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Qui ne connaît pas Michael Romeo doit absolument se ruer sur ses albums immédiatement après la lecture de cette chronique. Une brève illustration du personnage s’impose alors. Nostalgie, nostalgie… Début 1994, le jeune guitariste américain de vingt-six ans sort son premier opus, une claque monumentale intitulée The Dark Chapter. Une prouesse de composition néoclassique à l’allure de cours magistral, difficile à appréhender, mais riche, très riche de promesses. Il fonde cette année-là Symphony X, dont il est le principal compositeur et unique guitariste, avec neuf albums studio à son actif, sortis entre 1994 et 2015. Le musicien puise ses influences chez Beethoven, Yngwie Malmsteen, Stravinsky, Dimebag Darrell, Mozart… à qui il adresse certains hommages et clins d’œil, notamment avec un très court extrait mais ô combien magnifique du Requiem de Mozart, revisité sur l’album V (2000). Au fil des ans, Michael intègre dans son inspiration les nouveaux courants musicaux, tels l’électro ou le djent, que l’on retrouve avec parcimonie sur War of the Worlds Pt I. Pour autant, la signature du Maître est reconnaissable entre toutes, à son jeu unique, mêlant démanchés démesurés, soli en sweep picking / tapping en sauts de cordes et à des rythmiques arpégées cadencées d’une grande virtuosité.
War of The Worlds Part II est l’aboutissement de ses vingt-huit années de carrière depuis sa première pierre musicale. Que dis-je une pierre, un météore !
C’est un format symphonique qui vous attend. Les fans y reconnaîtront par moments des clins d’œil à Symphony X, mais sans excès. Normal, c’est sa vie musicale après tout. Un petit air de V sur la power ballad Just Before the Dawn. Quant au son clair de la guitare et des arrangements des arpèges, de The Divine Wings of Tragedy sur la masterpiece de l’album, Mashinnemench, jolie compo punchy, aérienne, gratifiée d’un solo aérien, littéralement, c’est une signature. Le frisson de l’émotion, à la hauteur de la participation soliste de Michael sur le morceau Dawn of a Million Souls (Ayreon, Universal Migrator Pt II, d’Arjen Lucassen), le plus beau solo du monde s’il en est. C’est ce qui s’appelle voler sur le manche, formidable exécution sur rythmique basse-batterie cosmique et couillue, signée respectivement John «JD » Diservio (Black Label Society) et John Macaluso (ex-Ark, James Labrie, Yngwie Malmsteen…), duo rythmique chirurgical et charismatique sévissant également sur War of the Worlds Pt I. Le morceau frise les neuf minutes, nous gratifiant d’une redite du thème musical qui revient souvent, initié sur le Pt I, constituant la colonne vertébrale de l’œuvre complète. Car je vous le disais, l’ensemble est très symphonique, avec son intro à la Danny Elfman et les parties orchestrales présentes tout du long. Il en ressort que les deux opus peuvent s’écouter l’un à la suite de l’autre sans problème. À noter une touche plus symphonique sur le Pt II, et l’absence de récidive d’expérience électro. Dommage, c’était un beau rendu sur F*cking Robots sur le Pt I.
Une allure de bande originale de film inspirée du meilleur de Hans Zimmer ou John Williams, l’album est un voyage musical très riche où chaque pièce s’inscrit dans un ensemble cohérent. Les cordes sont largement présentes (Michael délaisse un peu la guitare pour le violoncelle, l’oud ou le saz). Pour autant, le côté djent, retrouvé par moments, notamment sur Destroyer, donne son côté agressif à l’album, tempéré sur ce même titre par le son exotique d’un oud et d’un saz (instruments à cordes du Moyen-Orient), les vocaux polyvalents de Dino Jelusik (Animal Drive, Kiko Loureiro, Liquid Tension Experiment…) sonnent droits dans l’ambiance appropriée.
Dino sera l’identité vocale de cet album, succédant à Rick Castellano sur le Pt I. Le choix parfait, tant le spectre est varié et la technique excellente. Pour vous donner une idée, il a un petit quelque chose de Jorn Lande (Ex Ark, Ex Masterplan) par moments. Il évolue dans un style majoritairement Heavy, tantôt agressif, tantôt aérien et mélodieux, c’est un plaisir à l’écoute, où la pleine coopération et la cohésion entre les musiciens se ressentent, notamment sur Just Before the Dawn, poignante. Un moment de légèreté qui enchaîne sur Hybrids, à l’introduction cosmique et sombre, accentuée ensuite par la guitare sept cordes de Michael, fait assez rare pour être souligné, étant plutôt adepte de la six cordes.
Michael s’est donné corps et âme sur ces deux albums, assumant composition, orchestration, interprétation des cordes et du synthé… Il s’en sort avec brio, donnant une dimension easy listening peu commune sur des albums d’un Guitar Heroe, qui sortent carrément de ce cadre et deviennent abordables à tout amateur de Heavy Metal symphonique bien charpenté. Vous reconnaîtrez sans nul doute une petite reprise d’un thème qui a beaucoup tourné sur nos écrans ces dernières années, avant l’envol d’un solo stratosphérique, sur l’outro, Brave New World (Nan, pas celui de Maiden). Les références musicales sont nombreuses et plaisantes, à la hauteur de cet hommage à l’œuvre littéraire de H.G Wells. Merci pour le bijou, Michael !