En ce samedi 13 novembre 2021, la petite ville de Culoz dans l’Ain accueille la toute première édition d’un nouveau venu dans le paysage des festivals de Metal français : le bien nommé New Blood Fest, porté par l’association Metal in Veins. Arrivant avec une confortable avance à la salle Le Phaéton, lieu du fest, j’observe avec bonheur une organisation déjà au taquet pour accueillir les spectateurs dans les meilleures conditions ! Après un moment à faire le tour des stands de merchandising et de restauration, j’entre pour attendre le début des hostilités. Une maladie hivernale m’ayant privé de la présence de mon collègue Julien Marguet, et n’étant pas photographe moi-même, j’illustrerai ce live report par des extraits vidéo.

De bon matin, certains prennent déjà leur première bière de la journée. Quoi de plus approprié, alors, que de démarrer le running order par le bien nommé Critical Pint ? Le quatuor savoyard se voit confier la mission délicate s’il en est de « chauffer » une salle encore trop peu remplie pour sa capacité et d’ouvrir les oreilles des badauds déjà présents grâce à son « loud-rock ». Une appellation propre au groupe depuis sa formation en 2017 ; mais que signifie-t-elle exactement ? La réponse ne tarde pas à nous parvenir : Critical Pint joue un bon gros hard-rock bien solide teinté d’un rien de blues, d’un rien de Stoner et d’un rien de Grunge, le tout fleurant bon le houblon millésime 70’s. La basse de Thibaut Mazuir, notamment, ajoute une saveur ronde et délicate à l’ensemble. Tout au long des 40 minutes de set, le groupe partage un bel enthousiasme, rejoint en cela par les spectateurs qui lui réservent des applaudissements chaleureux. Challenge relevé !

Un autre groupe au nom « alcoolisé » suit. Le nom de Red Gordon provient en effet de la bière Gordon Red, une rouge écossaise ! Le quatuor originaire de Clermont-Ferrand — tout comme Adrien Déquesnes (https://www.facebook.com/ADLiveTwitch), vice-président de Metal in Veins — joue un Néo-Metal teinté d’influences Death, hardcore et groove. Leur show se veut à l’image de cette musique : brut, sombre et sans concessions. Cependant, la sauce a du mal à prendre pour moi, le style tournant vite en rond à mon goût. Je ne peux néanmoins pas retirer au groupe la précision chirurgicale dont il fait montre dans l’exécution, et surtout pas l’énergie et la puissance vocale du frontman Tao. Le visage à moitié dissimulé par un masque, ce dernier crie et s’agite tel un possédé et harangue les spectateurs — malheureusement encore trop peu nombreux pour répondre aux sollicitations de pogo, mais montrant tout de même leur appréciation.

Aux environs de 13 h vient le temps pour l’alcoolisation décomplexée de laisser place à l’élégante noirceur picturale de Nature Morte. À première vue, pas forcément le genre de groupe que l’on imaginerait programmé si tôt ; celui-ci apporte néanmoins un moment de recueillement bienvenu après un début de New Blood Fest assez bourrin. Bougies au sol, lumière bleue, son planant ; tout est réuni pour créer une ambiance calfeutrée. Le bassiste et chanteur Chris Richard et le guitariste Stevan Vasiljević jouent face à face, donnant l’impression de dialoguer par leur jeu et leurs regards. Je ne tarde pas à me laisser transporter par leur post-black Metal lancinant, pétri d’une mélancolie à la fois douce et brute, et d’une solennité qui prend aux tripes. Une solennité à laquelle les spectateurs font honneur en restant de marbre, non par ennui, mais bien par respect. Nature Morte constitue sans nul doute, pour moi, la plus belle découverte de ce New Blood Fest, tout en émotion et sobriété.

Il aura fallu du temps à Shaytan pour faire son petit bonhomme de chemin et sortir enfin, après plus de dix ans d’existence, et une unique démo en 2014, un vrai premier album. Les spectateurs du New Blood Fest peuvent donc s’attendre à une avalanche de nouveautés de la part des quatre Annéciens. De leur côté, ces derniers ne cachent pas leur enthousiasme, particulièrement le chanteur et bassiste Jérôme « D’jé », tout fier de présenter le futur opus. On peut dire qu’il a de quoi l’être ! Shaytan ne fait pas dans la dentelle et le démontre tout au long des quarante minutes du set, à grand renfort de Thrash/Death Metal bien senti et surtout bien équilibré. Stéphane et Olive, les deux guitaristes, se complètent bien et accompagnent avec maîtrise, aux côtés de leur camarade batteur Vince, les hurlements furieux de D’jé. Du côté du public, le calme commence à laisser place à l’agitation ! Vers la fin du set, les musiciens sont rejoints par Émilie, l’ex-chanteuse charismatique du groupe L’Épouvantail, dont le chant growlé se joint à celui de D’jé pour finir d’enflammer les esprits le temps d’un titre. Une vraie réussite !

N’ayant pas pu faire leurs balances la veille en raison de leur arrivée tardive, les grenoblois de Hellixxir se voient contraints de s’en occuper juste avant leur passage, qui accuse ainsi un retard de plusieurs minutes. Bien loin de leur en tenir rigueur, les festivaliers sont au rendez-vous face à la scène pour les écouter et les accueillir comme il se doit. De par ses vingt ans d’existence marqués par plusieurs changements de line-up et la sortie de trois albums, le groupe possède une solide expérience qui se ressent à chaque instant. Servis par un son parfaitement calibré, les cinq musiciens délivrent un set qui l’est tout autant. Tout sonne juste et maîtrisé de bout en bout, sans moment de relâchement ; aucun titre n’est faible et le professionnalisme d’Hellixxir fait plaisir à voir — et entendre. Matthieu Laforêt, qui porte le projet à bout de bras depuis ses débuts, mène la danse grâce à ses talents de shredder. Du côté vocal, Alexandre Manin adopte une gestuelle mécanique qui s’accorde bien avec les nuances de sa voix. Une belle prestation pour Hellixxir, dont j’attends les prochaines sorties avec hâte !

En milieu d’après-midi, un passage prolongé au camping pour y déposer mes affaires me fait manquer le set de Demande à la Poussière. À mon grand regret, car je n’entendrai que du bien de la prestation du groupe de sludge/post-black Metal… Je me consolerai plus tard en écoutant leurs albums ; deux perles de noirceur poétique.

Par chance, je reviens largement à temps pour la prestation des lorrains de Catalyst, sans nul doute une des plus attendues du fest. Le groupe de Death technique possède en effet un sacré bagage en matière de virtuosité, ceci malgré sa relative jeunesse — cinq ans d’existence ayant vu la sortie d’un EP et d’un album. Sur ce point, Catalyst se montre à la hauteur des attentes et va même au-delà. Chaque membre du quatuor aux cheveux blonds démontre à sa manière un niveau impressionnant et des talents qui se complètent à merveille les uns les autres. À commencer, bien sûr, par les deux guitaristes en dialogue constant ; Florian Iochem, le benjamin du groupe, en impose sous ses airs inoffensifs. Bien loin d’être en reste, Jefferson Brand se livre à une véritable masterclass de basse à six cordes ; de même que Stéphane Petit, batteur fraîchement recruté qui fait ses preuves derrière les fûts. En plus d’une belle démonstration de savoir-faire technique, Catalyst offre une interprétation venue du cœur qui fait vibrer les nôtres ; mention spéciale à la voix de Jules Kicka, qui donne la larme à l’œil aussi bien chantée que hurlée. Les cheveux comme les esprits se seront agités pendant ce superbe show !

Catalyst laisse ensuite la place à Akiavel. Jouant dans la même cour, celle du Death Metal, mais dans un style moins léché et plus « rentre dedans ». Le groupe venu de la région PACA compte bien profiter de ce passage sur scène pour transporter le public dans son univers sombre et violent. Et quel univers découvrons-nous là ! L’agressivité est le principal mot d’ordre de ce set, des riffs à la fois old-school et mélodieux assénés par Jay et Chris aux blasts furieux de Butch. Toutefois, celle vers qui se tournent tous les regards, n’en déplaise à ses camarades masculins, c’est Aurélie. La seule figure féminine du festival n’a rien à envier aux plus grandes vocalistes du genre et le démontre en nous narrant des contes macabres de zombies et de tueurs en série à coups de cris rageux et schizophréniques. Elle n’hésite pas non plus à jouer de ses faux airs — volontaires — de version brune d’Harley Quinn et affiche une expressivité à glacer le sang… « Elle pourrait remplacer la chanteuse de Jinjer », commente quelqu’un à côté de moi. Au cœur de la fosse, les pogos se multiplient, à tel point que les barrières manquent chuter à plusieurs reprises… À la fin, le public en redemande, ce à quoi Akiavel se fait un plaisir de répondre par un dernier titre avant de libérer la scène pour Mortuary.

J’ai pour ma part découvert Mortuary en janvier 2020, lors d’une date à Lyon pour la promotion de son dernier album The Autophagous Reign. Aujourd’hui, après plusieurs mois privés de scène, les cinq musiciens nancéiens comptent bien faire de nouveau honneur à cet opus, tout comme à ses prédécesseurs. Pour cela, ils appliquent la recette qui fait leur succès depuis maintenant plus de trente ans : des rythmiques brutes de décoffrage soutenant des riffs tranchants et incisifs, sur des durées pouvant parfois atteindre moins de trois minutes. En résumé, du Death Metal de la vieille école qui va droit au but. Sur scène, Jean-Noël Verbecq et Yohann Voirin semblent habités par leurs instruments ; les hurlements démoniaques de Patrick Germonville, appuyés par moments par ceux du guitariste Alexis Baudin, achèvent de compléter ce tableau délicieusement morbide. Mortuary profite ensuite de la fin de son set pour dédier un titre à John Correstan, président de Metal in Veins, et faire monter sur scène Arno Strobl, rédacteur chez Rock Hard. Et pour cause : ce dernier fête son anniversaire, en compagnie de Max Otero, frontman de Mercyless ! Ils ont même droit à un gâteau. Si si !

L’horloge affiche un peu plus de 22 h lorsque vient le moment pour, justement, Mercyless, dernier groupe de l’affiche du New Blood Fest, de conclure les hostilités. Après cette journée marathonienne, les premiers signes de fatigue se font ressentir. Toutefois, tout le monde reste au taquet pour faire honneur à Max Otero et ses confrères. C’est que ces quatre-là ont du talent à revendre depuis leur retour il y a dix ans ! Une heure durant, Mercyless nous joue un Death/Thrash oscillant entre anciens et nouveaux titres, tempos rapides et autres plus lents, le tout empreint d’une aura quasi-religieuse. Comme pour leurs confrères de Mortuary ou Hellixxir, ces musiciens possèdent une solide expérience qu’ils se plaisent à partager avec leur public. Un public où se secouent encore les têtes et se lancent quelques pogos ! Pour ma part, bien qu’ayant un peu de mal à suivre avec la fatigue accumulée, je me laisse porter par la musique et parviens à capturer quelques bons moments avec la caméra de mon smartphone. Mercyless offre de cette façon une conclusion en beauté et en brutalité à ce New Blood Fest.

Pour sa première édition, le festival dépasse les attentes : 727 entrées selon John Correstan. Un beau succès bien mérité ! À n’en pas douter, Metal in Veins a transformé l’essai avec brio. De mon côté, je garde de ce New Blood Fest le souvenir de groupes au professionnalisme et au talent remarquables, d’une organisation et d’un accueil aux petits oignons — comme les diots servis aux stands de restauration —, ainsi qu’un album et un patch offert par les membres de Nature Morte — dont l’apparente austérité cache une sympathie sans bornes. Rendez-vous l’année prochaine !