Wednesday 13
Horrifier
Genre horror-punk
Pays États-Unis
Label Napalm Records
Date de sortie 07/10/2022

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Trente ans de carrière, cela ne se fête qu’une fois. Halloween, tous les ans. Cette année, Wednesday 13 célèbre les deux en même temps, avec un peu d’avance pour la seconde, en sortant à la date du 7 octobre le neuvième album studio de son projet éponyme. Intitulé Horrifier, ce titre aussi efficace que sobre semble englober tout ce qu’a été jusqu’ici la carrière du prince du horror punk, du culte Murderdolls à ce fameux projet éponyme, en passant par d’autres plus obscurs tels Bourbon Crow ou Gunfire 76, ou encore ses débuts avec The Frankenstein Drag Queens from Planet 13. On ne peut plus approprié, somme toute, pour un album décrit dans sa promotion comme une synthèse de ces trente années passées, avec tout ce qu’elle implique en matière de diversité chaotique de style et d’imagerie horrifique à la fois moderne et old-school…

Ce qui frappe en effet au cœur de ce Horrifier, et ce dès la première écoute, c’est l’incroyable variété que rassemblent à elles seules ses moins de quarante minutes d’écoute. Morceau de chair par morceau de chair, chacun des onze morceaux constitue une démonstration de la capacité dont fait montre Wednesday 13, le groupe comme l’homme, à passer d’un style d’écriture et d’exécution à l’autre en un claquement de dents. Cela commence dès la deuxième piste et premier « vrai » morceau de l’album, Insides Out, qui après l’intro proprement nommée Severed tranche dans le gras et dans les tripes à coups de riffs heavy/doom agrémentés d’un break aux penchants deathcore et d’un texte rappelant que la vraie beauté est intérieure. Un des plus sombres et meilleurs titres de Wednesday 13 dès le début de l’album, que demander de mieux ? En réponse, les morceaux suivants offrent un choix de prime qualité, entre une immédiate rebelote avec l’agressif et tonitruant Exhume and Devour et ses relents industriels, ou You’re So Hideous, hilarant hymne à la laideur rendant hommage aux années 90 ayant vu les débuts du fondateur au sein de Maniac Spider Trash. Cependant, pour ce qui est de donner envie de secouer la boîte crânienne en rythme, nul titre ne réussit mieux sa tâche que Good Day to be a Bad Guy, hymne punk feel good dont les vibes a la Murderdolls que n’auraient point reniées Joey Jordisson viennent conclure ce premier tiers d’album de manière diaboliquement efficace.

Que serait un album de Wednesday 13, en outre, sans ses traditionnels hommages aux classiques du cinéma d’horreur ? Horrifier ne déroge pas à la règle, le groupe en profitant pour payer ses respects au maître John Carpenter sous la forme des deux titres Return to Haddonfield et Christine : Fury in the Night, dont les références sauteront aux yeux de tout fan du genre qui se respecte — ou aux tympans, plutôt, tant l’un comme l’autre retranscrivent à merveille, et chacun à leur manière, l’esprit des films qu’ils mettent en musique. Le premier, à l’image d’Halloween premier du nom, prend son temps pour instaurer une ambiance sombre et inquiétante au travers d’une rythmique carrée appuyant des riffs aussi tranchants que la gestuelle de Michael Myers et un texte en forme de mise en garde contre la menace planante. À la quasi-inverse, le tempo frénétique du second, ses riffs aux airs de moteur grondant et son refrain dominé par une guitare suraiguë, le tout condensé en moins de trois minutes, évoquent indubitablement la course-poursuite infernale à laquelle se livrent la célèbre Plymouth Fury 1957 et ses cibles dans le roman de Stephen King et son adaptation de 1983. Dans un cas comme dans l’autre, les frissons, de quelque nature qu’ils soient, sont garantis.

Entre ces deux-là, à la relative finesse de Return to Haddonfield succède l’éponyme Horrifier, dont les relents thrash auront à coup sûr tôt fait d’échauffer les esprits et de provoquer quelques mosh pits au passage ; l’horreur à l’état le plus brut. À la suite, le rythme ralentit de nouveau sur Hell is Coming, dont les influences heavy et doom ainsi que le solo aux accents bluesy ne sont pas sans rappeler un classique Black Sabbath de la vieille époque. Troisième titre en H de cette série, Halfway to the Grave avance un peu dans le temps et gratifie ses auditeurs d’un grand moment façon hard rock des 80’s, du chant presque mélodieux de Joseph Poole sur les couplets au refrain « tubesque » fort d’un texte scandé sur fond de guitare stridente. L’ambiance s’assombrit encore un peu plus sur ce morceau dont les mélodies comme le texte évoquent la mort à venir, annonciatrice de la montée en puissance sur The Other Side. Dernier et plus long titre de Horrifier du haut de ses cinq minutes quinze, il offre à ce dernier une conclusion étonnamment chargée en émotion, fait assez rare pour être souligné dans un genre tel le horror punk, mais qui trouve en vérité sa source dans le vécu personnel de Joseph Poole, confronté successivement au deuil de sa mère et à celui de son ami Joey Jordisson. Chargé en émotions, mais aussi porteur d’espoir, celui de revoir un jour des êtres chers de l’autre côté… Il ne fait en tout cas nul doute que l’un comme l’autre seraient fiers.

Résumer une carrière aussi prolifique que celle de Wednesday 13 en un seul album ne paraît pas chose aisée ; en un seul texte, idem. Si cette chronique à elle seule ne suffira certainement pas à résumer Horrifier, ce dernier, quant à lui, réussit à condenser sur sa courte durée tous les éléments qui constituent l’identité et la force de ce qu’est Wednesday 13, depuis 2004 comme depuis 1992. D’une période à l’autre, Joseph Poole, son comparse de longue date Roman Surman et leurs confrères zombies mettent les petits plats dans les grands et rassemblent le meilleur d’entre tout pour aboutir à une synthèse aussi variée dans son ton qu’horrifique dans son ensemble, tout en restant cohérente de bout en bout. En somme, avec Horrifier, Wednesday 13 offre un beau cadeau d’anniversaire, à lui-même comme à ses fans les plus fidèles… Joyeux anniversaire, et joyeux Halloween.