement interrompre une piste audio lancée par erreur avant Return of the Witchfinder. Du côté du public, le courant circule aussi, et les plus déchaînés se permettent quelques blagues dont je ne me permettrai pas de juger le goût, les uns en entonnant du Rammstein en chœur pour la référence allemande, un autre en hurlant « Sataaaaaaaaaaan ! » à pleins poumons… Encore une fois, le show se déroule à vitesse grand V, jusqu’à ce que la piste audio The Hidden Grave soit relancée pour annoncer les deux derniers titres, Funeral in the Woods et The Headless Horseman, pour un finale magistral !

Juste avant l’entrée en scène de Lucifer, la tête d’affiche de cette tournée, se met en place un autre décor, bien plus simple cette fois-ci, composé d’un cercueil et de quelques bougies dans des verres ; simple, mais amplement suffisant à représenter sa direction artistique façon romantisme noir et qui s’assortit bien à l’introduction acoustique sur laquelle les musiciens entrent en scène avant d’embrayer sur Ghosts. Au cours des dix ans écoulés depuis sa formation à Berlin, le groupe mené par Johanna Platow Andersson a parcouru du chemin dans tous les sens de l’expression, entre son déménagement à Stockholm et la sortie de ses cinq albums tous éponymes, dont le dernier, paru à peine quelques semaines plus tôt, le 26 janvier, et déjà très bien reçu ; de quoi promettre un show empreint de la diversité et de l’expérience qui en découlent… Musiciens et chanteuse ont en tout cas tôt fait de démontrer que sur le second point, ils sont au top, en servant au public de La Vapeur un rock heavy et doom qui évoque les grands du genre Black Sabbath sur bien des aspects, comme la basse bien présente façon blues et la voix de Johanna Andersson plus mélodieuse qu’agressive et appuyée par des backing vocals solides assurés par les musiciens. Tout est très propre, carré et calibré… peut-être un peu trop, justement, et c’est là que le bât blesse. Si l’expérience de Lucifer se fait ressentir tout au long du set, la diversité manque à ce dernier, autant dans sa structure même que dans la gestuelle des musiciens, qui, l’une comme l’autre, semblent se contenter de suivre des patterns pré-établis. Parmi les plus notables, je pense aux quatre membres mobiles effectuant les mêmes déplacements en boucle, notamment Johanna qui ne cesse d’avancer et reculer, ainsi qu’à l’époux de cette dernière, Nicke Andersson, qui bat un tempo variant globalement autour du mid… Cela dit, la setlist a pour elle le mérite d’être très équilibrée, regroupant des morceaux issus de toute la discographie de Lucifer — hormis le premier album, laissé de côté —, tous interprétés avec la rigueur qui leur est due. Une bonne place est tout de même accordée aux extraits du petit dernier en date, Lucifer V, parmi lesquels le romantique et lancinant A Slow Dance in a Crypt, qui colle à l’ambiance du 14 février… À ce sujet, j’observe depuis le fond de la salle quelques spectateurs du premier rang danser en se tenant par l’épaule ; aucune agitation, en revanche, n’est à relever. Le public se montre, à l’image du show, plutôt calme et posé. Lorsque Lucifer s’éclipse après Bring Me His Head, ce n’est que pour mieux revenir sous les applaudissements pour un finale de trois titres qui se révèle être le moment le meilleur et le plus intéressant du show, où tout le monde en profite pour se lâcher et s’amuser une ultime fois avant de rentrer…

Pour cette soirée de Saint-Valentin placée sous le signe du diable, ses trois représentants auront offert un beau cadeau aux adeptes de l’amour de l’occulte avec ce concert à échelle humaine. De notre côté, nous en tirons la satisfaction d’une belle rencontre avec The Night Eternal, de la confirmation d’Attic en tant qu’étoile montante du « dark heavy metal » et d’un bon moment passé aux côtés de Lucifer, bien qu’il manque à ce dernier groupe le petit grain de folie qui le rendrait réellement marquant. Dans tous les cas, il s’agit là d’une belle démonstration de ce qu’a à offrir la scène du heavy metal occulte allemand, petite de taille, mais grande de cœur…