Hyrgal
Hyrgal
Genre black metal
Pays France
Label Les Acteurs de l’Ombre Productions
Date de sortie 20/05/2022

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La fin d’un règne annonce le début d’un autre, dit-on. Pour Hyrgal, cela est surtout synonyme d’un retour en force. Depuis sa reformation en 2016 et la sortie de son premier album Serpentine l’année suivante, le groupe adepte d’un black metal aux ambiances terrassantes et à l’imagerie occulte n’a en réalité cessé de gagner en force, prouvant à chaque nouvelle production sa volonté d’en découdre. Ainsi, en mai 2022, fort d’un nouveau line-up formé l’année précédente, le quatuor et son label Les Acteurs de l’Ombre Productions donnent un héritier à La fin d’un règne, second album sorti en 2020. Ce troisième opus n’ayant pas de titre à proprement parler, il est alors à considérer comme un éponyme.

Que mettre dans le seul nom d’Hyrgal dès lors qu’il englobe à la fois la création et ses créateurs ? « L’homme d’aujourd’hui se meurt dans la fange et nous avons choisi d’emprunter d’autres chemins pour rejoindre le royaume des morts ; ceux de la colère, de la libération et de la vérité », déclarent à ce sujet les membres d’Hyrgal. En hommes de parole, ces derniers illustrent leurs propos dans le premier extrait promotionnel, Fureur funeste. Animés par une folie furieuse, les instruments débarquent tels un rouleau compresseur écrasant tout sur son passage, bientôt rejoints par les vocalises écorchées de Clément Flandrois, dans une combinaison dévastatrice de rudesse. Le ton est donné dans ce seul premier extrait aux allures d’hymne apocalyptique : Hyrgal, le groupe comme l’album, entraîne ses auditeurs sur des voies dont la nature dépasse la simple condition humaine, ceci sans les prendre par la main.

Cette absence de concessions, autant dans l’écriture que dans l’exécution, constitue ce qui fait la force d’Hyrgal depuis ses débuts et que ce dernier met une nouvelle fois au service d’un album dont la densité n’a d’égale que la maîtrise. En seulement trente-sept minutes, il ne se donne de toute manière pas le temps de laisser place aux compromis et le montre à la manière qui est la sienne. En plus de prendre son public de front, le quatuor aime aussi à le prendre au dépourvu ; ce qu’il ne se prive d’ailleurs pas de faire dès la Diablerie servant d’ouverture à l’album. Après une longue introduction créant l’attente, le groupe bouscule cette dernière en même temps que nos tympans à grand renfort de changements de rythme et d’ambiance, passant du rapide et agressif au lent et mélodieux, et inversement, en un tournemain. La foudre puis la nuit, deux pistes plus tard, emploie le même schéma, à ceci près qu’il profite de ses plus de sept minutes pour se permettre un long moment de flottement en son cœur auquel l’auditeur reste suspendu avant un revirement dans sa dernière minute.

L’ensemble, bien entendu, est servi par une technique impeccable de la part des quatre membres d’Hyrgal. À ce sujet, il convient d’accorder une mention honorable à la performance de Rémi Serafino et de Mathias Nagy, nouveaux venus respectivement à la batterie et à la guitare. Tous deux prennent parfaitement la relève et le font savoir, le premier à grand renfort de blasts d’une précision chirurgicale, le second de riffing et mélodies aussi acérés que des couteaux. À souligner, également, l’importance que le groupe accorde à la guitare lead. Bien souvent oubliée dans de nombreuses productions du domaine, elle se fait ici omniprésente, chacune de ses interventions sonnant comme une seconde voix complémentaire à celle du frontman et tout aussi torturée que cette dernière. Plus que des collègues, Clément et Mathias forment un véritable binôme, contant à l’unisson de toutes leurs cordes une Légende noire à la structure schizophrénique ou pleurant la mort de l’Homme dans Vermines.

Alors que la densité générale pouvait laisser craindre une chute dans des abîmes de confusion, les quatre musiciens voient leurs talents bien servis par une production à la hauteur des exigences de leur musique. À l’image de cette dernière, elle ne laisse aucune place au hasard et met tout en œuvre pour souligner toutes les nuances de l’ensemble. Sous les assauts des quatre membres d’Hyrgal, chacun des sept titres de cet éponyme prend ainsi la forme d’un coup porté droit au cœur, dans tous les sens de l’expression, et qui ne peut laisser indemne.

En vérité, au sein d’Hyrgal, rien n’est laissé au hasard lorsqu’il s’agit de mettre en musique la philosophie nihiliste qui l’anime depuis désormais maintes années. Au-delà d’apparences froides et dures se révèle le véritable cœur de l’album ; à savoir, une émotion enfouie sous la surface, si profonde et viscérale qu’elle en devient irrépressible. Entre les mains des quatre musiciens, la mélancolie revêt ses atours les plus provocateurs mais non moins charmants ; chaque note, chaque riff, chaque blast devenant un élément à son service. Cette noirceur si chère aux adeptes de la scène black metal s’exprime, entre autres, sous la forme d’un Serment de sang lent et court mais prenant tout son temps pour faire durer une torture exquise, d’un solo imprécis arraché aux cordes grinçantes des guitares, ou bien d’une outro atmosphérique venant rompre la linéarité d’un Vermines au rythme de valse infernale… ceci jusqu’au morceau final, Au gouffre, qui donne à l’album une conclusion abrupte bien méritée et à Alexis Chiambretto l’occasion de faire des merveilles à la basse.

Toutefois, une des armes les plus redoutables d’Hyrgal se trouve bel et bien dans ses textes. Écrits d’une plume de maître et remplis de sens, ils voient ce dernier sublimé par l’interprétation abrasive et organique de Clément Flandrois. Au sommet de sa forme, ce dernier se lâche comme jamais et véhicule dans chacun de ses mots la violence infernale et l’absence d’espoir chères au cœur d’Hyrgal. Au travers de son porte-parole, le groupe ne fait encore une fois pas de concession et crache sa bile noire et son venin à la face d’un public assez averti ou masochiste pour en redemander ! À raison, finalement, au vu de la durée relativement courte de l’album, qui aurait peut-être mérité davantage d’exploration…

Les voies du black metal sont sombres et semées d’embûches, et, parmi leur multiplicité, celle qu’Hyrgal continue d’arpenter est l’une des plus incertaines. Cependant, cette année, le groupe prouve pour la troisième fois la pertinence de son choix et la fidélité à l’état d’esprit qui est le sien. Anciens et nouveaux membres font une nouvelle fois montre d’une hargne n’ayant rien à envier à un Watain ou un Marduk et d’une intensité tenant la dragée haute à Mayhem ou Shade Empire, ceci au travers d’un opus dont l’absence de titre ne devient au final que plus révélatrice de la richesse de son contenu. Que mettre dans le seul nom d’Hyrgal dès lors qu’il englobe à la fois la création et ses créateurs ? À l’image de cet album impossible à nommer, les termes semblent manquer pour apporter une réponse simple, tant Hyrgal, le groupe comme l’album, offre tout et plus encore.

La fin d’un règne annonce le début d’un autre, dit-on. Pour Hyrgal, cela est surtout synonyme d’un nouveau retour en force.