Salutations à Arnhwald de Deathcode Society et merci beaucoup de répondre à nos questions sur le prochain album du groupe qui sort le mois prochain. Comment se sent le groupe vis-à-vis de la sortie de ce nouvel album ?

En fait, on a essayé de préparer la sortie de ce nouvel album de la façon la plus sérieuse qui soit. Globalement, souvent, quand on sort un disque — enfin, c’est ce qui nous est arrivé pour le précédent —, on a été un petit peu pris de court et il y avait un certain nombre d’éléments qu’on aurait aimé avoir pour la sortie de ce premier disque et qu’on n’a pas eu l’opportunité d’avoir, surtout pour des questions de budget. Par exemple, le fait d’avoir un clip, le fait de préparer une sortie en soignant un petit peu la promo, la communication auprès soit des fanzines, webzines, et soit même, je dirais, des autres professionnels du secteur. Là, on a pris le temps de faire les choses correctement. Avant la sortie de l’album le 24 novembre, la semaine prochaine, le 23 octobre, un premier extrait de l’album sera dévoilé sous la forme d’un clip de bonne qualité qu’on a réalisé de façon extrêmement professionnelle avec une équipe vraiment extra qui a fait un travail remarquable. L’état d’esprit, il est surtout, je dirais, concentré, sérieux. On essaie de faire les choses du mieux possible dans un contexte qui est pas évident puisqu’il y a toujours beaucoup de sorties. Il y a énormément de groupes qui sortent des disques. Il n’est pas forcément évident de tirer son épingle du jeu ni de se faire remarquer. Et la qualité de la musique est évidemment extrêmement importante, mais ce n’est pas le seul critère. Je pense que de ce côté-là, le travail pour un groupe est devenu un peu plus compliqué. On doit être beaucoup plus polyvalents et faire en sorte, finalement, d’être… un peu partout à la fois, je dirais. Avoir une présence sur les réseaux, communiquer intelligemment avec les gens, etc… c’est pas forcément évident, mais c’est un exercice auquel on essaie de se plier de bonne grâce.

Félicitations en avance pour la sortie de ce clip et pour celle de ce deuxième album. À quoi les fans du groupe peuvent s’attendre sur cet album par rapport au précédent ?

Je pense que les différences ne seront pas forcément énormes. C’est-à-dire que les morceaux qui sont sur le deuxième album auraient tout aussi bien pu être sur le premier. Ça n’aurait pas été moins bien ni mieux. Je dirais que sur ce deuxième album, les choses qui sont vraiment différentes, c’est qu’on est devenu un vrai groupe. Si je retrace très brièvement l’histoire de Deathcode, c’est parti au départ d’une idée qui impliquait peu de musiciens, à savoir le batteur et moi-même, et autour duquel se sont greffés d’autres musiciens au fur et à mesure, mais ce n’était pas forcément un disque qui avait vocation… Le premier album, par exemple, n’était pas forcément un disque qui avait vocation à être joué en live. On n’était pas forcément un groupe. Au départ, on avait pour objectif de faire de la musique, de composer une musique qui nous intéressait. L’optique du live, l’optique des concerts, le fait d’avoir une existence de groupe « ordinaire », classique, c’était quelque chose qui n’était pas au programme et c’est venu après. Quand l’album est sorti, quand d’autres personnes ont été impliquées dans le groupe, notamment lorsqu’on a trouvé notre bassiste, lorsque finalement, chaque poste a été pourvu, on en a discuté et on a eu l’occasion de pouvoir faire une résidence pour tester, tout simplement, si les morceaux pouvaient être joués en live, si on avait la possibilité de donner des prestations musicales de bonne qualité qui rendent justice en tout cas à l’album tel qu’il avait été enregistré. La réponse a été positive. Dès lors, il a été possible de faire des concerts ; on a pas mal joué. Effectivement, on n’a pas fait de grandes tournées mondiales. On a quand même eu quelques apparitions très intéressantes dans un certain nombre de festivals à plusieurs occasions, ce qui nous a permis aussi d’exister en tant que groupe, de jouer ensemble, de mieux nous connaître aussi en tant que musiciens. Je pense que c’est quelque chose qui s’entend beaucoup sur le deuxième album, dont la production est également un tout petit peu plus organique, un peu moins clinique que sur le premier, et qui, je pense, met l’accent sur le fait que chacun a un petit peu mis la main à la pâte. […] Je pense que le deuxième album est meilleur que le premier, mais je pense que tous les musiciens ont tendance à penser que leur deuxième bébé ou leur dernier bébé est toujours plus joli que le premier. Je pense qu’il est meilleur parce que les atmosphères sont plus approfondies, l’écriture est un peu plus fine aussi, les morceaux sont un peu plus ramassés, je pense que je crois aussi, c’est plus efficace, plus brutal, plus radical aussi. Et ça correspond davantage à ce que je voulais faire.

Justement, là, tu évoques l’historique du groupe et les lives. J’avais une question à ce sujet : je voulais revenir sur l’année 2018 qui est l’année où est sorti votre album live, qui était jusque-là votre dernière production. C’est aussi une année où, il me semble, il s’est passé pas mal de choses pour le groupe. Il y a eu ton intégration sur le tard à Glaciation et à Ecclesia aussi. Il me semble aussi savoir qu’un des guitaristes de Deathcode Society est décédé cette année-là. Quel impact tout ça a pu avoir sur Deathcode Society ?

Fatalement, l’adjectif est là, c’est mal choisi, le décès de Franz a été évidemment compliqué à gérer parce que c’était un ami, c’était quelqu’un d’assez extraordinaire. C’était un guitariste assez faramineux d’ailleurs aussi. Donc, je pense que ça a déstabilisé assez profondément le groupe et son fonctionnement et ça n’a pas été très facile de se remettre sur les rails. Ça ne veut pas dire qu’on a fait que le groupe en lui-même a été mis au ralenti ou a connu une forme d’arrêt, parce que assez rapidement, on s’est dit que d’une certaine manière, il fallait continuer. Le cliché serait de dire « Il fallait continuer parce que c’est ce que Franz aurait voulu. » Je ne suis pas certain que c’est ce que Franz aurait voulu réellement. Je pense que sur la fin, il ne voulait plus grand-chose… Mais simplement, est-ce qu’un événement comme ça, est-ce qu’on doit donner la primeur et l’autorité à un événement de cette nature ? La question est surtout là. La réponse, évidemment, est non. On ne peut pas laisser quelque chose comme ça nous détruire, nous briser. Donc, il n’a jamais été question, ne serait-ce qu’un seul instant, d’arrêter, par exemple. Par contre, il a fallu trouver quelqu’un pour jouer de la guitare avec nous. Ça s’est fait assez rapidement, mais ça n’a pas été sans poser un certain nombre de problèmes d’organisation également. Donc, je dirais que ça a été dur moralement, ça a été dur émotionnellement, ça a été dur sur plein de points, mais on a réussi assez sereinement à passer le cap dans la mesure où la marche du groupe n’a pas du tout été interrompue. Grégoire, notre batteur, a réussi à trouver sur son disque dur ce live que nous avions enregistré, je crois, en 2017 et que je n’avais pas réécouté depuis. Il l’a mixé, il m’a fait écouter ; j’ai trouvé que c’était très bien et que ça valait le coup d’être sorti. C’est la raison pour laquelle on a sorti ce live qui, en plus de ça, je trouve, donne un contrepoint assez intéressant à notre premier album. Vu que tous les morceaux du premier album sont interprétés dessus, c’est un petit peu comme si on avait une version studio très léchée, très produite, et puis une version plus brute, plus radicale, qui est celle qui était interprétée sur scène. Ce qui est intéressant, c’est que certains préfèrent le live, d’autres vont préférer le studio, mais il y a beaucoup de gens qui aiment beaucoup ce live qui pourtant est sorti de façon complètement indépendante, sans le soutien du label. Pour ce qui est de Glaciation ou pour ce qui est d’Ecclesia… comment dire ? Ce sont des groupes que j’ai eu la joie d’intégrer et pour lesquels j’ai eu la joie également d’avoir un rôle créatif. C’est toujours intéressant pour moi de m’impliquer dans des projets qui ont une forte personnalité. Et à titre personnel, je trouve que c’est important dans la mesure où musicien, c’est mon métier, donc ça me permet de me frotter à d’autres styles et aussi me mettre, je dirais, dans… de ne pas rester prisonnier, en fait, de ma petite tête et de mon petit univers, mais également d’essayer d’accueillir un peu de nouveautés. Je pense que le risque, lorsqu’on est très fidèle à un seul de ses projets, c’est qu’on finit vite par tourner en rond, alors que là, je pense que c’est d’ailleurs une des choses qui ont vraiment pesé dans la composition du deuxième album. Ça m’a permis aussi de m’ouvrir un petit peu à autre chose et d’arrêter, dans une certaine mesure, de tourner en vase clos de façon quasi-obsessionnelle. Le deuxième album a été long à écrire, mais par contre, je ne dis pas qu’il a été facile, mais je pense qu’il est d’une certaine manière un peu plus spontané. Il y a moins, peut-être, de contrôle des choses. Il y a un côté dans le premier album, Eschatonizer, que j’adore, mais il y a un côté un peu premier de la classe qui a disparu dès le deuxième. Je pense que pour le deuxième, il y a moins cet effet-là.

Justement, la question suivante porte sur Unenlightenment, le deuxième album. Comment se sont passés l’écriture et l’enregistrement ?

L’écriture, un peu comme d’hab, un peu comme j’ai l’habitude de fonctionner, c’est-à-dire que souvent, je travaille seul, j’écris les guitares. Tout est axé sur les guitares ; Deathcode est vraiment un groupe de metal. Je ne me vois pas écrire de l’accompagnement pour orchestre. Pour moi, les instruments orchestraux accompagnent le groupe de metal, et pas l’inverse. Ça commence par les guitares, ça commence par des riffs et j’y tiens vraiment beaucoup. Une fois que des squelettes de morceaux sont écrits, enfin, des squelettes développés, que tout est harmonisé, je mets tout sur partition et à partir de ce moment-là, on commence à travailler sur des parties de batterie, on commence à travailler sur des parties de basse. Ensuite, le chant vient et à la fin, on a les ornements d’orchestre, et des synthés également, puisque sur le premier comme sur le deuxième album, il y a aussi des synthés, des espèces de samples, des samples industriels, des choses comme ça. J’aime bien les trucs un peu bruitistes qui font un peu de bruit. La différence sur le deuxième album, c’est que plus de musiciens ont été impliqués. Sur le premier album, je crois que de la première à la dernière note, du premier au dernier mot, j’ai absolument tout écrit. Sur le deuxième album, ça a été différent dans la mesure où je me suis contenté d’écrire les morceaux dont j’ai eu la charge de la première à la dernière note, mais j’ai été aidé pour trois autres morceaux par notre guitariste Mike. Pour les parties basse, qui sont très importantes sur ce deuxième album, Nicolas, notre bassiste, a réalisé un travail extraordinaire. Il a, je dirais, écrit 90 % des choses. Ensuite, on a échangé des idées sur un certain nombre de passages qui pouvaient être un peu plus litigieux. Pour les batteries, je voulais vraiment que Grégoire ait le plus de marge créative possible, donc on a réservé un temps un peu plus long de studio […] Il connaissait évidemment un peu les morceaux, mais il ne les avait jamais joués avant, il ne les avait jamais répétés avant. On a travaillé le matin sur les morceaux en disant « Voilà, tel endroit, est-ce que tu pourrais pas jouer quelque chose comme ça ? » On a fait pas mal d’essais et on a essayé de capturer le plus de choses spontanées possible, donc le plus d’improvisation finalement possible sur les morceaux. On a vraiment travaillé sur l’écriture des parties de batterie en studio. Et enfin, toutes les parties d’orchestre ont été revues par un orchestrateur professionnel qui est un compositeur classique. C’est son métier, donc il connaît la façon dont on orchestre des instruments acoustiques de ce type et il sait comment fonctionne un orchestre symphonique. J’ai écrit globalement toutes les parties symphoniques par famille d’instruments et lui les a ensuite réparties par instruments et a corrigé les quelques coquilles qui pouvaient encore subsister […] Il a programmé ensuite effectivement ses arrangements avec des instruments virtuels de très, très grande qualité. Et je pense que ce qui fait vraiment la différence du second album sur le premier, c’est aussi la qualité des arrangements dits classiques ou symphoniques, qui sont de qualité vraiment super bien. Mieux écrit et ça sonne mieux.

À propos des morceaux de l’album, lesquels représentent au mieux l’identité de cet opus ?

C’est compliqué… On a quelques morceaux assez longs. C’est plus facile, lorsqu’on s’étale un peu, de faire en sorte que le contenu représente un peu toutes les facettes du disque. Quand on n’a que cinq minutes, on va charbonner dans une direction, quand on en a dix, on peut aller un peu plus loin et essayer de faire un petit peu le tour, justement, de ce qu’on a à dire. On a deux morceaux assez longs sur le second album. On en a un qui s’appelle Scales et un autre qui est l’adaptation d’un poème de René Daumal, À la néante, qui sont des morceaux qui représentent assez bien ce qu’on a voulu faire dans l’ensemble sur ce disque.

À propos d’À la néante et La nuée, ce sont des morceaux en français, alors que sur le précédent album, il n’y avait que des morceaux en anglais. C’est venu d’où, l’idée d’avoir deux morceaux en français ?

À la néante, c’est le premier morceau qu’on a écrit pour le deuxième album. La raison pour laquelle — c’est un hasard, tout n’est pas calculé — c’est un très long morceau, c’est vraiment une longue pièce, c’est l’époque où je lisais un peu… où je relisais René Daumal. Ce poème m’a interloqué, à plus d’un titre. Ce qui m’a interloqué, surtout, ce que j’ai trouvé hallucinant, c’est que René Daumal, dans un entretien, disait qu’il voulait que sa poésie ne soit pas récitée ou lue, mais criée. Je me suis dit, quoi de mieux qu’un groupe de metal extrême pour voir réaliser ce souhait du poète et crier ou hurler ce poème, cette jolie pièce de littérature. Pour La nuée, c’est un texte que j’ai écrit avec un ami ; là, encore une fois, une collaboration. Le deuxième album est un peu plus collaboratif, effectivement. Disons que j’ai un peu chapeauté le travail, j’ai fait toute la direction artistique, j’ai produit le disque aussi… donc, j’ai été au centre de tout mais, en revanche, j’ai vraiment tenu à me nourrir de toutes les sources possibles et imaginables, et de manière, encore une fois, à ne pas rester dans une espèce d’attitude solipsiste, qui, je crois, me fatigue, à force. Donc, La nuée, c’est un texte d’abord écrit par un ami que j’ai trouvé remarquable, dans lequel j’ai fourré un peu mon nez et qu’on a réécrit à deux pour l’adapter à la musique. Je trouve que c’est intéressant de chanter en français. Effectivement, c’est ma langue maternelle et c’est une langue dont les sonorités se prêtent, je trouve, assez bien à cette espèce de scansion agressive qu’on trouve dans le métal extrême.

En parlant de sources d’inspiration, on voit au travers des deux reprises qu’il y a sur Escathonizer, une d’Emperor et une de Judas Priest, que ce sont les premières influences du groupe. Quelles sont les autres ?

Alors, Judas Priest, je dirais que ce n’est pas forcément une influence première du groupe. C’est une influence première de la raison pour laquelle je me suis mis à faire de la musique ; ce n’est pas un groupe dans lequel je vais puiser directement pour écrire des chansons de Deathcode. Mais fatalement, s’il n’avait pas été là, je pense que je me serais peut-être mis à la couture… Emperor, évidemment… c’est une boutade, enfin, une semi-boutade. On a monté le groupe avec Grégoire — ou le projet, pas le groupe — à l’époque où Emperor avait décidé de se quitter. On s’est dit « C’est quand même dommage. On peut pas laisser faire ça. » (rires) […] On était chacun, lui et moi, dans des formations où les musiciens ne partageaient pas notre goût pour le metal extrême — pour le black metal, pour le death metal, pour les blast beats, pour tous ces trucs… ce n’était pas du tout l’univers de référence des gens avec qui on jouait. On se trouvait un petit peu isolés et c’était aussi une manière pour nous de se dire « On s’aime bien, on a envie de jouer ensemble. Quelle musique on pourrait jouer ensemble ? Ah bah tiens, la musique qu’on ne peut pas jouer avec les musiciens avec lesquels on joue ordinairement parce qu’ils n’aiment pas. » Il y avait effectivement Emperor, aussi un groupe français qui est très cher à mon cœur qui est Anorexia Nervosa, qui, pour moi, est un des seuls groupes intéressants en black metal symphonique, si ce n’est le seul. Après, qu’est-ce que j’aime d’autre… En fait, j’aime le metal au sens large. Moi, mes goûts, ça va de… en rock et en metal, ça va de Windir à Tetragrammacide, donc c’est très, très large. Après, il y a aussi des influences qui sont extra-metalliques […] Fut un temps, j’ai cru que mon job à plein temps, c’était d’écouter tout ce qui s’était écrit en musique symphonique entre 1850 et 1930. J’avais quasiment un programme d’écoute obsessionnel ; une œuvre par jour ; je trouvais l’œuvre à écouter le matin, le soir, je l’écoutais et je faisais des relevés de passages que je trouvais intéressants. J’aime beaucoup, notamment, la musique symphonique ou la musique orchestrale, en tout cas la musique orchestrale post-romantique ; un compositeur en particulier, qui est Anton Bruckner, que je révère et qui a été un peu mon prof aussi, dans une certaine mesure. Ce qui fait que dans notre musique, il y a aussi pas mal de choses qu’on n’entend pas, je crois, chez d’autres groupes, notamment l’usage quasi permanent du contrepoint pour les guitares. Les deux guitares sont toujours harmonisées et il y a beaucoup d’éléments presque fugués de temps en temps, des choses qui, moi, me tiennent à cœur parce que j’aime bien la musique savante aussi et que je trouve qu’on peut emprunter un certain nombre de ces procédés pour faire du metal plus intéressant.

Toujours à propos d’influences, il y a quelque chose qui est assez amusant, c’est que Glaciation et Ecclesia ont quand même des influences communes avec Deathcode Society. Glaciation, c’est le black metal, Ecclesia, c’est le heavy et le doom… Je me demandais dans quelle mesure deux projets comme ces deux-là peuvent influencer Deathcode Society ou inversement ?

Je ne sais pas dans quelle mesure ça peut nourrir Deathcode… Je dirais que dans Deathcode Society, en fait, je ne laisse jamais parler de métier. C’est-à-dire que dans Ecclesia ou dans Glaciation, quelque part, c’est presque plus détendu et c’est plus facile à écrire, parce que je vais sans doute laisser plus de place, non pas à des automatismes bébêtes, mais à des choses dont je sais qu’elles sont efficaces. Dans Deathcode Society, c’est de la recherche presque fondamentale (rires), c’est-à-dire que je pense que je me mène la vie un peu plus dure quand j’écris. Ça ne veut pas dire que la musique est meilleure ; c’est simplement une façon de travailler. C’est-à-dire que pour moi, un morceau de Deathcode Society doit ressembler à un morceau de Deathcode Society, ce qui veut dire que ça doit être une musique toujours un peu étrange, quelque part, peut-être un petit peu surprenante. Pas en tout cas une musique dont on peut décider… Quand on écoute une musique, souvent, on a des attentes par rapport à elle. Il y a des gens, et je sais qu’aujourd’hui, hélas, c’est beaucoup plus répandu qu’avant, qui veulent, non pas être pris par la main dans la musique, mais prendre la musique par la main, et ils sont contents quand la musique va exactement dans la direction où ils souhaitent qu’elle aille. « Tiens, là, j’ai prévu que tel accord serait joué parce que j’ai l’habitude d’entendre tel accord après tel accord. Ah bah je suis satisfait, je suis content. » Le but avec Deathcode Society, ce n’est pas du tout de faire ça. C’est au contraire d’avoir, je dirais, une musique plus autoritaire, qui décide elle-même et qui ne va pas complaire à celui qui l’écoute. Du moins, ne pas complaire immédiatement à celui qui l’écoute. J’aime aussi le metal extrême, en particulier le black metal, parce que c’est une musique qui est un peu intolérante, qui va un peu repousser l’auditeur et qui va mettre une forme de barrière entre elle et lui, et c’est à l’auditeur de faire un effort pour aller vers cette musique et pour s’y faire d’une certaine manière. Cette musique va lui offrir de grandes gratifications, d’ailleurs, parce qu’à partir du moment où, justement, on est entré dans cet univers, on a compris un petit peu les ressorts de cette grande mécanique, on peut y trouver un plaisir beaucoup plus grand qu’en écoutant, je dirais, des kilomètres de musique standardisée dont les suites d’accords sont toujours les mêmes […] On sait que ça fonctionne, on sait que ça va plaire. On sait que c’est satisfaisant. Mais est-ce qu’on fait uniquement de la musique pour caresser les gens ? La question est là. Dans Glaciation, je crois qu’on est encore dans le black metal, donc il y a encore ce côté un petit peu déplaisant et rugueux que j’aime. Dans Ecclesia, au contraire, je pense qu’il y a vraiment quelque chose, il y a vraiment un aspect chanson. Il faut vraiment que ce soit quelque chose d’un peu immédiat et même, je dirais, d’un peu amusant. En tout cas, plaisant, entraînant. « Catchy » comme disent les Anglais.

J’y pense, même dans les trois groupes, vocalement parlant, il y a aussi un sacré travail. Il y a plein de types de voix différents. C’est quoi le secret de ce travail ? Est-ce qu’il y a une routine ? Est-ce qu’il y a des exercices en particulier, des habitudes, des choses comme ça ?

Des habitudes, je ne sais pas, mais il se trouve qu’en fait, chanter, c’est mon métier puisque le métier avec lequel je gagne ma vie, c’est professeur de technique vocale. Je m’intéresse au fonctionnement de la voix depuis longtemps et pas uniquement en tant qu’artiste, mais vraiment en tant que presque chercheur, finalement, et pédagogue. Le travail, c’est un travail quotidien puisque déjà, tous les jours, j’enseigne et il y a des gens qui viennent me voir pour apprendre, je ne sais pas, par exemple, à chanter comme le chanteur de Death, comme Bruce Dickinson, comme Billie Eilish… voilà, qu’est-ce qu’ils font, comment ils font, etc. Moi, ça m’oblige à travailler et à comprendre également ce que font les autres chanteurs quand ils interprètent leurs chansons et comment ils s’y prennent pour faire tel type de son. C’est un métier, c’est aussi une passion. Je travaille également avec une entreprise québécoise qui s’appelle La Fabrique de Monstres, qui a été fondée par un très, très chic type qui s’appelle Sébastien Croteau, qui est Québécois, dont le travail est de proposer à des boîtes qui font des jeux vidéo de la création de voix de monstres, pour des jeux où il y a des zombies, des extraterrestres, des monstres divers et variés… Il a tout un réseau de chanteurs de metal extrême qu’il emploie comme doubleurs pour des monstres. Je travaille beaucoup avec Sébastien, pas forcément sur des doublages, mais le fait que je me sois vraiment intéressé à la physiologie de la phonation pour les effets, ce qu’on appelle les effets de saturation vocale, fait qu’aujourd’hui, je travaille avec lui, notamment, sur des projets plus pédagogiques ou plus scientifiques. C’est une de mes marottes et c’est aussi une partie de mon métier. Le fait est que je travaille sur ma voix dans l’optique de préserver ma polyvalence vocale, parce que c’est avec ça que je croûte, d’une part (rires), et aussi parce que j’aime bien chanter des choses différentes. Je n’ai pas envie de me cantonner à un seul style et je suis fasciné par le fonctionnement de la voix et par ses infinies possibilités.

Du coup, pour en revenir au New Blood Fest, comment Deathcode Society s’est retrouvé à l’affiche de ce festival ?

On a été contactés et on a accepté. C’est aussi simple que ça ! (rires) Je pense que dans la région, on commence à nous connaître un petit peu. C’est aussi une des raisons pour lesquelles, je pense, on se retrouve à l’affiche aujourd’hui.

À l’heure actuelle, est-ce que le groupe a des prochains concerts de prévus ?

Dans l’immédiat, non. On est en train de travailler pour arriver à se placer sur des festivals, mais on est personne, en fait. On est un tout petit groupe, donc on n’est pas prioritaire par rapport à beaucoup d’autres groupes qui, eux, sont déjà programmés pour 2024. On essaie de voir également comment organiser d’autres concerts, pourquoi pas une tournée, mais plutôt sur la deuxième moitié de 2024.

Et ce serait une tournée avec des groupes connus ?

Pour l’instant, on a vraiment très, très, très, très peu d’éléments. Je peux absolument pas m’avancer sur l’identité des groupes. On est en train d’essayer de voir si on peut se greffer à une tournée intéressante avec des groupes solides… mais pour l’instant, on n’a pas du tout de confirmation, donc on peut rien dire.

Et dans l’idéal, vous rêveriez de jouer avec quels groupes ?

En fait, j’ai pas forcément de rêve de jouer avec un groupe ou d’autres […] Si on avait la possibilité de faire une tournée, parce qu’il faut avoir le sens de la réalité aussi, souvent, lorsqu’on fait une tournée en première partie aujourd’hui, il faut mettre des sous dedans. Moi, j’ai pas l’intention d’hypothéquer ma baraque pour avoir le plaisir de faire quinze jours de tournée en Europe. On m’a dit que c’est du metal extrême, que c’est dans des petits clubs souvent. C’est toujours très modeste, donc il faut avoir la tête sur les épaules et se dire que si on fait un groupe qui doit acheter, puisque c’est le cas, participer en tout cas aux frais d’une tournée d’un groupe de tête d’affiche, il faut que le groupe de tête d’affiche tape dans le public de cible. Nous, ça n’aurait pas de sens, je ne sais pas, de partir en tournée avec… moi, j’adore Suffocation, mais Suffocation et Deathcode Society, ça n’a pas de sens. Les gens qui vont voir Suffocation, ils en ont rien à branler de notre musique, ou quelques-uns, peut-être… Mais on a peu, en fait, de représentants de notre musique aujourd’hui. Qu’est-ce qu’on a comme groupes actifs qui pourraient partir en tournée en tête d’affiche… On a Emperor, on a Dimmu Borgir, qui n’est pas un groupe que j’aime beaucoup, mais le public peut coïncider. On a Cradle of Filth, éventuellement. On a, je ne sais pas, Fleshgod Apocalypse, on a Septicflesh, on a des groupes comme ça, mais finalement, ils ne sont pas très nombreux. Donc c’est toujours une question un peu compliquée et toujours, surtout, la difficulté, c’est de savoir à quelle échelle on veut faire les choses. C’est-à-dire que quand on se greffe à une tournée où on a une tête d’affiche dont on sait qu’elle va remplir des salles, qu’elle va vendre des tickets, ça nous permet effectivement de toucher un public plus nombreux, mais les conditions sont quand même des conditions un peu hardcore. On a aussi l’autre possibilité qui est de monter des tournées avec des groupes de notre statut qui vont être plutôt du co-headlining et pas forcément quelque chose où il y a une espèce de hiérarchie. C’est un peu moins formel et on peut écumer des salles plus petites, des petits clubs, des choses comme ça et s’y retrouver et passer un très bon moment aussi. Si je devais faire une tournée aujourd’hui, je ne sais pas avec quels groupes. Si je pense de manière business, je me verrais effectivement jouer avec des gens qui sont un peu établis, qui font un peu le même style que nous. Si je pense plaisir, n’importe quels groupes avec lesquels on s’entend bien et avec qui ça pourrait être marrant de tourner. Il y a des gens dans la scène qu’on aime bien et avec qui c’est toujours agréable de faire des concepts.

Peut-être les projets parallèles des autres membres ?

Ça, ça dépend parce que moi, faire un concert avec Ecclesia et faire un concert avec Deathcode, je peux peut-être faire ça pendant deux jours, mais au bout du troisième, ça risque d’être un peu compliqué quand même. Ça peut être un petit peu fatiguant… (rires) Ça pourrait être challengeant. Peut-être sur une soirée, pourquoi pas ? Sur une tournée, je pense que c’est vraiment dur, vraiment difficile.

On arrive à la fin de cette interview. Merci beaucoup pour ces réponses très intéressantes. J’ai très hâte de découvrir l’album !

Moi aussi, j’ai hâte que tout le monde le découvre parce qu’on en parle beaucoup. Enfin, j’en parle beaucoup, mais pour l’instant, on en a assez peu qui ont entendu une seule note…

Quelques mots pour conclure ?

Merci également pour avoir pris le temps de poser ces questions. C’est toujours intéressant d’y répondre et c’est toujours, surtout, extrêmement émouvant de voir qu’il y a encore des gens qui prennent du temps, consacrent du temps à poser des questions à des groupes émergents et qui sont toujours passionnés par cette musique, qui est une musique de passionnés et qui ne perdure que parce qu’il y a des passionnés.