Tout d’abord, je voudrais vous féliciter pour votre premier album, With the Magic of Windfyre Steel. Avant même sa sortie, il a fait parler de lui en Islande grâce au premier single, Kraven the Hunter.

Oui, on a sorti le single presque un an avant l’album. C’est en décembre 2021 environ que nous avons participé à une compétition locale pour groupes de rock et de metal, par pure coïncidence, alors que nous venions de terminer le mastering du single. Et le timing était juste parfait. On a donc décidé de s’inscrire. Et les gens l’ont beaucoup aimé. C’était donc un début fantastique.

Et tu veux dire que vous avez aussi eu du succès dans la sphère du grand public ? Ou plus spécifiquement parmi les fans de metal ?

Nous avons joué aux Music Awards, ici, en Islande, grâce à la chanson, et cela a permis de la diffuser à un public beaucoup plus large. Mais malgré tout, les principaux auditeurs sont axés sur le rock et le metal. Et c’est une chanson un peu heavy pour l’auditeur moyen de pop.

L’importance du rock dans la culture musicale paraît être vraiment plus acceptée et établie dans les pays nordiques que sous nos latitudes plus méridionales. Ici, quand on enseigne la musique aux jeunes à l’école, on ne parle que de musique classique. Par contre, il semble qu’il soit tout à fait normal, dans le Nord, d’intégrer le rock dans l’éducation musicale de base. Que penses-tu de cela ?

C’est probablement correct. Ceci dit, habituellement, on ne va peut-être pas écouter du metal, mais du soft rock. Dans les écoles, on vous présente beaucoup, beaucoup de musique, et ce qu’on vous présente dépend de la personne qui enseigne. Mais il y a un programme que vous devez suivre, dans une certaine mesure.

Et pour continuer avec encore une question générale, avant de parler de votre propre musique, quelle est la situation pour les groupes qui veulent jouer en Islande ? Je veux dire que vous n’avez pas beaucoup de villes où les groupes peuvent se produire. Si vous prenez, par exemple, un pays comme l’Allemagne, sans même parler de grandes tournées, au niveau local, un groupe très dynamique et motivé peut simplement jouer tous les samedis soir dans une ville différente. Comment cela se passe-t-il en Islande ?

Je pense qu’il faut faire une très grosse campagne de relations publiques, sur les médias sociaux, et se pousser partout. Et puis, tu pourrais probablement te débrouiller pendant quelques semaines pour faire le tour du pays. Mais ça ne durerait pas. À moins que tu ne produises des quantités folles d’albums. Mais en général, si tu ne joues que les week-ends, ça peut le faire. Sinon, ça n’a pas de sens. Surtout quand tu joues dans les petits villages où vivent quelques centaines ou milliers de personnes, et que tu es dans un genre de niche, comme le metal, tu ne vas pas avoir beaucoup de monde, donc ça ne paierait pas très bien. Donc je ne le recommanderais certainement pas pour un groupe de metal. Mais il y avait une scène musicale totalement différente ici, il y a environ 30 ans, quand il y avait ce qu’on appelait l’ère des groupes pop, qui partaient en tournée dans le pays. Et ils pouvaient vraiment en vivre décemment. Parce qu’ils étaient énormes ici, aussi populaires que des groupes étrangers. C’était une scène complètement différente à l’époque, il fallait acheter des CD’s ou des vinyles pour pouvoir écouter autre chose que la radio. Et ces groupes dominaient la radio. La scène est totalement différente de ce qu’elle était à l’époque. Et les gens ne sont plus excités à l’idée d’aller à n’importe quel concert, ils veulent peut-être aller à un concert de leur groupe favori, mais pas forcément à celui d’un petit groupe du week-end. Il y a aussi, de nos jours, tellement de divertissements, vous avez Netflix, la vidéo à la demande, YouTube… Vous avez tellement de possibilités de regarder ou écouter ce que vous voulez quand vous le voulez…

Le succès de votre premier single vous a-t-il aidé à signer votre contrat discographique ?

Non, en fait, nous venions juste de finaliser l’album qui avait été mixé, masterisé et tout. Et nous étions en quelque sorte en train de décider ce que nous voulions faire. Est-ce qu’on va juste le mettre en ligne sur Spotify ou est-ce qu’on veut essayer de signer un contrat sur un label ? On n’était pas encore parvenus à une conclusion à ce sujet. Et un ami l’a envoyé à Marcus (ndlr : Marcus Wosgien, patron d’Atomic Fire Records, ex-patron de Nuclear Blast), qui nous a demandé si on voulait s’asseoir et parler de ce qu’on voulait faire avec l’album, ce qui a abouti à ce qui se passe maintenant. On n’a jamais, je pense, eu d’attentes sur ce qui allait se passer. On ne pensait même pas qu’on décrocherait un contrat d’enregistrement. Tout a pris des proportions démesurées, par rapport à ce qu’on pensait qu’il allait se passer.

Maintenant, c’est arrivé. Alors est-ce que cela change quelque chose à vos attentes ? Et peut-être que, de l’autre côté aussi, le label a quelques attentes par rapport à vous ?

Je ne sais pas vraiment. L’accueil de l’album a été beaucoup, beaucoup plus important que ce que nous avions prévu. Nous pensions peut-être que certaines personnes seraient très excitées par l’album, ce qui n’est pas rare. Mais tu sais, arriver à la première place sur Amazone au Japon et à la 76ème place des ventes en Allemagne, c’est quelque chose que nous n’aurions jamais pensé voir arriver. C’était juste beaucoup, beaucoup, beaucoup plus énorme que ce que l’on imaginait. On ne pensait même pas que c’était possible. Et puis nous avons eu la vidéo d’animation pour Creatures of the Night. Et c’est une université australienne qui nous a contactés. Je pense qu’Atomic Fire leur a envoyé un catalogue de chansons. Ils ont trouvé ce qu’ils voulaient faire, et ils ont choisi notre chanson pour une raison quelconque. Et donc, ils ont réalisé une vidéo animée pour nous. Et nous n’avons pas eu à nous battre, parce que nous ne savions même pas ce que nous voulions faire. Donc tout ce qui arrive est un peu comme si on franchissait une étape de plus par rapport à ce qu’on pensait qu’il allait arriver. On est juste heureux de ce qui se passe.

L’intérêt que vous avez suscité par la sortie de l’album vous apportera probablement quelques opportunités de tournées. Mais il est parfois difficile de commencer une grande tournée pour un groupe débutant. Les musiciens ont un travail à plein temps, et ils doivent arrêter de travailler, ou ils doivent arrêter leurs études, pour certains, pour commencer une carrière professionnelle en tant que musiciens, sans savoir si ce sera pour le long terme ou si le succès sera de courte durée. Cela peut mener à devoir effectuer des choix de vie. Avez-vous déjà pensé à cela ?

Nous sommes tous assez sûrs que Power Paladin ne sera pas notre principale source de revenus, on a tous, ou du moins presque tous, un travail qu’on aime vraiment. Et nous avons des familles aussi, j’ai deux enfants et tous les membres du groupe, sauf un, ont des enfants. Donc on ne peut pas devenir ce grand groupe de tournée qui tourne six mois par an. Et je pense qu’au début, on va essayer de commencer modestement, voir ce qui se passe, on en a parlé à notre manager. D’autre part, comme il faut du temps pour que tout se remettre en place après le Covid, nous ne serons pas en mesure de jouer beaucoup avant, probablement, fin 2022, ou même 2023. Mais nous allons certainement utiliser ce temps juste pour jouer ici, en Islande, pour ne pas perdre la forme. Tu sais, tu peux répéter autant que tu veux, mais cela n’a rien à voir avec le fait de jouer en live. Je pense qu’on va juste tâter le terrain, en vue de plus amples tournées, essayer de faire des « tests », genre, est-ce que c’est quelque chose qu’on aime ?

Ce que je trouve remarquable à propos de l’album With the Magic of Windfyre Steel est qu’il est très catchy dans son ensemble. Avez-vous composé des dizaines de titres et gardé les meilleurs ? Ou est-ce que c’est quelque chose de plutôt facile et naturel pour vous, de sortir ces airs très accrocheurs, ces refrains mémorables, etc. ?

On a composé beaucoup, car on aime le processus de progression de l’écriture. Chez nous, c’est d’habitude Atli Guðlaugsson (chant) et Ingi Þórisson (guitare) qui apportent des idées de chansons sur lesquelles ils ont travaillé. Et généralement, ils y travaillent depuis un certain temps, parce que parfois, il faut composer quelque chose et le laisser reposer pendant trois ou quatre jours, puis le réécouter. Et là, tu te rends compte si ça a du sens ou pas. Ensuite, le groupe l’écoute, et on commence à répéter pour savoir si ça marche ou pas, et si nous aimons la jouer. Nous n’allons pas répéter une chanson que nous pensons être vraiment accrocheuse, mais qui est vraiment ennuyeuse à répéter. Et on a fait ça pour quelques titres qu’on a répétés pendant trois mois ou quelque chose comme ça. Et parfois, à un moment donné, on se dit que ça ne va pas, et on laisse tomber. C’est ce qui s’est passé avec Kraven the Hunter, il y avait une chanson qui était censée être sur l’album, et que l’on avait commencé à enregistrer. Et, à mi-chemin, on s’est dit que cette chanson n’avait aucun sens. Alors on l’a jetée et on a commencé à répéter Kraven, et on a immédiatement réalisé que cette chanson était bien meilleure que la précédente. Et tu sais, elle me convient parfaitement comme ouverture de l’album. Donc, c’était un très bon choix que de vérifier l’autre et de la remplacer.

De plus, cela apporte une valeur supplémentaire au résultat final que de travailler sans aucune pression. Vous avez apparemment bénéficié de tout le temps que vous vouliez prendre pour amener les chansons au niveau final.

Oui, nous avons réalisé tous les enregistrements nous-mêmes, à domicile. Donc nous pouvions prendre tout le temps du monde, nous n’avions pas cette pression liée au fait d’être tenus par les délais imposés par la réservation d’un studio. Dans un tel contexte, si tu n’es pas satisfait, ça craint, et tu dois vivre avec tes décisions. Donc ça nous a aidés beaucoup de pouvoir faire ça nous-mêmes, à notre rythme. Tu sais, en studio, ça devient une question d’argent quand tu commences à être indécis. Et quand tu es un groupe qui n’a pas de capital ou autre pour prolonger les sessions en studio, ça peut devenir très cher, très vite. Si bien que je suis plus que certain que nous allons enregistrer le prochain album de la même manière.

Serais-tu d’accord avec moi si je résumais votre musique, ou votre style, en disant qu’il pourrait être considéré comme le meilleur du power metal, mais avec votre propre touche ?

C’est exactement ça. Au fond, le power metal est un genre carré. Tu n’as pas beaucoup de liberté d’expression, mais en même temps, tu en as. Le power metal doit être rapide, avec beaucoup de solos et des chants aigus, etc.

Tu sais, on tire aussi nos influences de tous ces groupes de power metal, donc je ne suis pas du tout surpris quand les gens trouvent des références à différents groupes. Je serais au contraire surpris s’ils n’en trouvaient pas. Mais ces supers fans de groupes qui sont super offensés que nous ayons « volé » tel plan de guitare ou telle mélodie… Quand il existe des milliers de groupes qui jouent du power metal, il est inévitable qu’intentionnellement ou accidentellement, tu « voles » des mélodies, parce qu’il y a seulement douze notes avec lesquelles travailler. Ce n’est pas beaucoup. Prends HammerFall, Avantasia, Gamma Ray ou Halloween, qui existe depuis plus de trente-cinq ans… je ne sais même pas combien de disques du genre ont été enregistrés depuis leurs débuts, alors il faut vraiment essayer de faire quelque chose d’amusant et d’y mettre sa touche personnelle pour que ça sonne un peu différent de tout le reste.

Je vois quelques similitudes entre vous et HammerFall. Pas dans le style musical lui-même, mais quand HammerFall est arrivé dans les années 90, ils n’ont pas réinventé le heavy metal, mais ils avaient quelque chose de vraiment spécial, de frais. Et j’ai la même impression quand j’écoute votre musique…

Actuellement, beaucoup de groupes, comme Battle Beast, puis Beast in Black et tous ceux-là, essaient de s’éloigner des fondations du power metal. Ils divergent vers des styles où le synthétiseur domine, parce qu’ils essaient probablement de ne pas sonner comme tous les autres groupes de power metal. Ou ils aiment juste ça. Ça pourrait être ça, tu sais, on ne sait jamais. Mais c’est bien aussi, mec. C’est bien d’avoir de la diversité. Et j’adore ces deux groupes. Mais on voulait juste suivre la voie traditionnelle. C’est ce qu’on préfère. Alors, on ne va pas essayer de réinventer la roue. Les gens ont dit, en parlant de nous, qu’il s’agissait d’un power metal traditionnel, digne de confiance, et c’est ce que nous voulions. Nous ne sommes pas du tout offensés quand les gens disent ça.

Il est clair que la meilleure façon d’agir, pour un groupe, est de faire ce qu’il aime vraiment, sans trop réfléchir. Certaines personnes vont aimer, d’autres non. Mais quand tu écoutes la musique, tu peux, en tant que fan, en tant qu’auditeur, te rendre compte que la passion est au rendez-vous…

Quand on aime ce qu’on fait, dans n’importe quel domaine, ça se voit. Il y aura toujours ces opposants qui trouveront tout faux dans ce que vous faites. Je pense que la plupart du temps, ce sont des gens qui ne font rien eux-mêmes. Ils critiquent juste ce que font les autres. C’est assez amusant de parcourir les commentaires sur YouTube et de trouver les plus odieux d’entre eux, ceux dont les auteurs sont juste en train de chier sur ta musique. C’est vraiment amusant de les lire. Et tu sais, je ne le prends pas du tout personnellement, c’est juste drôle. Certains peuvent être dégoûtés par notre musique, mais on ne la joue pas pour eux, on le joue pour les gens qui aiment ça. Donc ouais, peu importe.