Lacuna Coil
Comalies XX
Genre metal gothique
Pays Italie
Label Century Media
Date de sortie 14/10/2022

Site Internet

Le 14 octobre dernier, la formation italienne Lacuna Coil lançait les festivités pour les 20 ans de son album Comalies. Pour ce faire, le band décida de prendre chacune des pistes de l’album, une à une, et d’en faire une mouture dite « aux sonorités actuelles ».

Comalies aura été, pour de nombreux fans du groupe, un album qui changea le visage de la formation. Un virage vers une approche « nu-metal » sans toutefois dénaturer ses racines. Il a été chaudement apprécié et demeure toujours dans le cœur de ceux, dont je fais partie, qui affectionnent Lacuna Coil. Alors, lorsqu’on m’annonce que le groupe décide de le revisiter, de l’actualiser tant au niveau de l’écriture qu’à celui de la sonorité… il est compréhensible que cette nouvelle puisse faire peur et anticiper un désastre (ou pas). Qu’en est-il au final ? Ce pari risqué aura-t-il su porter ses fruits ? Voici mes impressions pour vous.

D’abord, pour rappel, il faut garder en tête qu’il a été décidé de REFAIRE CHAQUE chanson de l’album une à une, et, considérant le fort impact que les versions originales ont laissé dans les mémoires, il est impossible de ne pas faire les comparaisons. D’autant plus que les formats physique et numérique de Comalies XX nous sont tous deux livrés avec l’album original remixé et remasterisé.

Le groupe nous avait déjà initié à ce qui allait nous être servi via la sortie de deux clips : Swamped et Tight Rope. Les deux premières choses qui m’avaient frappé lors de ces deux visionnements étaient la lenteur des nouvelles versions ainsi que la présence que le chanteur, Andrea Ferro, prend sur ces révisions. Depuis l’album Black Anima paru en 2019, on a pu remarquer que sa voix a pris une grande assurance et est devenue beaucoup plus présente au sein de l’ensemble vocal. Mais si cette présence accrue est appréciable sur l’album précédent, quand on repense à Comalies, on se rappellera que sur celui-ci, c’est principalement Cristina Scabbia qui était la vedette, tandis qu’Andrea tenait le rôle de « supporteur » et assurait davantage les backing vocals qu’autre chose. Sur Comalies XX, sa présence a été mise à l’avant-plan sur la majorité des pièces. Certaines chansons dont les couplets étaient chantés par Cristina le sont maintenant par Andrea, reléguant Cristina au rang de chanteuse de refrain à l’occasion. Si l’album original n’avait pas existé, je vous dirais que la balance est vraiment excellente. Mais considérant l’existant, cela m’a causé un certain malaise. J’y reviendrai, ainsi que sur la référence à la lenteur des tempos.

Musicalement, Comalies était un album rempli de chaleur et de profondeur malgré le penchant nu-metal. Comalies XX, quant à lui, est un album qui reflète exactement certains de mes reproches personnels envers certaines productions metal actuelles : surdose de production. Le son de batterie subirait mon premier reproche. Il a tellement subi de traitements pour le rendre puissant qu’on peut réellement se demander s’il n’y aurait pas eu d’abus de plugins en studio. Est-ce réellement une batterie acoustique ou bien est-ce que tout ce qui a été joué a été transposé en batterie virtuelle ? C’est froid, sans âme et très triste à entendre, au final.

Globalement, on a ralenti de moitié le tempo des chansons. On parle carrément de 50% moins rapide. Le choix du 50% est sûrement bien calculé, car il permet au chant de pouvoir garder sa rythmique différente mais quand même proche de l’original. Toujours en comparatif, la batterie originelle développait beaucoup de variantes rythmiques et était énergique. Maintenant, mis à part sur Daylight Dancer, oubliez les doubles bassdrums, oubliez la rapidité. C’est très bien appliqué, mais c’est lent. Les guitares ont, à mon avis, souffert du même syndrome que la batterie. Pour tout musicien qui lit ceci, j’aurais pu renommer cet album comme étant « L’album des blanches liées ». On est dans une overdose de longs accords du début à la fin. Pour Comalies XX, tout cela sert très bien l’album, cependant, comparativement à l’originel, c’est une grosse perte musicale.

On ne peut parler de Lacuna Coil sans parler du chant de Cristina qui est, indéniablement, puissant et juste. La révision de Comalies XX lui aura permis de réajuster certaines des mélodies de chant. Sa voix n’a rien perdu au fil des années si ce n’est que l’inverse. Du côté d’Andrea, pour sa part, le niveau de qualité de son scream, son assurance et sa présence au sein de la formation ne font que grandir. Après tant d’années, il était temps. Sur Comalies XX, il s’y est accaparé une place plutôt monumentale. Et je dirais que c’est une des grandes forces de ces reprises : lui avoir donné une vraie place sur un album puissant. Dans l’ensemble de l’œuvre, c’est une mise à jour du format qui donne un superbe résultat équilibré. Les mélodies de chant, au risque de me répéter, ont fortement été altérées sur l’ensemble de l’album. Si quelquefois nous préférons les versions originales, je dois avouer que plusieurs pièces auront réussi à bien se placer dans mon appréciation globale.

Mon avis semble ambivalent face à Comalies XX et ce n’est pas faux. Parfois rempli d’amour, parfois de déception. J’ai dit plus haut qu’il était impossible de ne pas comparer l’œuvre actuelle à l’originale et, comme pour la mode actuelle des remakes des films au cinéma, pour bien critiquer, on ne peut ignorer les racines. Cependant, c’est là que cet album aurait eu tout à gagner : ne pas avoir eu de version précédente. Car si on prend Comalies XX en tant qu’entité à part entière, c’est définitivement un album réussi pour lequel une excellente note se doit d’être attribuée. Cependant, quand on fait le comparatif avec l’original, bien des choses appréciées deviennent des choix douteux. Je pointerai ici plus spécifiquement la pièce Aeon pour laquelle, sur l’original, on peut savourer une guitare acoustique avec un doux chant de Cristina entremêlé de sonorité ambiante qui vient mettre la table pour Tight Rope. Dans la version XX, Aeon perd toute sa délicatesse et sa profondeur. On nous laisse une ambiance fade, sans chaleur qui, même avec le chant de Cristina, ne peut être sauvée de ce que je considère comme un flop. J’aurais aussi apprécié qu’on n’utilise pas Angel’s Punishment XX pour venir nous rappeler que nous avons vécu une crise planétaire de la Covid. Je préférais le côté intemporel de l’original.

Alors mon appréciation de Comalies XX ? Pour lui-même, oubliant la version précédente, je vous dis que c’est un album puissant et brillamment réalisé/composé malgré sa froideur et sa lenteur. Par contre, je vous suggère fortement de ne pas écouter la version originale avant, pour vous laisser apprécier ce difficile travail qui a été réalisé par le groupe pour recomposer des pièces qui existent depuis vingt ans et qu’il joue depuis tout ce temps en concert. Le musicien en moi leur dit bravo ! Le travail a dû être colossal malgré ce qu’il peut paraître de reprendre des chansons existantes. Ils les ont refaçonnées, ont changé des mélodies, et pas qu’un peu, et adapté les musiques. C’est tout simplement une déconstruction complète de l’album pour les amener dans l’ère du metal de 2022. Bref, je le redis : colossal !

Ah oui, c’est vrai, il y a le deuxième CD qui se veut l’album original remixé et remasterisé. S’il avait à être vendu à part, il aurait valu la peine uniquement si vous ne l’aviez pas déjà dans votre collection. Car on s’entend, cet album doit figurer dans votre collection !