Salutations monsieur Wednesday, et merci de nous parler de votre nouvel album Horrifier qui sort le 7 octobre ! Quel est votre ressenti ?

On est super excités que cet album sorte enfin ! Tu sais, ce que la plupart des gens ne réalisent pas, c’est que ces albums sont terminés depuis un bail et qu’on reste là à attendre qu’ils sortent… Pour celui-ci, on a voulu s’assurer qu’il sorte au bon moment, donc on a programmé ça à quelques semaines avant Halloween, histoire qu’il remplisse les stores de cette fête, si on veut… Mais ouais, on est très heureux ; c’est le neuvième album de Wednesday 13 et c’est toujours excitant de sortir de la nouveauté en espérant faire plaisir aux fans et qu’ils aiment cet album autant que nous.

En effet, c’est un bon album à sortir pour Halloween ! Je l’ai écouté il y a peu, et la première chose qui frappe, c’est qu’il est très varié dans le ton : certains morceaux sont sombres et assez lents, comme Insides Out ou Halfway to the Grave, tandis que d’autres sont plus légers, comme Good Day to Be a Bad Guy qui est très fun… Comment expliquez-vous cela ?

Quelque part, c’est ce que j’ai toujours fait… Je crois que c’est ce que les gens attendent plus ou moins de moi. Du style, d’un côté, tu as l’aspect plus « heavy », tout ce qui est considéré comme plus sombre, gothique ou quoi que ce soit de ce genre… et de l’autre, il y a des morceaux comme Good Day to Be a Bad Guy ou Hideous qui ont un côté ironique et humoristique. Du coup, j’aime bien garder une part de tragédie et une part de comédie. C’est un peu ma marque de fabrique et ce qui marche pour moi : je peux pas être sérieux tout le temps parce que ça paraît monotone, donc j’y ajoute de l’humour. Je compare souvent mon personnage et ce que je fais, ou ce qu’on fait, à celui de Bettlejuice : il a toujours été drôle, mais il peut aussi être flippant en même temps. En quelque sorte, c’est un peu mon animal totem ! (rires)

Horrifier est aussi un album spécial puisqu’il marque vos trente ans de carrière — joyeux anniversaire ! Comment décririez-vous l’évolution de cette dernière, des débuts jusqu’à Horrifier ?

Hm… ça a été un grand huit : il y a eu du fun, il y a eu plein de choses… En tout cas, j’ai toujours essayé de faire passer la créativité avant tout : ne pas sortir le même album deux fois, essayer de faire toujours mieux aussi bien musicalement qu’au niveau des textes… Ce que j’ai essayé de faire tout au long de ces années, c’est de garder la cohérence dans mon travail. Par rapport aux débuts, étant donné que quand j’ai commencé, j’étais ado, je pourrais dire qu’il a grandi… je dirais pas qu’il a atteint l’âge adulte, mais je peux au moins dire qu’il a atteint un certain niveau de maturité… du moins si je peux employer ce terme, je le déteste ! En tout cas c’est sûr que c’est un peu plus mature qu’au début. Quand je me suis lancé, j’avais vingt-six ans (en 2002, année de création de Murderdolls, ndlr). Depuis, il y a eu un long chemin de fait : avec neuf albums de Wednesday 13 et deux de Murderdolls, j’ai eu du pain sur la planche et j’ai appris à faire ce que je fais.

Dans la promotion, l’album est décrit comme représentant une synthèse de votre carrière. Qu’en pensez-vous ? Êtes-vous d’accord avec cela ?

Oui ! Je crois que le son de chacun des morceaux est représentatif de toutes nos autres productions… donc ceux qui suivent mon travail depuis toutes ces années seront, je crois, satisfaits de cet album, étant donné qu’il recouvre tout ce qu’on a pu faire par le passé, mais aussi de la nouveauté. Du coup, je pense que c’est un bon exemple de ce que j’essaie de montrer aux gens : une vue d’ensemble, une façon de dire « c’est là qu’on en est aujourd’hui ».

Comme habituellement chez Wednesday 13, il y a des chansons qui parlent de films d’horreur : Return to Haddonfield parle d’Halloween et Christine: Fury in the Night de Christine. Dans ces deux films en particulier, qu’est-ce qui vous a donné l’idée d’écrire des morceaux sur eux ?

En fait, une chanson sur Christine a toujours été dans les projets de morceaux que je voulais tenter d’écrire, parce que c’est un de mes films préférés. Je sais qu’il est adapté d’un roman de Stephen King, mais je ne l’ai pas lu, j’ai juste vu le film… mais il a été réalisé par John Carpenter, et j’ai vu ses films quand j’étais gamin. Pendant le confinement, je me suis retrouvé à regarder ce film plusieurs fois, du coup j’ai eu envie de faire un morceau dessus. En ce qui concerne le morceau sur Halloween, il s’est fait un peu par hasard : l’année dernière, à la même période que maintenant, j’étais en train d’y travailler, et à la télé une chaîne diffusait tous les films de la saga à la suite. J’étais là à les regarder, c’est là que j’ai commencé à visualiser des mots, et ce dont je me rappelle ensuite, c’est que j’avais un morceau sur Halloween ! Ça a donc été simple. C’est le genre de morceau qu’il est facile pour moi d’écrire ; étant donné que je connais bien les films, j’ai pas besoin de faire des recherches, je me contente de chanter !

Le dernier morceau de l’album, The Other Side, est étonnamment chargé en émotion, ce qui n’est pas monnaie courante dans le genre du horror punk… J’ai lu qu’il avait été inspiré par le deuil, donc je suppose que l’on peut dire que l’écrire et le jouer est comme une thérapie pour vous…

Oui, c’est pour ça que j’ai choisi ce morceau pour clôturer l’album… Je n’ai pas l’habitude d’écrire des morceaux sur des sujets personnels, du coup c’est toujours compliqué pour moi… pas de les écrire, mais de les faire écouter à d’autres personnes. Quand on a commencé à travailler sur ce morceau, je crois bien avoir laissé tomber trois ou quatre fois. J’avais le sentiment que ça devenait trop personnel et je ne souhaitais pas que ça arrive. Mais une fois que je me suis mis à l’écouter sérieusement, je me suis rendu compte que c’était un bon morceau, mais aussi quelque chose que j’avais besoin d’exprimer et de laisser les gens écouter… parce que c’était un moment marquant de ma vie, et comme je l’ai dit, je l’ai dédié à ma mère et à Joey Jordison. Je me suis dit que si les fans écoutaient ce morceau, ça leur apporterait un peu de réconfort — parce que Joey était connu de partout dans le monde, des fans comme des musiciens… Tu vois, cette chanson, elle est triste, mais il n’y a pas que du négatif dedans. Finalement, il y a presque un côté positif et de l’espoir… Mais oui, c’est quelque chose que j’avais besoin d’écrire et d’extérioriser pour trouver la paix avec moi-même, et j’espère que quand les fans l’écouteront, ils comprendront d’où vient tout cela.

C’est exactement ce que je me suis dit en écoutant ce morceau : il est triste, mais quelque part, il a quelque chose de positif… Autrement, quel impact ont eu le covid ou d’autres événements sur le processus de création de Horrifier ?

Tout ce que le covid a fait, c’est se mettre en travers du chemin. Ça a été compliqué de réunir tout le monde pour enregistrer à cause des restrictions de déplacement, au studio il y en avait aussi parce qu’il fallait porter des masques… ça a été difficile de tout organiser. Je crois que le plus gros défi, ça a été de surmonter tous ces obstacles. Ceci dit, ce qui était cool, c’était d’avoir tout ce temps pour travailler sur les morceaux et les peaufiner comme on le voulait. Encore une fois, on y a survécu, mais je ne veux sûrement pas enregistrer de nouveau dans ces conditions et je suis heureux qu’on ait pu s’en sortir et produire un bon album.

À propos des morceaux de l’album, lequel préférez-vous écouter ?

Sur le nouvel album, j’aime beaucoup le morceau Insides Out. On l’a jouée tous les soirs pendant notre tournée. Il est fun, il passe très bien, c’est facile pour moi… globalement, c’est un morceau très cool à écouter. En général, j’écoute mes albums jusqu’au jour de leur sortie, ensuite je ne les écoute plus du tout pendant environ un an, simplement parce que je dois sortir mon cerveau de l’écoute et que j’ai écouté ces morceaux probablement plus que nécessaire. Il faut bien, pour le mixage et tout, mais c’est comme ça avec chaque album : je l’écoute jusqu’à sa sortie, ensuite je le laisse de côté pendant un moment.

À propos de la tournée, comment se passe-t-elle ?

On est encore en plein dedans en ce moment. C’est génial ! C’est long… (rires) C’est une tournée de quarante-deux jours et on en est à la moitié. Demain on va au Canada (le 4 octobre, ndlr) et c’est super excitant parce qu’on n’y est pas allés depuis avant le premier confinement, donc je pense que ce sera super pour nous et pour nos fans !

Lequel des morceaux de Horrifier est le plus fun à jouer sur scène ?

On n’a joué que trois morceaux de cet album, mais des trois, celui qui est vraiment le plus fun, c’est Good Day to Be a Bad Guy. Le public le chante alors qu’il ne le connaît même pas encore au moment où on le joue. Ça, c’est toujours bon signe, mais c’est sans aucun doute le plus fun à jouer !

J’adore cette chanson, elle est très catchy ! Autrement, vous avez des collaborateurs, certains de longue date. Qu’apportent-ils ?

Ça fait des années que je travaille avec les mêmes musiciens : le line-up de mon groupe « solo » est stable et ça fait un bail que je travaille avec mon guitariste, Roman Surman. Lui et moi nous sommes posés et avons travaillé sur l’album ensemble pour mettre ensemble toutes les chansons… C’est quelque chose que je n’avais pas sur les premiers albums : il n’y avait que moi qui essayais de tout jouer, avec quelques mecs qui venaient se greffer de temps en temps, donc je suis content de bosser avec un partenaire comme Roman depuis des années maintenant. Sa manière d’écrire des morceaux n’est pas la même que la mienne, mais quand on combine nos méthodes, ça fonctionne […] J’apprécie de travailler comme ça, de ne pas avoir à tout gérer moi-même comme au début, parce que c’est vite devenu ennuyeux…

Au cours de votre carrière qui a été très prolifique, vous avez créé des groupes pour certains très culte, comme Murderdolls qui n’a malheureusement pas duré, mais aussi Gunfire 76 ou Bourbon Crow. Avez-vous des projets pour eux ou pour le cinéma ?

Je suis très occupé en ce moment avec les activités de Wednesday 13, donc je n’ai pas de temps à consacrer à un projet parallèle. La seule chose qu’il m’intéresserait de faire, c’est de réaliser un film. C’est un projet sur lequel j’espère pouvoir commencer à travailler l’année prochaine… Ça va se faire, c’est certain, il faut juste que je trouve moyen de concrétiser. Du coup, je me dis que ce sera le prochain projet dans lequel je me lancerai. Niveau musique, je me sens satisfait et accompli par ce que je fais avec Wednesday 13, donc je ne pense pas faire autre chose. J’adore ce que j’ai fait avec Gunfire 76, c’était génial, mais je ne vois pas le projet faire son retour. Bourbon Crow, c’est super aussi et je pourrais peut-être sortir quelque chose un jour, mais je suis trop occupé en ce moment… je m’éclate !

Vous avez parlé de réaliser un film, mais de quoi parlerait-il ?

Oh, je ne peux pas le révéler, mais ce que je peux dire, c’est qu’il sera très dérangeant, dégueulasse, et aussi un peu marrant. Je crois qu’il correspondra exactement à ce qu’on peut attendre de moi avec mon sens de l’humour et mon sens du morbide… (rires) J’ai hâte de voir moi-même à quoi il ressemblera. J’ai déjà une idée de thème qui sera bien… méchant. Quand les gens sauront ce que c’est, je pense qu’ils seront choqués. Je ne sais pas si quelqu’un a déjà réalisé un film à ce sujet, du coup j’ai hâte de voir ça. C’est tellement mauvais que ça ne devrait pas être réalisé, et c’est pour ça que ça doit être réalisé ! (rires)

Voudriez-vous être acteur dans votre propre film ?

Je n’ai pas vraiment le désir de jouer un rôle dedans… peut-être un monstre, ou bien un personnage qui se fait tuer directement, mais en ce qui concerne les rôles principaux, je ne me vois pas en tenir un, ça ne m’intéresse pas vraiment. Je préfère rester derrière la caméra pour diriger et produire le film…

Pour en revenir à la musique un moment, vous êtes depuis des années une figure iconique du horror punk et c’est vraiment impressionnant, mais ne redoutez-vous pas de perdre votre créativité en restant dans ce style ?

Non, pas vraiment. J’ai été capable de faire cela pendant vingt ans en gardant une certaine fraîcheur et en apportant quelques changements… Je ne sors pas le même album deux fois : ce dernier album ne ressemble pas au précédent, ni à celui sorti avant. Donc ouais, là est le challenge, mais c’est un challenge que j’accepte avec plaisir à chaque fois. J’aime essayer des choses différentes, ou bien rester dans le même style mais lui apporter de nouvelles inspirations musicales. Ça fait longtemps qu’on est dans le milieu, donc je dirais qu’on reste dans le même monde du point de vue des textes et de l’imagerie, mais la musique a changé et évolué à partir de ça. De fait, je ne m’inquiète pas d’être vu comme le « horror guy », parce que c’est ce que je fais et qu’il n’y a pas tant de gens qui essaient de faire la même chose, et ça ne me dérange pas d’être connu comme « the duke of spook » ! (rires)

Avez-vous déjà des idées pour un prochain album ?

Non ! (rires) Je n’y ai même pas encore pensé. Je pensais plutôt à sortir celui-ci, recueillir les réactions, et après on voit… Après, quand arrivera le moment de s’y remettre, ça viendra naturellement et je commencerai à écrire des trucs. En général, je ne commence pas avant un long moment après la sortie d’un album, le temps de le digérer, parce que si je me remettais à écrire maintenant, il en ressortirait probablement des choses trop similaires à ce qu’on peut entendre sur l’album qui vient de sortir… du coup, je me donne un an et je verrai si mon cerveau est en état !

On arrive à la fin, donc encore merci pour cette interview et pour ce nouvel album, Horrifier, qui est super ! Quelques derniers mots ?

Je souhaiterais remercier tous les fans pour leur soutien ; allez découvrir notre nouvel album, et on se verra en tournée… quand on y sera, l’année prochaine !