Salut, et merci de répondre à nos questions sur Asgard Hass qui vient de fêter ses dix ans ! Pourrais-tu en raconter la fondation ?

En fait, dès le moment où j’ai eu l’âge de bouger en concert, j’ai commencé à y aller pratiquement tous les week-ends sur toute la Suisse… enfin, surtout sur la Suisse romande et la Suisse allemande. J’ai aussi vite commencé à bouger en Allemagne et en France. Sans m’en rendre compte, j’ai commencé à m’investir auprès des potes qui avaient des groupes : leur chercher des dates, leur filer des coups de main sur les concerts… J’ai des potes de Lyon, j’étais présent à toutes les dates. Il y avait même une légende comme quoi, si je pouvais pas venir, les concerts étaient annulés… (rires) Mon pote avait des deals avec plusieurs labels, mais les labels ne répondaient pas, du coup il m’a dit « Écoute, Astérix, je m’en fous, l’album, je vais le sortir tout seul. », moi je lui ai répondu « Ok, vas-y, je te file de la thune pour t’aider. » Et au mois de mai 2010, si je ne me trompe pas, ils avaient une date en Franche-Comté. On a été les voir, on est arrivés plusieurs heures avant, on s’est retrouvés sur le parking […] Mon pote m’a posé un sac de courses avec 165 CD et il m’a dit « Et bah voilà, Astérix, c’est ta part ! » ; j’ai dit « Mais moi je n’en veux pas, je t’ai donné cet argent pour t’aider », il m’a dit « Non non, c’est ta part, tu les prends, tu les fous au lac, je m’en fous, mais si tu prends pas ce sac, il reste sur ce parking. » J’ai d’abord commencé à vendre les CD à mes potes ; au bout d’un moment, je ne sais pas d’où m’est venue l’idée, mais j’ai commencé à faire des échanges avec d’autres labels… et je me suis dit, pourquoi pas officialiser ça en tant que distribution. La semaine avant la deuxième édition du Metal Assault Lausanne, qui était le premier stand du label, j’ai été voir un concert à Montreux parce que je voulais voir la salle pour éventuellement y organiser des concerts… c’était un concert de punk-rock à roulettes, c’était sympathique, mais disons… voilà, quoi ! (rires) et dans le tas des gens qu’il y avait, il y a un gars qui avait un pull Bathory. J’ai été causer un moment avec, je lui ai parlé du Metal Assault, que j’avais mon stand là-bas la semaine prochaine, puis il m’a demandé si je faisais de la production. Je lui ai dit « Non, mais pourquoi pas… », et ça a doucement commencé comme ça. En fait, je n’ai jamais cherché à créer le label, ça m’est un peu tombé dessus, le fait de soutenir les potes… inconsciemment, de vouloir faire vivre la scène.

Finalement, on peut dire que c’est venu très naturellement… Une question toujours en rapport avec les origines : d’où vient le nom Asgard Hass ?

Alors, le nom… je me rappelle de l’anniversaire de l’ami de ma mère, ses cinquante ans, je crois… Il bosse dans une commune, et avec un de ses collègues, ils se disaient « Franchement, on se barre, on fait notre propre entreprise », et moi j’ai dit « Ouais, vous devriez appeler ça Les Jardins du Bonheur parce que c’est trop cool ! ». Un de ses collègues me regarde et me répond « Non, il faut appeler ça Aux Jardins du Bonheur, comme ça ça commence par la première lettre de l’alphabet. », typiquement pour tout ce qui était les bottins téléphoniques qui n’existent plus tellement aujourd’hui. Du coup, je me suis dit « Bon, faudrait un nom qui commence par A », je suis assez rapidement tombé sur Asgard, en fait… et je me suis dit « Bon, juste un mot, c’est un peu bidon ». Je voulais chercher un mot à ajouter mais qui ait quand même un sens et je suis tombé sur le mot « haine ». Le délire, c’est qu’Asgard, c’est le royaume des dieux, si je ne me trompe pas, et en gros, ils ont les boules parce qu’on fait de la merde en bas… mais je trouvais que Asgard Haine, c’était un peu craignos. La Suisse, c’est un pays, pas bilingue, mais trilingue, puisqu’il y a le français, l’allemand et l’italien. Moi, j’ai fait sept ans d’allemand à l’école et je me suis dit « Pourquoi pas mettre le deuxième mot en allemand », j’ai été regarder ce que ça donnait et je me suis qu’Asgard Hass, ça pétait bien. Ce n’est pas plus simple que ça ! (rires)

En effet, ça rend bien comme nom ! Comment ça se passe au niveau de l’organisation interne ?

Au début, j’étais tout seul ; tout ce que je faisais, je ne m’en rendais pas compte, je le faisais parce que je devais le faire, quoi… J’ai tout appris sur le tas. Après, j’ai toujours été poser des questions, chercher des informations… Je me suis beaucoup remis en question, parce qu’il va de soi que j’ai fait beaucoup de petites erreurs dans les débuts. Et petit à petit, j’ai retrouvé un ami avec qui on s’était un peu perdus de vue. Un jour, alors qu’il était chez moi, il me dit « Tu sais, Astérix, j’aimerais vraiment m’investir dans cette musique, pouvoir lui rendre un peu tout ce qu’elle m’a donné durant ces années… » En gros, il voulait juste me dire « Mec, franchement, j’ai envie de bosser avec toi ! ». Du coup, je suis passé d’une personne à trois […] J’ai été chercher certaines personnes, d’autres qui sont venues par elles-mêmes. Actuellement on est neuf : six en Suisse et trois en France. Là, avec les deux ans de merde qu’on vient de vivre, on a vraiment essayé de bosser sur tout ce qui est interne. Il y a pas mal de choses qui devraient se mettre en place lors de ces prochains mois. On veut notamment trouver des nouveaux membres pour pouvoir faire plus de choses et être plus actifs ; je pense notamment aux réseaux sociaux… Moi c’est un truc qui me gonfle, donc ce serait bien d’avoir quelqu’un qui gère ça mieux que moi ! (rires) Sinon, je pense pouvoir dire qu’avec le label, qui est devenu une association, on est constamment en mouvement, on essaie de bouger, d’être à jour aussi… voilà, je sais pas trop quoi ajouter ! (rires)

Avec Metal Alliance, on a un peu le même problème : on ne sait pas trop gérer les réseaux sociaux et on espère un jour trouver quelqu’un pour le faire…

Là y a un gros problème : j’ai remarqué qu’avec le virus, notamment sur Facebook, on a perdu énormément en visibilité, c’est de la folie. On le ressent beaucoup actuellement… donc à voir !

Quand on regarde sur le site du label, on voit un peu partout l’affirmation « Black metal is dead ». Pourquoi ?

Bah… mine de rien, j’ai dû commencer à écouter du black, j’avais, je pense, douze ans… du coup, c’était quand même il y a vingt-deux ans, mine de rien. Comme je le disais précédemment, j’ai rapidement commencé à bouger en concert… et la scène a énormément bougé et évolué depuis mes douze ans. Je pense que le monde bouge constamment, que tout va très vite aujourd’hui, comme on le voit notamment avec les réseaux sociaux… et pour moi, le black metal a perdu son côté « réel », son côté un peu rentre-dedans, quelque part aussi ce côté « rien à foutre ». Pourquoi « black metal is dead », il faut savoir que ça ne vient pas de moi. C’est en fait Glaurung de Dux : il avait fait le morceau Black Metal is Dead, et quand j’ai lu les paroles, ça m’a vraiment parlé, parce que c’est vraiment… c’est un ressenti qui est personnel, mais c’est vraiment où on en est aujourd’hui. J’ai l’impression que c’est un style que certaines personnes veulent lisser, rendre accessible à tous, peut-être… y a plus ce côté, c’est peut-être pas juste de dire « méchant », cette volonté de peut-être se distancer du reste du monde […] Moi, je suis quelqu’un de très ouvert musicalement, je rencontre des gars qui font du reggae, du hip-hop ou de la techno, je vais toujours discuter parce que ça m’intéresse vraiment de voir comment leurs scènes à eux sont actuellement, et je me rends compte que le metal extrême, c’est, j’ai l’impression, un des derniers milieux où il y a encore des passionnés et, je vais dire une chose bête, où les CD se vendent encore beaucoup. Moi, à l’époque, le black metal m’est pas tombé sur la gueule en claquant des doigts, y a une recherche qui était réelle. Inconsciemment, j’ai cherché à aller là-dedans, et quand je suis arrivé là, j’ai trouvé « mon » truc, j’ai envie de dire. Y a des albums, j’ai mis dix ans à les trouver, pour dire ! À l’époque, fallait se battre, y avait pas forcément beaucoup de concerts de black metal en Suisse non plus… Aujourd’hui, t’achètes du Burzum à la Fnac, quoi ! (rires)

En parlant de groupes et de leurs styles, quand on se penche sur les groupes référencés sur le site du label, on voit qu’il n’y en a vraiment pas beaucoup, ce qui laisse supposer que le label a des critères assez sélectifs. Quels sont ces critères ?

Avec l’association, on garde vraiment un côté très « famille » : pour moi, les membres, ce n’est pas juste des membres, c’est des frangines et des frangins, on se voit en dehors de la musique, y a un lien qui est réel. Le but, au travers d’Asgard Hass Productions, c’est d’offrir quelque chose de plus. Nos groupes, ce n’est pas juste des groupes, on les prend comme des personnes, des humains, et nous, avant tout, il faut que ça matche de ce côté-là. Moi, un truc qui est bête, quand je rencontre un mec d’un groupe et qu’on parle que de musique, ça ne va pas m’intéresser. Moi, ce qui m’intéresse, c’est qu’on sorte de ça et qu’on ait un partage réel. Je pense que quand les gens sont honnêtes, ça se ressent également dans la musique. Ce qui fait qu’on n’a pas beaucoup de groupes, c’est qu’on essaie de se concentrer sur nos groupes. Notre but, ce n’est pas de sortir une prod par mois, par exemple. À titre personnel, je préfère qu’on fasse moins de productions, mais sortir des trucs réels et honnêtes. Dans les groupes qui me contactent, y a à boire et à manger, y a tout ce que tu veux… Il y a des groupes, en fait, rien qu’en lisant la description, je sais déjà que la réponse sera négative. Je prends toujours le temps de tout écouter ; je pars du principe qu’une personne qui prend le temps de m’écrire, je dois prendre le temps de consulter le mail, de tout regarder et de répondre. Mais comme je le dis, si un groupe m’écrit et que je sens que c’est la nouvelle découverte, ça va marcher à boulets, mais que les mecs sont des blaireaux, ça ne va pas m’intéresser. Parce qu’on n’est pas là pour se faire de l’argent ou quoi que ce soit d’autre… Pour moi, le black metal, c’est un truc qui est viscéral, c’est une chose que tu vis, c’est pas une chose juste que t’écoutes, et je pense que dans la manière de faire, c’est ce qu’on recherche également chez nos groupes.

Finalement, on peut dire que c’est à la fois un label très underground et très familial…

En dix ans, je ne vais pas te mentir, avec Asgard Hass, on a pris pas mal d’ampleur par rapport au début, et on a quand même la chance de connaître certaines personnes de gros labels ou des gros bookers… donc on a quand même le pied qui va, je pense, doucement partir, pas dans le mainstream, bien sûr, mais on a quand même la volonté de partir un peu plus haut, et c’est une chance qu’on peut offrir à nos groupes également. Mais on veut de toute façon garder ce côté vrai, ce côté underground.

En dix ans, à combien en êtes-vous en matière d’albums produits et d’événements organisés ?

Alors, événements, on est à vingt et un. Le vingt deuxième, on est en train de l’organiser : on veut en fait faire une soirée pour les dix ans du label à Martigny le 22 octobre (ndlr : la date a depuis été reportée au 1er avril 2023). Là, on est doucement en train de contacter les groupes qu’on aimerait faire jouer, mais je réfléchis encore beaucoup aux groupes et j’avoue que je ne suis pas serein vis-à-vis du virus. Ça m’embêterait vraiment d’avoir un groupe qu’on puisse pas faire jouer au dernier moment parce qu’il y a des restrictions… Et puis avec Asgard Hass, on en est à quarante-neuf productions actuellement, et les cinquante et cinquante-et-unième sont actuellement en pressage (ndlr : les productions concernées sont sorties peu de temps avant la parution de l’interview).

À propos de productions, tout à l’heure, tu parlais de la toute première, avec tes amis lyonnais dont tu n’as pas mentionné le nom. Es-tu toujours en contact avec eux ?

Le groupe n’existant plus, je ne pense pas que ce soit utile de mentionner le nom… Oui, parce qu’en l’occurrence, c’est le mec de Dux (Glaurung, ndlr). Je le connais depuis plus de vingt ans, je crois, et on est toujours restés très proches. En général, je vais à Lyon quatre à six fois par année pour qu’on se voie. C’est un peu mon papa français, en fait ! (rires) La première production du label, en réalité, ce n’est pas eux, mais sans lui, je ne serais pas là aujourd’hui.

En dix ans et quarante-neuf productions, quelle est celle dont tu tires la plus grande satisfaction ?

Alors, je pense que je tire satisfaction, d’une manière ou d’une autre, de toutes nos productions, même parmi certaines dont je ne suis pas « fier », mais qui ont peut-être un petit plus, je peux prendre par exemple les rééditions vinyle des Crystalium. C’est un groupe que j’écoutais beaucoup à l’époque et que j’adorais, et franchement, on m’aurait dit à mes vingt ans « Dans dix ans, tu ressortiras ça en vinyle », j’aurais eu de la peine à y croire ! (rires) Sinon, je peux nommer la réédition de Himinbjorg aussi, le Golden Age. À l’époque j’ai connu le groupe avec cet album, je l’ai écouté des heures et des heures, et le fait de ressortir cet album, qui a été totalement réenregistré, c’est vrai que… je me dis, en fait, je ressors une prod, une prod qui a été réenregistrée pour le label, que j’écoutais à sa sortie qui date de 2013, peut-être, je sais plus (l’album Golden Age est sorti pour la première fois en 2003, ndlr). Sinon, une autre prod dont je suis fier, c’est l’album de The True Endless. Le mec du groupe, Marco [de Rosa], je l’ai rencontré dans un concert en Suisse allemande, pareil, il y a plus de vingt ans, et je l’ai revu dans un concert en France où j’avais un stand. Il a vu que je parlais français, il est venu me causer — parce que je crois que sa grand-mère était mariée à un Français, du coup il parlait français… On a commencé à discuter, et en deux secondes on a parlé comme si on se connaissait depuis cinquante ans ! On est toujours restés en contact, je les ai fait jouer une fois, j’ai été les voir jouer plusieurs fois en Italie avec The True Endless et son autre groupe Skoll… et en fait, quand il est arrivé avec le dernier album, Blacklight Inferno, il m’a envoyé un mail et m’a dit « Astérix, on a le nouvel album qui est prêt, j’ai fait un mail groupé pour tous les labels, toi t’es un ami, je te contacte en privé. Qu’est-ce que tu peux faire pour nous ? » Je lui ai répondu « Écoute, CD et je partirais aussi volontiers sur un vinyle, et je te propose de vous faire jouer en Suisse pour la sortie de l’album. » Sa réponse, je crois que je m’en rappellerai toute ma vie… J’étais en voiture avec un pote qui conduisait, j’ai lu le mail et j’ai commencé à avoir les larmes aux yeux, puis je fais « Si jamais, c’est normal, t’en fais pas… » Il m’a répondu « Écoute, Astérix, on a discuté entre nous et on veut venir chez toi. T’es quelqu’un de vrai, t’es quelqu’un d’intègre, on veut bosser avec toi. » Puis il a dit aussi « Tu me connais, je suis un peu un vieux loubard… je voudrais bien une tape aussi. » (rires) Du coup je lui ai répondu qu’il n’y avait pas de souci, la tape, on l’a faite en co-prod avec le mec de Casern Bitch [Productions], qui est un très bon pote à moi, le CD est sorti, du coup, le soir du concert… concert auquel ils n’ont malheureusement pas participé parce que Marco a eu un cancer. Il est décédé, je crois, trois mois après le concert… Le vinyle n’est jamais sorti et il risque de ne jamais sortir, parce que le problème, c’est que le groupe est totalement tombé dans l’oubli actuellement.

Triste histoire… Même question pour les événements : lequel a été le plus gros succès, sur la réception du public et la satisfaction personnelle ?

Alors, pour tous les concerts, y a des souvenirs bien spécifiques que j’ai gardés… mais je pense qu’une des plus grandes soirées, c’est celle qu’on avait faite le 5 septembre 2020. Avec le virus, comme la quasi-totalité des labels, c’est devenu très compliqué ; en ce qui nous concerne, ça l’est toujours, d’ailleurs… On s’est dit qu’il faudrait qu’on trouve une solution, déjà, premièrement, pour refaire une soirée, revoir nos clients qui sont devenus des potes, voire de très bons amis… puis mine de rien, le nerf de la guerre, rentrer un peu d’argent. Asgard Hass, c’est une association, y a deux labels dessous maintenant : Asgard Hass, qui fait uniquement du black metal, et MTAF Records, qui est beaucoup plus ouvert. En fait, on a organisé une soirée dans un bar à dix minutes de voiture de chez moi, dans la ville d’à côté. On a ramené la totalité du stock des deux labels, du coup on a fait l’écoute intégrale de l’album de Nansis qui est sorti le jour même, de l’album de Lord Ketil qui était prévu plus tard — j’avais aucune date à donner aux gars du groupe —, et à la fin, un des membres du label qui est également DJ, DJ Durum, qui a passé la musique, et c’était vachement cool. Passer de Scooter à Revenge, c’était bien sympathique ! On a été tout amener au bar avec un des membres le jeudi […] il nous a fallu deux allers-retours en bagnole et plus de deux heures pour tout amener… et à un moment, il me regarde et il me dit « Astérix, j’espère qu’on fait pas ça pour rien. » Là je me suis quand même dit « Ouais… » Le samedi, j’avais un repas de famille. Je me suis éclipsé discrètement pour la soirée, et en arrivant devant le bar, je me suis dit « Je crois qu’on a peut-être fait une connerie. » Le bar ouvrait à 17 h, et à 17 h 30, c’était blindé. Y avait une chiée de monde : tous les gens qui sont proches de nous, beaucoup de gens de Genève, parce que Nansis en vient, y a également deux amis de Dijon qui ont bougé… c’était la folie furieuse ! Je me rappelle qu’à 18 h 30, le patron est passé dans la salle arrière où il y avait le stand que je tenais tout seul à ce moment-là : il est arrivé les larmes aux yeux, il m’a serré la main et il m’a dit « Merci, Astérix, merci pour ce que t’as fait ! » « Écoute, moi, j’ai juste organisé une soirée, j’ai rien fait de plus… » On a été agréablement surpris du succès qu’elle a eu et, financièrement, c’est le meilleur événement qu’on a eu. Même en comptant les stands sur les gros festivals de deux jours, comme par exemple le Fall of Summer, on n’a jamais rentré autant d’argent. Je me rappelle que le mec de Lord Ketil (Alkorne Al Krahan, ndlr) m’a écrit le lendemain pour me demander si ça s’était bien passé et si j’avais peut-être une date pour le CD, et je lui ai dit « Écoute, c’est bon, le CD sort dès que le pressage est fini ! On a l’argent ! ».

Organiser une soirée, ce n’est quand même pas rien faire !

Non mais là, ce n’était pas non plus énorme, y avait pas de concert, dont il n’y avait pas à gérer le back-line et tout ça… puis concrètement, on n’avait pas de risque financier non plus. Là, on était tous les membres de Suisse sur place, ça a pris deux jours pour six personnes : mine de rien, le samedi, c’était toute la journée, et le dimanche, les allers-retours, on les a faits à trois voitures. Donc imaginons que ça n’ait pas marché et que seulement dix personnes seraient venues : on aurait de toute façon passé une super soirée entre nous, mais c’est vrai qu’un des buts premiers était financier, pour sortir un peu la tête de l’eau quelque temps.

J’ai une autre question à ce sujet : à part le virus, qui a rendu les choses compliquées pour tout le monde, qu’y a-t-il de plus difficile dans la gestion d’un label ?

Satisfaire tout le monde, que ce soit les groupes, le public ou encore les gens avec qui ont travaillent… Je ne m’en rendais pas compte au début, parce que je faisais mon truc dans mon coin, je faisais ce que je devais faire. Mais c’est vrai que ces dernières années et ces derniers mois le label ayant grandi, en discutant avec les membres, je me rends compte de tout ce que ça englobe, de tout le travail qu’on a en aval pour une production ou pour un concert… Qu’est-ce qui est le plus dur, je pense, c’est de réussir à garder la tête froide et à garder la même ligne directrice aussi.

À propos des prochaines sorties du label, tout à l’heure tu as évoqué les deux productions en cours. On a parlé des dix ans qui se sont écoulés, donc on peut penser aux dix prochaines années, mais on peut peut-être commencer par ces deux-là… Pourrais-tu m’en dire un peu plus à leur sujet ?

Oui ; alors, tu parlais du virus, mais actuellement, il y a également autre chose, c’est la guerre en Ukraine… et pour la cinquantième production, on l’a prise en pleine gueule. En fait, il s’agissait d’une coproduction avec un label russe pour le groupe Unbenign, et c’est le Russe qui s’occupait du pressage. La production était censée sortir en physique le 16 avril : pas de nouvelles, rien du tout, et le 20 avril, il nous envoie un message pour nous dire qu’il s’est barré vivre en Géorgie, que toute la thune est bloquée en Russie, qu’il ne peut rien faire et qu’il n’a plus d’argent… du coup, on s’est retrouvés à devoir assumer la totalité du coût du pressage, en pensant bien évidemment que la moitié du pressage qu’on lui a envoyée de base, pour le moment, elle est perdue. Il m’a envoyé tous les fichiers, mais le problème, c’est qu’il faut tous les retravailler… donc je ne sais pas quand ça sortira. Là on est en train de tout gérer. J’espère que ça sortira rapidement… voilà, quoi, c’est compliqué ! (rires)

Et pour le numéro 51 ?

Alors là, c’est bien marrant… En fait, c’est venu d’un pote que je connaissais des débuts en bistrots, concerts, et tout. À une époque, on s’est un peu brouillés, mais c’est juste parce que j’étais un petit con, soyons honnêtes… Un coup, j’étais dans un bar à Lausanne, j’avais des flyers du label, j’ai été vers lui et je lui ai dit « Mec, je sais que tu peux pas me blairer, mais au moins pour la musique… », je lui ai filé un flyer… Il est venu vers moi en me prenant de haut, puis il me raconte l’histoire d’un petit jeune du coin et d’une connerie qu’il avait faite. Il croyait que c’était moi, je lui ai bien dit que non, en fait… et là on s’est un peu retrouvés. J’essaie de le voir assez souvent, même si ce n’est pas toujours possible. Un jour, j’étais chez lui à Lausanne, et là il me parle de son tatoueur qui a un projet black metal. Il me dit qu’il a parlé de moi au tatoueur et que ce dernier voulait savoir si j’étais intéressé pour écouter le truc […] On est entrés en contact, il m’a fait écouter son truc… c’est méga bien, mais on en était resté là. Il m’a recontacté quelque temps plus tard en me disant « Là, ça sort, et ça sort chez toi ! ». Du coup, c’est clair que c’est avec grand plaisir ! (rires) Actuellement, c’est en pressage. Ce qui est marrant, c’est que le tatoueur est originaire de France et qu’on a beaucoup de potes en commun dans ce pays. Le groupe en question, du coup, c’est Totengräber : c’est vraiment du black bien brutal ; la première vidéo est déjà sortie sur la chaîne YouTube […] On se connaissait pas du tout, mais il a tout de suite marché dans ce côté famille et humain […] La vidéo a tourné à foison, parce que de par son métier, notamment, il connaît énormément de monde et les gens ont partagé en masse. À part ça, l’artwork est démentiel. C’est un sacré bon tatoueur et ça se voit ! (rires)

Comment le label pourrait-il évoluer au cours des prochaines années ?

Il faudrait que ça reprenne comme avant. Je t’avoue qu’au niveau du site internet et des commandes, 2020, c’était la folie : les gens se sont vengés sur le site, vu qu’il n’y avait plus d’événement ; j’envoyais des paquets toutes les semaines… 2021, nous n’en parlerons pas, je pense que ce sera plus simple comme ça ! (rires) 2022, pour le moment, c’est pas la folie. Ça a repris, mais c’est pas le top. Il faudrait vraiment que ça reprenne, que les gens se rappellent qu’on est là, que nos groupes puissent aussi recommencer à tourner, mine de rien. Là, on a énormément de chance, parce qu’on a beaucoup de soutien de nos groupes. On a beaucoup de productions qui devraient sortir prochainement où en fait, ce sont les groupes qui nous soutiennent financièrement. Donc ce qui est bien, c’est qu’on va quand même pouvoir proposer une actualité… mais le souci, c’est qu’on a trois grosses productions de prévues. La compilation pour les dix ans du label, déjà, qui va malheureusement prendre du retard. À la base, on voulait la sortir en fin d’année ; ce sera 2023, mais j’ai aucune idée de la date pour l’instant… Les deux autres productions, ce sont des rééditions vinyle, mais je n’en dirai pas plus pour le moment.

As-tu un dernier message à faire passer ?

Je pense qu’il faut que les gens se rappellent, que ce soit les groupes, mais je pense aussi aux labels et aux associations, que nous ne sommes rien sans eux. Faut qu’ils aillent aux concerts, faut qu’ils achètent des CD, des vinyles, des tapes… Le nerf de la guerre reste l’argent. Vous pouvez être passionné, tout ce qu’on veut, sans argent, on peut rien faire. Je vois les derniers concerts que j’ai fait… l’affluence, elle craignait. Le problème, je pense, et ça a déjà été beaucoup le cas pour certains, c’est qu’il va y avoir encore beaucoup de labels et d’associations qui vont devoir arrêter par faute de moyens… Faut se rendre compte que les dates, ça coûte beaucoup d’argent, et si les gens n’y vont pas parce qu’ils préfèrent regarder une série de merde à la maison, s’il y en a beaucoup qui pensent comme ça, ce sera peut-être la dernière soirée de l’association en question. Je pense qu’il faut vraiment que les gens se rendent compte que si on veut tenir sur tous les niveaux, il faut vraiment qu’on s’entraide, qu’on se soutienne et qu’on se pousse tous en avant.

Merci pour cette réponse très constructive ! Merci aussi pour tes autres réponses, pour les productions du label, et merci pour les dix prochaines années !

J’espère qu’il y en aura dix, et même bien plus !