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Le power metal, à bien des égards, est un genre très ancré dans la scène européenne. Au fil des années, celle-ci aura su s’exporter outre-Atlantique, donnant alors naissance à plusieurs projets marqués de ses influences. Parmi eux, compte celui dont traite cette chronique. Similaire à Iron Maiden par le nom, IronFlame l’est aussi par bien d’autres aspects, comme le revendique d’ailleurs non sans fierté son fondateur et unique membre permanent, Andrew D’Cagna. Depuis 2016 et son quartier général dans l’Ohio, le chanteur et multi-instrumentiste ne chôme pas, sortant cette année non moins que le quatrième album d’IronFlame. Intitulé Where Madness Dwells, sa sortie se veut annonciatrice d’une reprise d’activité en bonne forme pour Andrew D’Cagna, avec de nouvelles productions avec Brimstone Coven et Icarus Witch à suivre au programme. En les attendant, ce nouvel album d’IronFlame fait profiter les admirateurs d’Andrew D’Cagna d’une autre facette de l’univers de ce dernier, et du power metal en général…
En effet, si le genre se voit associé aux pays européens, il l’est également à des thèmes épiques, aussi bien musicalement que lyriquement parlant. Composé, à l’instar de bien d’autres albums, en période de crise sanitaire et politique, Where Madness Dwells adopte une approche plus terre-à-terre de son sujet, s’appuyant en bonne partie sur le vécu personnel de son créateur. En résultent des morceaux au ton et à l’atmosphère globalement plus sombres que la moyenne du genre. La voix de Vincent Price annonce à cet effet la couleur dès l’introduction de la première des huit pistes, Everlasting Fire. Après cette ouverture classique mais bien assez efficace pour donner envie de découvrir le reste, puis un Under the Spell qui encourage à le faire, vient le temps de laisser place aux choses sérieuses avec Kingdom of Lies. Le rythme ralentit d’un cran pour laisser plus d’espace d’expression à la voix d’Andrew D’Cagna. Celle-ci prend un ton assez agressif, voire cinglant, en accord avec un titre probablement supposé évoquer le climat politique instable des États-Unis à l’époque de l’écriture de l’album. Par la suite, le tempo ralentit encore une fois pour accompagner un nouveau changement de ton sur A Funeral Within. IronFlame trouve son origine dans le deuil lié à la perte d’un ami proche, tragédie que son fondateur a malheureusement vécu une seconde fois durant la période d’écriture et qu’il évoque dans ce morceau pesant, presque doom, où la critique laisse place au désarroi dans le travail vocal, sentiment d’autant plus renforcé par les sons de cloche à la fin.
Andrew D’Cagna ne s’en tient cependant pas là et élève le cynisme à d’autres niveaux dans la deuxième moitié de l’album, jusqu’à lui faire atteindre son paroxysme dans The Phantom Flame. Véritable hymne à la rébellion contre un job et un système aliénants, il appuie son propos par une rythmique battue à grande vitesse à coups de double-pédale et un refrain soutenu par une guitare omniprésente, refrain qui achève de s’ancrer dans les mémoires par un final ad libitum. En comparaison, les deux derniers morceaux, A Curse Upon Mankind et l’éponyme, sont bien plus posés, reprenant, l’un le ton cinglant de Kingdom of Lies, le second une partie de la gravité de A Funeral Within… ainsi que les répliques reprises de la filmographie de Vincent Price ayant servi à l’introduction et qui servent ici de conclusion. La boucle est bouclée.
Where Madness Dwells compte tout de même son quota de morceaux enjoués et « feel good », même largement pour une production du genre power metal. En premier lieu, les deux pistes précédemment citées, l’ouverture Everlasting Fire suivie d’Under the Spell. Ce dernier est d’ailleurs probablement le morceau le plus « maidenesque » de l’ensemble, de par son rythme dynamique, ses riffs entêtants et l’écriture de son refrain. Plus tard, la même recette est employée dans Ready to Strike, pour une efficacité moindre cependant, ce titre se révélant un peu trop simple et classique pour marquer les esprits. Il n’en demeure pas moins que les influences old-school font du bien aux morceaux comme aux esprits, en plus d’être amusantes à reconnaître… L’ensemble est servi par une production très qualitative qui rend le son de chaque instrument agréable à l’oreille. La voix d’Andrew D’Cagna est au cœur de Where Madness Dwells, laissant à chacun le loisir de vérifier le bon fondement des comparaisons dont elle fait l’objet avec celle de Bruce Dickinson, assez évidente s’il en est. La basse, également, se démarque, d’une part par sa puissance sur les titres mid-tempo tels A Funeral Within, d’autre part par son tranchant sur les autres plus rapides et agressifs. De même, déjà présents sur le précédent album d’IronFlame, Jesse Scott et Quinn Lukas, guitaristes et amis de longue date d’Andrew D’Cagna, font leur retour et tirent chacun leur épingle du jeu en ajoutant aux morceaux des soli à l’exécution irréprochable, qui raviront les amateurs de technique.
Se reposant sur des influences et valeurs sûres, Where Madness Dwells ne représente certes pas une réelle prise de risques, aussi bien dans la discographie d’IronFlame que dans la carrière de son fondateur. Cela étant, en plus d’une nouvelle démonstration d’un savoir-faire technique très attendu de la part d’un homme aux multiples talents, ce quatrième opus trouve sa plus-value dans la sincérité qui s’en dégage. Andrew D’Cagna a su tirer parti de son propre vécu et des émotions contradictoires l’ayant traversé en période de bouleversements divers pour donner à ses créations un sens du drame qui appuie leur propos, sans oublier pour autant l’aspect épique et la combattivité qui font la force du power et du heavy metal depuis toujours. Le musicien et chanteur produit ainsi un album thérapeutique, autant pour ses auditeurs que pour lui-même, qui vaut la peine d’être écouté pour se donner un coup de fouet en cas de coup de mou… voire en dehors !