Miasmes
Vermines (EP)
Genre black metal
Pays France
Label Les Acteurs de l'Ombre Productions
Date de sortie 03/06/2022

Site Internet

Alors que les nouveaux arrivants ne cessent d’affluer et que les vétérans du genre continuent encore et toujours de prouver leur superbe, débarquer et se démarquer dans la scène black metal se révèle une tâche compliquée, et la mise en danger parfois plus coûteuse que payante. Pour cela, à l’heure où certains optent pour une approche exploitant tous les outils modernes à disposition, prendre le parti inverse, celui d’un retour aux sources du genre, semble un pari risqué. Ce pari, c’est celui que Miasmes a choisi de prendre. Formé en 2021 par les deux membres de Mhorn Karl Dallara (guitare) et le vétéran Greg « Krig » (chant et basse, ex-Ritualization entre autres), accompagnés du jeune batteur C, le groupe part à la conquête du monde, armé d’une volonté d’en découdre qui compense son peu de moyens matériels. L’audace de ce parti-pris old-school porte ses fruits, puisqu’elle lui vaut d’intégrer le rooster des Acteurs de l’Ombre Productions, label pourtant plus connu pour ses productions post-black… Ainsi, en juin de cette année, après une première prestation remarquée au LADLO Fest II, Miasmes est fier de présenter son premier EP, Vermines.

L’EP s’ouvre sur ni plus ni moins que son premier extrait, Apostasie, dont le seul titre en révèle déjà long sur l’état d’esprit qui est celui du trio ; à savoir, le rejet de toutes les doctrines et conventions d’un black metal moderne dans lequel il ne se reconnaît pas. Ceci, au travers de ce morceau, suivi de quatre autres, transpirant tous à grosses gouttes la saleté et la maladie. Guitare et basse poisseuses, batterie fougueuse, hurlements éraillés et gras viennent accomplir leur objectif, qui peut se résumer à peu de chose près par : assaillir les tympans du public de la manière la plus efficace possible. Main dans la main, Greg, Karl et C ne prennent cependant pas la nôtre pour nous (ré)apprendre la définition du black metal au sens « pur » du terme. Trouvant ses sources dans le punk et le crust, l’agressivité et la sauvagerie de ces deux genres, ainsi que leurs sonorités, se retrouvent dans chacun des relents répugnants constituant ce(s) Vermines. Le rythme est globalement rapide, battu par C avec la frénésie qui caractérise le raw black, appuyant un riffing à l’écriture simple et allant droit au but. En matière d’exemples parlants pour illustrer cette dynamique, l’on peut citer Furie, titre le plus court de l’EP aussi coléreux et agressif que l’indique son titre, ou encore Pestilence, qui ne prend même pas la peine de s’encombrer d’une intro ! Les textes, tous écrits en français de la plume saignante de Greg et que ce dernier éructe de ses cordes vocales gangrénées, ajoutent à ce purisme assumé ouvertement. À son niveau, le black metal de Miasmes représente bien un esprit punk old-school qui, il faut l’avouer, commence à manquer aux productions d’un genre en constante mutation s’étant éloigné de ses racines.

Cependant, bien loin de se reposer sur de tels acquis et de se contenter de produire une musique simplement bête et méchante, Miasmes démontre au contraire une réelle intelligence dans sa manière de construire ses morceaux, tous portés par structures tout droit sorties d’un album rock’n’roll des 60’s et que n’aurait pas reniées le King Elvis Presley en personne. À celles-ci et aux bases black metal ainsi qu’au crust-punk se combine une technicité finalement très heavy metal, à la manière d’un bon vieux Darkthrone. Le groupe se permet ainsi de ralentir le tempo par moments, par exemple sur le sus-cité morceau d’ouverture Apostasie ou l’intro de Désolation, cependant ce n’est que pour mieux nous prendre à revers par la suite à grand renfort de blasts et revirements abrupts en tous genres. De la même façon, le trio ne néglige pas non plus les mélodies, véhiculées en bonne partie par Karl et son jeu guitaristique très vif — petite mention au solo sur Apostasie ! —, mais aussi par quelques passages centrés sur la basse de Greg. Ceci notamment sur l’excellent Pestilence, dont les plus de six minutes prennent largement le temps de rassembler tous les éléments sus-mentionnés et se paient même le luxe de faire semblant de s’achever aux deux tiers. S’ensuit le morceau final, Vermine, somme toute assez classique, mais efficace par son tempo et ses riffs entêtants et achevant l’EP sur une superbe éructation du frontman…

Par ailleurs, dans un souci d’authenticité et de fidélité à cet état d’esprit old-school, Miasmes a fait un autre choix surprenant : celui de ne pas avoir recours, ou presque, à un studio d’enregistrement. Toutes les lignes ont été enregistrées dans les conditions du direct, hormis les solos de guitare et la voix, sans l’appui d’un métronome ou d’outils de retouche sonore. Une telle configuration, dépendante de multiples facteurs tant au niveau des réglages que des performances musicales, ne laisse pas droit à l’erreur et peut à ce titre légitimement laisser redouter des ratés… Fort heureusement, le son se trouve être de bonne qualité, assez pour rendre Vermines accessible aux oreilles plus ou moins averties et faire ressortir les talents individuels de trois musiciens armés de leurs seuls instruments, d’un micro, de leurs amplis et de leur détermination, tout en conservant le fameux aspect brut qui donne son cachet au raw black que Miasmes affectionne. Une production on ne peut plus artisanale résultant en un son sale sans être brouillon ; que pouvait-on rêver de mieux pour faire honneur à un tel état d’esprit ?

À ce compte, il paraît difficile de faire plus rock’n’roll, à part peut-être en faisant du rock’n’roll pur !

Avec ces divers partis pris comme atouts, Miasmes fait de son goût du risque sa plus grande force et transforme l’essai avec Vermines, prouvant ainsi que, si saleté et raucité riment phonétiquement avec facilité, elles n’en sont pas pour autant synonymes, bien loin de là. Fort de ses cinq titres solidement écrits et interprétés, portés à la fois par trois talents se mêlant pour former un tout cohérent et une production brute de décoffrage et sans artifices, cet EP s’impose comme une bourrasque de fraîcheur — à défaut d’une bouffée d’air — sur une scène black metal française déjà en bonne forme. Un peu de brutalité dans ce monde de douceur, ça ne fait pas de mal, voire ça promet pour un futur album !