Bonsoir monsieur Kallio, et merci de répondre à nos questions sur Halo ! Première question : comment décririez-vous ce nouvel album aux fans ?

Et bien, c’est un « gros » album, avec pas mal de titres bien individualisés… donc pas mal de choix ! Je dirais qu’il sonne plus « heavy » que ce qu’on a pu faire depuis Circle, et niveau production, c’est très dépouillé par rapport à Queen of Time. Il y a beaucoup de dynamiques et beaucoup de super morceaux !

Je viens de découvrir l’album, et le moins que je puisse en dire, c’est qu’il est effectivement très « heavy » et très direct… surprenant et impressionnant ! D’où vient donc cet aspect si sombre et sérieux ? D’un état d’esprit particulier ?

Et bien, oui, comme toujours. Dans le nord, le heavy metal est toujours bienvenu, mais je crois que ça vient avant tout de ce qui s’est produit avec Queen of Time. C’était un album « massif » avec une emphase sur l’atmosphérique… on a songé à réitérer ; on s’est tous dit qu’on voulait faire un autre album comme Queen of Time parce qu’il avait connu un beau succès. Mais ça n’avait pas de sens de copier ce qui avait déjà été fait, donc on a essayé, moi notamment, de trouver de nouvelles dimensions pour la musique d’Amorphis. J’ai été assez surpris quand j’ai entendu les morceaux d’Esa [Holopainen] et celles des autres, qui mettent beaucoup en avant les riffs de guitare… Les riffs de guitare ont fait leur grand retour chez Amorphis, dirais-je, tout comme les morceaux au tempo rapide. De base, il n’y avait pas vraiment de grand plan pour sortir quelque chose comme ça, c’était plutôt des petites idées pour sortir Queen of Time partie II, tu vois… Autrement dit, c’est en quelque sorte presque purement une question de chance si l’album sort tel qu’il est. On avait un peu plus de trente morceaux issus de nos home studios avant de tout envoyer à Jens [Borgen], finalement il en reste onze, donc ça aurait pu sonner totalement différent, mais… (rires) Jens a sélectionné tous ces morceaux, parce qu’ils passaient tous bien en tant que singles […] Pour autant, l’ensemble sonne bien, c’est frais, heavy, et c’est du tempo rapide… ça ne sonne pas trop « mélo », si tu vois ce que je veux dire !

C’est un album sombre et dramatique, mais aussi très contrasté, avec beaucoup de passages calmes et mélancoliques… En fait, je le trouve aussi chargé d’espoir, rien que dans son titre, Halo !

Oui, j’ai aussi songé que dans toute cette mélancolie heavy metal, il y a toujours un côté positif… Le dernier titre, My Name Is Night, il donne de l’espoir. Je dirais que l’aspect mélancolique et heavy s’allège dans ce dernier titre…

Halo marque la seconde collaboration entre Amorphis et Francesco Ferrini de Fleshgod Apocalypse aux orchestrations. Comment cette collaboration a-t-elle pris ses racines ? Amorphis prendrait-il un tournant symphonique ?

L’idée vient de Jens : il connaît Ferrini depuis longtemps et il travaille avec lui sur beaucoup de projets. Il a exprimé l’envie d’enflammer un peu plus la musique en y intégrant des éléments orchestraux pendant la production d’Under the Red Cloud. Cependant, comme on ne cherche pas une sonorité vraiment symphonique, on a donné quelques instructions à Jens pour qu’il fasse attention à ne pas en inclure trop, parce que ce n’est pas vraiment notre tasse de thé, du moins à ce moment-là. Ça pourrait changer dans le futur, mais il y a déjà tellement d’éléments mélodiques dans la musique d’Amorphis, comme les guitares d’Esa ou mes claviers, et aussi le chant clair de Tomi [Joutsen]… donc l’aspect symphonique additionnel doit être intégré avec attention. Je trouve que tout cela s’équilibre bien… Vois-tu, Halo est plutôt dépouillé, il y avait plus d’éléments symphoniques dans Queen of Time !

Dans Halo, il y a aussi des chœurs qui donnent un aspect assez religieux…

(rires) Oui, je vois de quoi tu parles ! Jens a un goût prononcé pour les chœurs, il aime bien en inclure de temps à autre […] Il y en a sur certains morceaux. J’aime bien les chœurs… Ils chantent en latin, mais je ne sais pas vraiment ce qu’ils disent ! J’ai essayé d’entrer une des phrases sur Google, mais… (rires) En fait, même Jens n’était pas sûr de savoir et il a vérifié que tout était correct.

Halo marque aussi la fin d’une trilogie qui a démarré avec Under the Red Cloud et qui s’est poursuivie avec Queen of Time. Quels éléments connectent ces trois albums entre eux ?

Je ne sais pas d’où est venue l’idée d’une trilogie ; probablement du fait que Jens produisait les trois albums. Il y a aussi notre parolier attitré, Pekka [Kainulainen], et le créateur de l’artwork, Valnoir, qui vient de France […] Ce qui compte aussi, c’est le contenu des textes : ils ne sont pas interconnectés, mais ils sont conçus de façon similaire et ils racontent des histoires… Pour être honnête, je ne sais pas tellement pourquoi on appelle ça une trilogie ! (rires) […] Finalement, ce qui connecte ces trois albums, c’est le fait qu’ils ont été réalisés par la même équipe : producteur, graphiste et parolier. Je crois qu’on n’a jamais vraiment procédé de cette façon… sauf peut-être avec Eclipse, Silent Waters et Skyforger ; c’était assez similaire… En tout cas, c’est ça la trilogie : ce sont les mêmes personnes !

Certains titres incluent aussi, comme cela est souvent le cas chez Amorphis, des voix féminines. Qui donc se cache derrière ces voix ?

Sur My Name Is Night, il s’agit de Petronella Nettermalm, une chanteuse suédoise qui vient du groupe Paatos. Elle est Suédoise, mais Paatos est en fait un groupe finlandais. Je ne sais pas comment se traduit ce nom ; par « dépression », ou quelque chose de ce genre… en tout cas, c’est en rapport avec la mélancolie (ndlr : « päätös » se traduit par « décision »). Sur le titre éponyme, Halo, il y a aussi une autre chanteuse, Noa Gruman, qui vient d’Israël et qui chantait aussi sur Queen of Time, dans la chanson The Bee, et elle a aussi participé aux chœurs.

Esa Holopainen et vous-même êtes les principaux compositeurs du groupe. Comment décririez-vous votre approche personnelle de l’écriture musicale, en tant que claviériste et membre de longue date d’Amorphis ?

(rires) Il n’y a pas d’astuces magiques ! Ce qu’il faut, c’est essayer de trouver de nouvelles dimensions tout en se rappelant des règles à suivre ; c’est un genre de paradoxe. Parce que si tu conçois un morceau trop « spécial », il ne sera pas retenu pour l’album, étant donné qu’Amorphis a un style spécifique. Nous sommes plutôt ouverts, mais tu sais, ça doit quand même correspondre à la musique […] Je ne sais pas comment ça se calibre, mais ce que j’essaie, c’est l’approche de la quantité avant la qualité. Autrement dit, je vais créer énormément de matière, et je vais ensuite en abandonner une bonne partie dont je me dis « non, ce n’est pas Amorphis », au tout début du processus. Je réduis jusqu’à ce que ça finisse par rentrer dans la « forme Amorphis » — personne ne sait vraiment la définir, mais elle existe… Par la suite, quand je finis de les travailler dans mon home studio, j’en viens parfois à me dire que c’est impossible que ces morceaux finissent chez Amorphis ; certains peuvent être gardés de côté pour un autre projet, mais la plupart du temps, je laisse tomber. C’est dur, parce que je n’envoie pas tout ce que je compose aux gars d’Amorphis, étant donné que peut-être 60 % de l’ensemble au moins est abandonné en cours de route ! (rires)

Combien de morceaux avez-vous composé pour Halo ? Et les autres musiciens ?

Euh, laisse-moi voir… quatre ! Oui, j’ai composé quatre morceaux. C’est Tomi Koivusaari qui a composé le dernier morceau, et le reste, c’est Esa. Le bassiste, Olli-Pekka Laine, a aussi composé deux titres, qui sont les bonus de certaines éditions spéciales.

Les deux premiers extraits promotionnels sont The Moon, puis On the Dark Waters. Qu’est-ce qui a mené au choix de ces deux titres ?

Je n’en ai pas une idée exacte. Je sais que le patron du label a appelé notre manager et lui a dit « L’album est super ! Le premier single, c’est The Moon ! », et puis biiip, biiip, biiip, biiiip… (rires) Par contre, je ne sais pas comment On the Dark Waters a été sélectionné. Peut-être pour son texte… personne ne le sait vraiment, à part la tête du label et le manager. Du côté du groupe, on se dit « Ok, on suit le plan ! » puisque vois-tu, si tu commences à mettre sur la table trop d’opinions et d’idées contradictoires, ça finit en chamailleries constantes ! (rires) Mais il se pourrait qu’il y ait d’autres singles, si, espérons-le, on part en tournée sur deux ans, comme on le fait habituellement… ça pourrait bien se faire.

Quels titres préférez-vous personnellement sur Halo, et pourquoi ?

Oh mon Dieu ! Et bien, The Moon est vraiment cool. J’aime son aspect progressif, et aussi le fait que c’est un long morceau. J’adore toujours les longs morceaux, quand ils tiennent en haleine jusqu’à la fin parce qu’il se passe plein de choses… Windmane est aussi un de mes morceaux préférés, pour les lignes vocales de Tomi Joutsen et les super interactions avec Esa dans les solos. C’est un des quelques solos de clavier présents dans l’album ; voire un des quelques solos tout court ! Le type de vocalise est putain de génial… J’aime aussi Seven Roads Comme Together : il est plutôt classique dans l’esprit, mais a un côté massif, avec beaucoup d’éléments qui se marient… En fait, j’aime tous les morceaux. Ça peut paraître éculé de dire ça, mais c’est sincère… J’aime aussi le dernier titre, parce que c’est une chanson acoustique et que c’est quelque chose qu’on n’a jamais fait — du moins pendant la période moderne du groupe — , et quand Petronella, la chanteuse, commence à chanter le duetto avec Tomi, ça donne des frissons — et il y a aussi l’orgue d’église, magnifique !

Parlons concerts, à présent ! Au vu des restrictions, quand peut-on espérer un retour sur scène pour Amorphis ?

Et bien, on a deux concerts prévus en Russie début mars ; je ne suis pas sûr qu’ils soient maintenus, mais ils sont programmés, donc c’est là qu’on va en premier. Ensuite on a toute une tournée en Amérique de la mi-avril à la mi-mai. C’est sûr, on va aux États-Unis, absolument, à moins de jouer de super malchance, ce qui, je pense, n’arrivera pas, puisque les Américains ont affirmé qu’ils ne souhaitaient pas fermer leurs frontières parce que ce n’est pas bon pour les affaires. D’autres groupes vont s’y rendre aussi. Par contre, en Europe… j’espère sincèrement que les festivals d’été auront lieu, parce que ça fait déjà deux étés fichus à la poubelle. J’espère vraiment que l’été prochain sera le bon, parce qu’on a plein de festivals en Europe et c’est chouette !

2022 est aussi une année un peu spéciale pour Amorphis, puisque son tout premier album est sorti il y a trente ans ! Avez-vous prévu quelque chose pour fêter cet anniversaire, comme une ressortie ou de jouer certains morceaux sur scène ?

(rires) Quand le pandémonium Covid a démarré, on avait une centaine de dates programmées pour fêter le trentième anniversaire de la formation d’Amorphis, tout comme une tournée américaine pour jouer Tales from the Thousand Lakes […] ça a été annulé à cause du corona. Du coup, je ne crois plus qu’on fera la tournée du trentième anniversaire ; pas avec la sortie de Halo… Nos trente ans ont été annulés, donc on devra fêter les trente-cinq ! (rires) Je ne crois pas non plus qu’on puisse intégrer The Karelian Isthmus à la tournée Halo, parce qu’on a déjà tellement de morceaux à jouer… mais un jour, qui sait !

Merci beaucoup pour vos réponses, et encore une fois, Halo est un album magnifique ! Quelques derniers mots pour les fans européens et les lecteurs ?

Bien sûr ! Espérons qu’on pourra se retrouver l’été prochain, et en attendant, vous pouvez jeter une oreille à Halo. Cet album, c’est Amorphis en meilleure forme que jamais, et une vraie surprise, avec des choses qu’on n’a jamais faites par le passé… allez donc voir par vous-mêmes ! (rires)