Leprous, Monuments, Kalandra
Les Docks (Lausanne)
Date 26 février 2023
Chroniqueur Julien Marguet
Photographe Julien Marguet
https://www.docks.ch

Il fait froid ce jour-là à Lausanne. Mais par chance, quiconque souhaite se réchauffer autour d’une scène d’exception et à l’ambiance chaleureuse était bienvenu aux Docks. Et le public s’est donné le mot, c’est sold-out ici ce soir. Chacun des trois groupes a son style propre, offrant à l’auditeur une belle variété de sonorités.

Kalandra ouvre pour nous ce soir avec sa musique contemplative d’un atmosphérisme saisissant. La set-list tourne autour des sonorités mystiques du premier album du groupe, The Line, sorti en 2020. L’identité musicale du trio emplit les lieux, menée par la voix envoûtante de Katrine Ødegård Stenbekket, par sa chorégraphie druidique, au rythme des deux premiers morceaux, Borders et Slow Motion. Jogeir Daae Maeland et Florian Bernhard Döderlein Winter, tous deux guitaristes, assurent de mains de Maîtres l’exécution des mélodies, mêlant à la solennité ambiante les influences pop et parfois electro du titre suivant, Naive. Fait étrange, le combo n’a pas de bassiste, mais aucun manque ne se fait sentir de par la prestance des guitaristes et du batteur (de cession très certainement, ne trouvant malheureusement pas d’info à son sujet), qui s’en donnent à fond.

Une guitare aux arpèges acoustiques résonne ensuite avec la ballade Virkelighten Etterklang, harmonisée de nombreuses couches musicales atmosphériques à souhait. Katrine est charismatique et hypnotise l’auditoire. Et parce qu’un concert Metal est inenvisageable sans une bonne disto, la prestation monte en puissance, laissant éclater des chorus qui prennent aux tripes avec le morceau Ensom, pour s’achever sur une compo pop aux arpèges légers, et sa guitare lourde au riff ultra saturé.

Le trio est impressionnant de créativité dans sa musique, expérimentant l’usage d’un archet sur la guitare, ou d’instruments plus traditionnels, tel, nous semble-t-il, le doudouk, cette fameuse flûte aux sonorités alto qui résonne dans le Caucase. La magie opère, le public conquis rejoint la belle complicité qui unit ces musiciens, heureux de jouer pour nous ce soir le temps d’une trop courte trentaine de minutes. Metal Alliance Mag découvre pour sa part une formation à suivre de très près.

Les Britanniques de Monuments nous rappellent rapidement aux choses sérieuses avec leur metalcore/djent lourd et puissant, si toutefois certains estimaient que la soirée était trop calme. Et ça cogne dur sur la scène des Docks ce soir.

Alternant entre hurlements et mélodies claires, Andy Cizek n’est pas avare de polyvalence dans son style, très actuel, avec ce qu’il se fait de mieux dans le djent. Le groupe nous présente un panaché d’un peu de chacun de ses albums, démarrant avec I The Creator (The Amanuensis, 2014) . Les morceaux s’enchaînent en explorant un peu chaque opus, de Gnosis (2012) à In Stasis, majoritaire dans la set-list, dernier né en 2022. Normal après tout !

Formé en 2007, Monuments démontre une solide expérience dans le djent et nous présente de fait une set-list variée, qui retrace bien son évolution. Mention spéciale pour l’interprétation intense de Leviathan (Phronesis, 2018) avec son style plus rappé et mélodieux question instru. Andy se lâche plus que jamais, enchaînant scream après scream. L’occasion de déclencher un réel séisme sur scène en interprétant Empty Vessel Make the Most Noise (Gnosis, 2012) et laisser résonner la densité incarnée en la basse de Adam Swan. Côté guitare, ça joue technique, précis et groovy, surpuissant. On peut compter sur John Browne pour ça sur Cardinal Red (In Stasis), pour monter d’un cran l’intensité, couplé à un batteur qui envoie grave. Le show s’achève sur le très abouti The Cimmerian, à l’allure de power-ballad cosmique aux ambiances multiples et refrains accrocheurs, occasion de bœuffer avec Rapahel Weinroth-Browne de Leprous, qui débarque avec son mélodieux violoncelle. Un joli prémisse à l’arrivée de la tête d’affiche de la soirée.

Leprous, par l’intermédiaire de son ouverture Have You Ever, nous présente aujourd’hui son dernier album, Aphelion, sorti depuis déjà octobre 2021. Ce premier morceau, plus solennel qu’énergique, nous plonge instantanément dans l’univers du groupe, autant sonore que visuel. Car si ces musiciens ont la réputation méritée d’être rigoureux et exigeants dans leur écriture, les jeux de lumière à l’ambiance océanique font preuve d’une réelle recherche et d’une identité scénique qui leur est propre. Le tout en parfaite adéquation avec la musique, bien entendu.

Au regard du niveau d’écriture et d’interprétation en studio, le doute est permis quant à la qualité de la prestation scénique, notamment vocale. À ce propos, dans ses parties vocales les plus extrêmes, Einar Solberg rappelle un peu le style de Ihsahn de Emperor. Assez marrant, ayant appris peu après l’avoir remarqué qu’il n’est autre que le… beau-frère de Ihsahn, qui l’a intégré à plusieurs reprises comme musicien invité sur ses nombreux side-projects et lives de Emperor.

Le spectacle est au rendez-vous, en dépit d’une batterie et d’une basse légèrement trop en avant à notre goût. Mais aucune fioriture, tout est réglé comme du papier à musique. Einar assure en frontman qui se respecte, vocalement à son meilleur niveau. Le public est conquis. Bien que leur musique soit assez froide, les gars créent un lien chaleureux avec la salle, souvent à l’avant de la scène, se jetant des regards complices, interagissant de concert avec les spectateurs, organisant même un sondage avec les fans pour décider de la setlist à venir. Une bataille s’engage alors entre At the Bottom, Acquired Taste, The Valley et Aluviate, qui sera finalement choisi. Un grand tube issu de Pitfalls, sorti en 2019. Vocalement juste magnifique. Il sera suivi par From the Flame, extrait de Malina en 2017 et qui marque l’arrivée de Raphael Weinroth-Browne au violoncelle, qui apporte une belle dimension supplémentaire à l’ensemble et notamment en live.

Ce qui frappe au premier abord, c’est le nombre d’instruments au regard du nombre de musiciens. Pour six métalleux, on compte une batterie, trois claviers, trois micros, un violoncelle, une basse et deux guitares. Polyvalents les mecs ! Et ils s’en servent, de tous ces instruments, c’est pas du chiqué ! Robin Ognedal (guitare) se laisse même aller à la percu pour épauler son compère Baard Kolstad (batterie). Comme s’il en avait besoin ! C’est en effet une sacrée prestation qui nous est offerte, principalement basée sur The Congregation, Malina, Aphelion et Pitfalls, duquel sera tiré le rappel, The Sky Is Red, donnant, à la suite de Nigttime Disguise, une fin de show qui part littéralement en sucette, histoire de tirer la dernière once d’énergie d’un public conquis. Un dernier mot tout de même quant à la diversité de spectateurs, la plus jeune, rêveuse au premier rang, ne devant pas avoir plus de douze ans. La relève est assurée !!!!!

Un grand merci a l’équipe des Docks pour son accueil ! À bientôt !

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