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Depuis des mois, Arch Enemy nous abreuve de teasing sur les réseaux sociaux, entre les annonces de tournées, les nouveaux clips déjà dévoilés et la date de sortie de l’album. Après un peu d’attente, voilà que le combo suédois et canadien dévoile enfin son douzième opus : Blood Dynasty. Au vu de son statut emblématique dans le paysage du death metal mélodique, l’attente est immense pour une fanbase toujours aussi active, d’autant plus que cet album marque l’intégration officielle du nouveau guitariste Joey Concepcion en studio, suite au départ de Jeff Loomis. A noter que le groupe a refait appel au même producteur que l’album Will to Power en 2017, le Suédois Jens Bogren, dont le CV dans le domaine des productions d’albums marquants en ferait rougir plus d’un…
L’album s’ouvre sur Dream Stealer, une immersion instantanée dans l’univers du groupe. Les guitares harmonisées en chromatismes dès l’intro instaurent une tension brutale, avant que le pré-chorus ne nous ramène en terrain plus familier avec un mode mineur efficace. Le refrain, enrichi de nappes et d’effets subtils, prépare le terrain pour un solo ultra mélodique qui s’affranchit du shredding excessif. Une ouverture puissante et inspirée.
Avec Illuminate the Path, le ton se durcit encore. La batterie martiale impose une cadence implacable, accentuée par une basse bien présente. Des effets sonores de bruits métalliques et des orchestrations en fond renforcent l’immersion. Alissa White-Gluz étoffe la palette vocale avec un passage en voix claire (« No, we won’t go »), ajoutant une profondeur bienvenue. Mention spéciale à un procédé de fade-out malin qui joue sur un filtrage progressif des graves, laissant un ricanement s’effacer dans un brouillard sonore, loin des clichés de la fin de morceau decrescendo.
March of the Miscreants met en avant le jeu impressionnant de batterie et une belle palette vocale d’Alissa, notamment sur le refrain accrocheur (« This is where we belong, the march of the miscreants »). Le pont instrumental, plus calme, valorise l’aspect orchestral avec un pizzicato subtil avant une montée en puissance qui mène à un solo inspiré de Michael Amott. Un véritable coup de cœur qui est après la première écoute mon morceau favori de cet album. Il est à noter que ce morceau me rappelle le non moins excellent As the Pages Burn de l’album War Eternal, selon moi l’album référence depuis l’arrivée d’Alissa White-Gluz dans le combo suédois.
Avec A Million Suns, la maîtrise technique du batteur est à son apogée, notamment sur la double grosse caisse qui offre une grosse intensité à la piste. Le morceau se distingue par une transposition audacieuse d’un ton et demi pour le refrain, et un final en modulation ascendante qui rappelle les grandes heures du baroque. Un bijou de composition sur lequel on sent clairement Michael Amott. Bien joué maestro.
Don’t Look Down poursuit sur cette lancée, sans surprise mais avec une efficacité redoutable. Puis, Presage offre une respiration bienvenue avec une interlude acoustique, avant d’enchaîner sur Blood Dynasty, le morceau-titre déjà dévoilé en single accompagné d’un clip. Michael Amott le présente comme une « exploration plus mélodique et immersive », et le clip signé Mirko Witzki renforce cette ambiance dystopique saisissante. C’est un morceau complet et qui fera des ravages en live.
Paper Tiger constitue également une des bonnes surprises de cet album. Le morceau prend son départ sur une voix murmurée qui rappelle clairement Stolen Life de l’album War Eternal. La piste suit en effet une structure très similaire ; aucune surprise, donc, mais il est à noter l’excellent travail d’harmonisation des guitares. C’est propre et très prenant pour un live. Le solo final est bien pensé et aura de quoi faire chauffer les doigts de tous les guitaristes qui vont s’y essayer. Une nouvelle fois, il est difficile de trouver un point négatif !
Le morceau suivant, Vivre libre, est une reprise du groupe français Blaspheme, actif durant les années 80. J’avoue avoir du mal à comprendre le clin d’oeil ou la référence à ce titre et pourquoi il a été choisi comme reprise. Cependant, il est toujours intéressant de voir le groupe s’aventurer hors de ses sentiers battus. En effet, il sort ici du Arch Enemy classique et c’est une agréable surprise. Côté production, je déplore une voix un peu diffuse derrière beaucoup de reverb ; bien que ce soit un choix artistique, je trouve que cela diminue l’impact des paroles sur l’auditeur. Une production comme celle de Reason to Believe aurait pu donner un meilleur rendu. Cependant, ce aspect n’enlève rien à l’impact rassembleur qui est l’apanage d’Arch Enemy. Nul doute qu’il trouvera une place dans la setlist des prochains lives !
The Pendulum est encore un exemple de qualité de production. Ce petit accord de piano au départ, ces incursions de chœurs — même si l’on reconnaît clairement la même montée chromatique que la musique de Qui veut gagner des millions… ceci n’est pas une blague — et les petits effets électroniques, doublés à la rythmique ultra carrée, pourraient vraiment inonder l’auditeur. Il n’en est rien ; bien au contraire, on en redemande ! Ces détails donnent du sel au morceau et on se demande bien ce que le groupe aurait encore pu y ajouter. Mention spéciale à l’influence baroque du morceau — coucou Jean-Sebastien Bach ! C’est, à titre personnel mon second coup de cœur de l’album. Le morceau est bien écrit, très logique dans son approche mélodique et honnêtement recherché.
L’album s’achève sur Liars & Thieves, qui d’emblée nous offre une mélodie taillée pour le live. Avec son tempo rapide, nul doute que beaucoup vont headbanger du début à la fin. Certains passages vocaux se font en voix claire, affirmant encore une fois la versatilité vocale. Voilà une belle façon de clôturer l’album !
Au final, que retirer de cette écoute? Il est clair que la production exemplaire est l’aspect à retirer de cet album. Contrairement à certains groupes qui surchargent leur son, ici, chaque instrument respire, même si le spectre auditif est extrêmement rempli. Des morceaux comme Paper Tiger et Liars & Thieves illustrent bien cette approche, offrant des moments d’aération qui ajoutent de la dynamique à l’ensemble. Le seul aspect un peu négatif — qui n’en est pas vraiment un — réside dans le fait qu’on a ici affaire à du Arch Enemy pur jus, sans grande surprise, ce qui pourrait finalement lasser. Cependant, quelques nouvelles expérimentations viennent un peu redistribuer ces cartes trop bien battues. Michael Amott le confirme : « Il faut sans cesse dire la même chose, mais d’une manière différente ! » On note également l’expérimentation de voix claires par Alissa White-Gluz, ainsi que cette surprenante reprise du classique Vivre libre.
En somme, Blood Dynasty est un album abouti, de l’écriture à la production. Il conserve l’identité du groupe tout en y insufflant des évolutions bien dosées. On attend avec impatience de voir ces titres prendre vie sur scène lors de leur tournée européenne dès octobre. Une chose est sûre : Arch Enemy n’a pas dit son dernier mot !