Bien le bonsoir, Chris, et merci de répondre à cette interview autour du projet At the Movies ! Beaucoup de lecteurs ne connaissent pas très bien l’histoire de ce projet, pourriez-vous donc nous la rappeler ?

Absolument ! En fait, l’idée générale est apparue pendant le confinement… évidemment, je m’ennuyais à mourir et je savais que personne ne partait en tournée. J’ai donc appelé un de mes amis — c’était Allan [Sørensen], le batteur, qui a exercé dans Pretty Maids et Royal Hunt — pour lui parler de mon idée. Ensuite on l’a envoyée à Björn « Speed » Strid, et il a dit « Putain, ouais, on se lance ! ». Puis j’ai contacté d’autres amis, Pontus Egberg de King Diamond et Pontus Norgren de Hammerfall… Tout le monde était en mode « Ouais, allons-y, jouons des chansons de films ! » ! Au départ, on n’avait sérieusement prévu de n’en sortir qu’une seule, mais… (rires) c’était tellement marrant qu’on en a fait une autre, et on s’est dit « Allez, on en fait une troisième ! »… et aujourd’hui on en est à vingt-quatre !

Par curiosité, quelle était cette fameuse première chanson qui était supposée être la seule ?

Et bien, cette fameuse première chanson par laquelle tout a commencé s’appelle PoP! Goes My Heart. J’étais en train de regarder ce film vraiment cliché dans lequel joue Hugh Grant aux côtés de… je ne me souviens plus de son nom… (ndlr : Chris Laney évoque ici le film Le Come-Back avec Hugh Grant et Drew Barrymore) Il joue un personnage de chanteur de pop dépassé, tu vois le genre, avec son groupe ils ont sorti un seul tube, et ce tube c’est PoP! Goes My Heart ! (rires) Cette chanson, je la trouve toujours géniale ; j’en ai donc fait une démo et c’est ça que j’ai envoyé aux autres. Par contre, on ne l’a jamais reprise tous ensemble ; la première, c’est No Easy Way Out, qui vient des films Rocky.

Comment vos amis et vous-même avez-vous sélectionné les reprises du volume 1 et celles du volume 2 ?

Ça s’est vraiment fait vite, parce que, pour te donner une idée de la chronologie et du temps qu’on avait, on a eu l’idée de sortir quelque chose tous les jeudis soir à 19 heures. Donc on sort une première chanson, des rêves plein la tête comme toi et moi en avons en ce moment-même… (rires) ensuite je me demande « ok, quelle est la prochaine chanson ? », je commence un brainstorming, puis le vendredi, je fais une démo, je l’envoie aux gars en leur demandant « qu’est-ce que vous en pensez ? ». S’ils ont aimé, je retire les batteries programmées et Allan joue la partie de batterie, puis il faut mixer cette batterie, ensuite retirer la basse, envoyer à Egberg, etc. Tout ça avec une deadline fixée au mardi. Parce que vois-tu, il fallait aussi qu’on fasse une vidéo le mercredi pour la poster le jeudi ! Puis le vendredi arrivait à nouveau et hop ! Nouvelle chanson ! (rires) Autrement dit, ce ne serait jamais arrivé s’il n’y avait pas eu ce confinement, parce qu’en temps normal, tout le monde est occupé.

Les chansons viennent-elles de films que vous aimez particulièrement ?

Oui, pour certaines. Piocher dans les 80’s a été très facile pour nous tous qui avons grandi dans cette période et la connaissons de l’intérieur. Le problème avec les 90’s, je crois, c’est qu’il n’y avait pas de bande originale… Ce que je veux dire par là, c’est que je crois bien que la dernière bande originale que j’ai écoutée sur un album était celle de Pretty Woman… en 1991, ou quelque chose comme ça ! Après, j’adore les bandes originales de films des 90’s comme Pulp Fiction, mais vois-tu, elles ont tendance à remonter dans les années 50 et 60… et si tu cherches ce qu’il y a de nouveau, c’est le grunge. Et je suis totalement pas dans le grunge ! (rires)

À propos de préférences dans les choix musicaux, vous avez choisi de revisiter des chansons très axées pop et disco plutôt que rock. Pourquoi ?

Ce serait facile pour nous de reprendre même les chansons pop façon metal, tagada tagada tadaga (il mime une batterie)… Nous avons pris nos décisions selon une volonté de rester fidèles aux chansons de base et de voir ce que ça donnerait en les jouant. Et quand on en arrive à décider, on se dit quelque chose comme… « pourquoi on devrait jouer Eye of the Tiger ; c’est déjà une chanson rock ! ». Pareil pour Danger Zone, par exemple ; je veux dire, c’est toujours une chanson rock, même si elle est un peu datée niveau production. Par contre, c’est vachement plus cool de prendre une chanson comme Neverending Story, tu vois le genre, et voir ce que ça donne si on la reprend exactement telle qu’elle est sans rien réarranger… sauf bien sûr le saxophone qu’on remplace par de la guitare, et c’est la seule différence. Pour résumer, je dirais que refaire les chansons rock, d’une part, ce n’est pas une chose juste, d’autre part, c’est moins marrant ! (rires)

Quelles chansons ont été les plus faciles à reprendre ?

Et bien, il y en a quelques-unes ! (rires) I’ve Been Thinking About You en fait partie… mais en vrai, tout s’est déroulé comme sur des roulettes et on a eu de la chance ! En fait, il n’y a qu’une seule chanson qu’on a enregistrée et qui n’a pas été retenue, parce que ça ne fonctionnait tout simplement pas. Autrement, ce que je ressens, c’est que tout s’est fait très naturellement.

À l’inverse, lesquelles ont représenté un challenge ?

Euh… si je devais en citer une, ce serait le bonus qu’on a fait pour le volume 1 ; j’avais son titre en tête, mais j’ai un trou de mémoire… c’est Frankie Stallone, le frère de Sylvester, qui l’interprète… voilà, c’est Far from Over ! Parce que cette chanson n’était pas du tout célèbre ici en Europe alors qu’elle était dans le top 10 aux États-Unis… Björn et moi adorons tout simplement cette chanson. Elle montre aussi la scission à l’intérieur du groupe sur ce qu’on ne peut effectivement pas jouer ; tu vois, on ne se contente pas de… (chant) « ooouuuhhhh, heaven sooo » ! (rires) C’était un putain de challenge de mener cela à terme, parce que l’originale est tellement géniale et qu’on voulait se rapprocher au plus près de ce niveau. Et je crois qu’on y est parvenus…

Vos collègues et vous-même avez-vous vos préférences pour certains titres ?

Oui, on a tous des préférences différentes… ou alors, je dirais que je les adore tous, c’est pour ça qu’on les a faits ! (rires) Mais pour en citer certains qui ont une place spéciale, il y a No Easy Way Out, bien sûr, puisque c’est le premier qu’on a fait. On a aussi adoré quand Ronnie Atkins nous a fait l’honneur de sa première performance vocale après sa lutte contre le cancer sur We Don’t Need Another Hero… Et en ce qui concerne le volume 2, Björn et moi-même étions le plus à fond pour jouer Crush, parce qu’on est fans de cette chanson. En plus, personne d’autre ne la connaissait à part nous deux, on était là à dire « oh, t’as un nouveau crush ! » (rires)

Ronnie Atkins est votre invité sur We Don’t Need Another Hero, mais avec qui d’autre rêveriez-vous de faire une collaboration spéciale ?

Joan Jett, ou bien King Wylde. Mais je dirais surtout Joan Jett, parce qu’elle compte parmi les figures de proue féminines dans l’industrie du rock et qu’elle y exerce depuis tellement d’années… ce serait putain de génial de l’inviter ! Elle n’est même pas obligée de chanter si elle ne veut pas ; j’adorerais avoir simplement un moment où elle dirait « Hey ! Voici At the Movies ! » ! Parce que c’est une archonte dans ce qu’elle représente ; pour moi, c’est très hardi, et à l’heure actuelle, dans l’industrie du rock du monde entier, on n’a qu’un besoin, c’est de prendre position. Étant donné qu’on vient tous de groupes différents, c’est une chance, et on a aussi la chance d’avoir Linnéa [Vikstrom Egg] parmi nous, qui est la maman très cool de deux petits enfants… Je l’ai plus ou moins adoptée ! (rires) J’ai eu sa petite fille de deux ans chez moi : elle a dormi ici, dans mon studio, la nuit de samedi à dimanche, parce que sa mère avait un concert à assurer… Vois-tu, il faut être solidaire avec les femmes qui veulent s’imposer dans l’industrie du rock ; il faut les soutenir. Du coup, avoir Joan Jett en invitée spéciale, même si je ne veux pas mêler de politique à tout ça, ce serait une putain de chance incroyable ! (rires)

À propos de féminité dans le rock, j’ai souligné dans ma chronique que le volume 1 est plutôt orienté vers le masculin, avec pas mal de chansons extraites de films d’action, et Linnéa n’y a pas beaucoup d’espace d’expression. En revanche, le volume 2 met en avant la voix féminine, avec beaucoup de chansons extraites de comédies romantiques… Cela vient-il d’une volonté de mettre Linnéa au cœur de ce volume 2 ?

Pour le coup, ce n’est pas difficile de répondre : elle est la dernière arrivée dans le groupe, à la deuxième chanson, et à ce moment-là on en avait déjà planifié quelques-unes. Puis il s’est produit quelque chose entre Björn et elle, avec leurs voix qui vont super bien ensemble… Tu vois, c’est comme ABBA : ça marche du premier coup et c’est juste trop beau ! Et vu que ce sont tous les deux des chanteurs très talentueux, on leur a laissé libre cours ; l’un chantait quelque chose et l’autre répondait… D’ailleurs, j’ai eu la même réaction que toi, à savoir que le volume 1 est plutôt celui de Björn, du coup je me suis dit « ok, il y aura plus de Linnéa sur le volume 2, c’est elle qui mènera la période des 90’s ». C’est aussi en rapport avec son âge : elle est née en 1992 et ces chansons sont celles avec lesquelles elle a grandi… C’est vraiment une femme géniale : elle s’attaque à ces morceaux avec tellement de puissance… Je veux dire, il y avait une poignée de débiles qui ont commenté les vidéos en se plaignant qu’elle avait grossi… elle était enceinte, bon Dieu ! Sur les fichiers vidéo qu’elle m’a envoyés d’elle en train de chanter devant son micro, entre deux prises, je pouvais l’entendre dire « oh, viens par ici, ma puce » ou son chien en train d’aboyer… y avait du monde à la maison ! (rires) Mais c’est là qu’elle s’est montrée vraiment à fond, super professionnelle… je tombe à court de superlatifs pour la qualifier ! En vérité, elle a mené le groupe à un autre niveau, et ensemble, ces deux-là valent mieux qu’un, si tu me demandes ! (rires)

En effet, Linnéa et Björn forment un beau duo de voix, surtout sur les duos romantiques…

Je suis un fou de comédies romantiques ! Je suis sérieusement incapable de regarder des films d’horreur depuis que j’en ai vu un qui m’a foutu les pétoches quand j’avais dix ans… depuis, je ne peux pas recommencer. En revanche, j’adore les films qui se terminent par une fin heureuse ! (rires) Je sais, c’est pas très metal, mais c’est qui je suis…

Le volume 1 est sorti l’année dernière et le volume 2 récemment. Avec le recul, feriez-vous les choses différemment, par exemple au niveau d’une chanson ou d’un arrangement ?

Je suis déjà en train de bosser sur le volume 3… et je peux pas vraiment entrer dans le détail sur ce que je fais, parce que par exemple, on pourrait s’attaquer au meilleur de The Smiths ; je veux dire, ça pourrait être génial ! On pourrait aussi choisir le meilleur des 70’s, ou d’autres décennies… ou encore le meilleur des films d’action, des comédies romantiques, etc… Mais j’ai une idée, et à l’heure actuelle, le seul objectif, c’est de dénicher le meilleur du meilleur et c’est dans cette veine qu’on va. On est tous surexcités ! Pas plus tard qu’hier, j’ai invité Björn et Linnéa pour leur faire écouter deux morceaux, et ils ont tous les deux réagi en mode « Putain, ouais, c’est génial, faut qu’on le fasse ! » (rires)

À quand la sortie de ce volume 3 ? En avez-vous une idée ?

Je ne peux pas encore répondre à cette question. Vois-tu, on a déjà produit deux albums en l’espace d’une année et ils sont sortis le même jour… Ce n’est pas quelque chose que beaucoup font ; tout dépend du temps dont les gens disposent… Actuellement, on redoute tous un peu de savoir si on peut ou non partir en tournée ; par exemple Hammerfall, (groupe de Pontus Norgren, ndlr) qui devrait normalement jouer aux États-Unis. Du coup, si ça ne se fait pas, le prochain volume arrivera plus vite que prévu. Par contre, si tout se passe comme prévu, qu’ils sortent leur album — ils ont quand même été dans un sacré pétrin pendant un moment ! (rires) —, les plans restent les mêmes.

Quelles sont les principales différences d’expérience entre enregistrer en studio et enregistrer chez soi ?

Y a une sacrée différence ! Surtout parce que ça implique de compter sur les autres gens impliqués… Ce que je veux dire, c’est que j’ai la casquette de producteur depuis le début ; je connais le travail en studio, avec les boutons de volume, les lumières, l’enregistrement… et quand je produis un album, je souhaite être dans la salle de répétition, tu vois, histoire de m’assurer que tout le monde va bien et joue bien ce que j’entends. Mais dans le cas d’At the Movies, j’ai simplement fait confiance aux collègues. Je fais d’abord une démo qui est, comment peut-on le dire… qui représente grosso modo comment on va faire. Ensuite, chacun fait son business, donc… Facile, oui, ça l’était, parce qu’on n’avait pas le temps ! Une semaine entre chaque titre… ! (rires) J’avais environ quatre heures pour le mixage, c’était un truc de dingue ! (Rires) Comprends bien, quand tu fais un disque, tu passes des années à écrire de la musique et à répéter, ensuite tu crées des démos, tu passes en studio, puis y a le mixage, etc. Ça fait une grosse différence, c’est sûr, mais c’est aussi super marrant, parce que tu sais que… (il mime un pistolet sur la tempe) « tout le premier jour, ou rien ! » (rires) […] Bien sûr, en réécoutant, je me rends parfois compte qu’il y a une couille dans le potage et je me dis « oh merde, comment on fait ? », mais ça fait aussi partie du charme… On s’est éclatés, et je crois que c’est ce que les gens entendent et voient.

At the Movies étant à la fois un « supergroupe » et un projet parallèle pour chacun des membres, pourriez-vous envisager de vous produire en live, en streaming sur internet ou sur scène ?

Ce dont je suis sûr, c’est que je ne ferai jamais de live en streaming. On ne partirait jamais en tournée non plus (rires), mais on adorerait jouer dans des festivals, parce que je pense qu’At the Movies est vraiment un groupe fait pour ça. On pourrait passer après Accept, ou bon sang de Venom, ou plein d’autres groupes, et jouer ces morceaux qui sont, entre guillemets, inadaptés pour un festival de metal… mais que tout le monde connaît ! Du coup, je crois que ça pourrait devenir une super clôture de festival, ou une ouverture ; imagine, à 14 heures, alors que le soleil brille et que tout le monde profite d’un verre de bière ou d’autre chose, les gens qui se mettraient à chanter en chœur sur ces tubes… c’est ça qu’on a envie de faire ! D’ailleurs, on a déjà reçu quelques propositions pour des festivals. C’est compliqué avec les tournées, puisqu’on est tous dans des groupes différents, du coup, ce qui serait le plus facile pour nous, ce serait de prendre l’avion en plein milieu et de jouer au festival. Je pense que ce serait un concert très fun, tu crois pas ? Je veux dire, après quelques verres, plus personne n’a peur de chanter Last Christmas ! (rires)

La question la plus importante, que j’ai gardée pour la fin : que souhaitez-vous offrir au public au travers du projet At the Movies ?

Un bon moment ! Je veux dire, il se passe tellement de choses en ce moment qui ne sont pas drôles du tout. C’est ce qui est au cœur de nos discussions ; je veux dire, nous sommes un groupe, pas seulement un projet, on a signé un contrat avec le label tous ensemble. On fait tout ensemble, et le jour où on ne s’amuse plus, c’est là qu’on arrêtera. Je dirais que ce qu’il y a de plus important pour moi, c’est quand on reçoit un email comme on en a déjà reçu beaucoup, qui dit « Merci d’avoir été là quand rien n’allait et qu’on s’ennuyait, on a bien rigolé en redécouvrant ces chansons. On les trouvait stupides, mais maintenant on les adore ! », et plein de choses comme ça. Pour nous, tout n’est qu’une question de fun, c’est aussi simple que ça, et ce qu’on veut, c’est faire ressortir ce fun sur scène ! Quand tu es dans un groupe, tu dois penser à tes fans, à ton audience, peser le pour et le contre sur ce que tu vas faire ou ne pas faire… mais chez At the Movies, on se dit qu’on peut faire tout ce qui nous chante ! (rires) C’est le message que je veux faire passer, et j’espère sincèrement que les gens vont se dire « allez, allons nous éclater et passer un chouette moment ! » […] Je dirais que c’est une bouffée d’air frais dans un océan de diarrhée ! (rires)

On arrive à la fin, et tout d’abord, un grand merci pour votre sympathie et votre humour ! Quelques derniers mots et salutations pour vos fans et nos lecteurs ?

La chose qu’il me tient le plus à cœur de dire, c’est que j’espère très fort qu’on pourra de nouveau jouer, en festival ou ailleurs ; par exemple, si vous connaissez une plage, dites-le-moi, je rapplique direct ! (rires) Non, on n’est pas désespérés. On va s’éclater, et avec un peu de chance, on va balayer tout ce merdier. Prenez bien soin de vous, et merci !

Merci beaucoup, et j’espère bientôt vous voir en festival avec At the Movies. Croisons les doigts pour cela !

Moi, je croise les orteils ! (rires)