Bonjour monsieur Saukkonen, et merci de nous parler du grand retour de Before the Dawn avec le nouvel album, Stormbringers ! Première question : quel effet cela fait-il d’être de retour avec Before the Dawn et cette nouvelle production après dix ans d’absence ?

C’est à la fois bizarre et génial. Nous sommes sur la bonne voie, d’autant plus que ce n’était pas prévu… On n’avait pas du tout de plan pour un retour du groupe, cela vient d’une série de choses étranges qui se sont produites, parmi lesquelles la pandémie… puis Paavo [Laapotti] a repris Deadsong dans The Voice of Finland, et c’est ce qui a enclenché le processus… En fait, il s’est imposé en tant que nouveau chanteur du groupe avant même qu’on ait l’idée de le reformer ! Du coup, ça fait bizarre, mais c’est super.

En tant que fan de longue date de Before the Dawn, je suis très heureuse d’être témoin de ce retour ! À propos de Stormbringers, que peut-on attendre de cet album, que l’on soit fan de longue date ou nouveau venu ?

C’est une très bonne question… Je vais probablement avoir du mal à répondre, parce qu’en tant que compositeur des morceaux, j’ai une relation très complexe avec chacun d’eux et avec l’album. Je crois que quelqu’un qui a été fan du « vieux » Before the Dawn va adorer l’album. Pour ce qui concerne les nouveaux fans… je ne sais pas quoi dire ! (Rires) Parce que comme je l’ai dit, je suis dans une situation étrange où un groupe qui était supposé mort et enterré fait son retour, et la moitié du temps, je suis encore en train de réaliser ce qui arrive… Bien sûr, j’aime beaucoup le nouvel album, mais je n’ai pas encore le recul nécessaire pour en parler comme il se doit.

Avant de parler de l’album en lui-même, parlons du plus gros changement, celui du line-up : vous avez vos collaborateurs de longue date Juho Räihä et Pyry Hanski à la guitare et à la basse, et maintenant un nouveau vocaliste. Qu’est-ce qui a motivé ces changements, et en particulier, qu’est-ce qui vous a poussé à vous mettre en retrait derrière la batterie, comme vous l’avez fait avec Dawn of Solace il y a trois ans, au lieu de, peut-être, engager un autre batteur et continuer d’assurer la guitare rythmique et des voix secondaires sur scène ?

La raison principale, c’est que je ne souhaiterais jamais être le frontman de deux groupes à la fois. Un seul, je peux gérer… mais je n’ai jamais apprécié pleinement le fait d’être un frontman ; il se trouve que c’était ce qu’il y avait de mieux à faire parce que j’ai assuré au moins le chant growlé principal et la guitare, et dans ce cas ça faisait sens d’être au centre. Mais ce n’est pas comme si c’était quelque chose que j’appréciais énormément… En plus, être le frontman de deux groupes, ça ne m’arriverait jamais, et je ne me vois pas non plus jouer de la guitare sur scène sans faire de voix growlée en plus, ce serait trop gênant pour moi. Si j’assure le chant, dans ce cas je peux me justifier sur le fait d’être à l’avant […] Aussi, j’ai assuré la batterie sur plusieurs albums de Before the Dawn, du coup, pour moi, les parties de batterie de Before the Dawn, c’est quelque chose de familier. Et oui, j’avais vraiment le désir de me mettre en retrait… Je préfère de loin être derrière la batterie qu’à l’avant de la scène. En discutant de cela avec Pyry et Juho, on est tombés d’accord sur le fait qu’on voulait garder une configuration à quatre membres ; on ne veut pas être cinq dans le groupe. On est très Finlandais : on ne souhaite pas connaître trop de nouvelles personnes… Pour les hommes finlandais de plus de quarante ans, en général, on a les amis qu’il nous faut pour la vie, on ne ressent pas le besoin de faire de nouvelles rencontres. De notre côté, on voulait que le groupe conserve une certaine symétrie, parce que Pyry et Juho, de base, occupent déjà la plus grande partie de l’espace scénique ; même sur les plus grandes scènes, ce serait très compliqué de trouver de la place pour d’autres personnes. On n’a pas non plus voulu engager un second guitariste. E, fait, d’une certaine façon, j’assure aussi la guitare sur scène étant donné que mes parties sont diffusées sur des bandes audio…

Une décision qui se comprend, d’autant plus que pour avoir assisté à plusieurs performances de Wolfheart sur scène, j’ai cru remarquer que vous n’aviez pas l’air très à l’aise dans le rôle de frontman… Du coup, je suppose que derrière cette décision se trouve aussi la volonté de créer une distinction claire entre Before the Dawn et Wolfheart, étant donné les similitudes qu’ils partagent ?

Et bien, j’essaie aussi, d’un point de vue musical, d’activement les éloigner… je ne sais pas ce que ça va donner dans le futur […] Quand on était en plein processus de composition pour King of the North, le dernier album de Wolfheart, la question s’est posée à mon esprit : si on fait ce style de musique, qu’on adopte une approche plus « soft » avec Wolfheart, cela signifie qu’il n’y a pas moyen pour moi de faire revenir Before the Dawn, parce que les deux groupes seraient trop similaires. Après, les choses ont suivi leur cours, et nous y voilà… mais par chance, je n’ai pas entendu les fans, d’un côté ou de l’autre, comparer les deux groupes et dire qu’ils se ressemblaient ! Je pense que les parties vocales contribuent en bonne partie à cette distinction, parce que je ne les assure plus du tout dans Before the Dawn. C’est ce qui fait la plus grande différence entre les deux groupes.

Maintenant, à propos de Stormbringers en lui-même, quand je l’ai écouté, j’y ai retrouvé tout ce qui fait l’identité de Before the Dawn, c’est-à-dire des guitares et des textes qui vont droit au but, des mélodies, la présence de guitare acoustique et de piano, et aussi des éléments plus « lourds », mais en plus de cela, j’y ai aussi perçu une ambiance planante, voire un peu futuriste, qui évoque un voyage dans l’espace… D’où cela vient-il ?

Si c’est des claviers dont tu parles, cela vient de notre ingénieur du son et producteur. Nous avons discuté avec lui au sujet du son et de ce qu’on voulait faire en matière de production. Ce qu’on voulait, c’est que ça sonne vraiment… comme un album de Before the Dawn. Mais ça, ça vient facilement, sachant qu’on a déjà sorti sept albums… C’est comme le vélo : une fois que tu l’as fait, tu sais comment ça marche ! Ceci dit, on souhaitait aussi que ça soit frais, tout en sachant qu’on allait jouer sur scène avec des bandes sonores qu’on n’avait jamais utilisées auparavant, et même s’il y avait déjà des pistes de guitare acoustique et de claviers sur les précédents albums, elles n’étaient jamais présentes lors des concerts. À présent, on sait que quand on partira en tournée, on aura les bandes son, donc on a pu se permettre de mettre en avant les claviers. Auparavant, on devait les atténuer dans la production parce qu’on savait que ces morceaux sonneraient trop différemment sur scène sans eux. Du coup, maintenant, on peut leur accorder une place plus en avant dans le mix.

Cela se ressent particulièrement sur Downhearted, qui a des sonorités très synthwave… en fait, c’est presque un morceau de synthwave ! D’où vient cette influence ?

Voilà qui est très bien vu ! On peut faire remonter cela au moment où l’idée d’un retour de Before the Dawn trouve son origine ; c’était quand notre nouveau chanteur, Paavo, a interprété Deadsong dans The Voice of Finland. J’ai manqué le début de sa prestation, mais Juho m’a appelé pour me dire « Allume la télé, y a quelqu’un qui chante Deadsong sur une chaîne nationale ! ». Plus tard, je suis entré en contact avec Paavo et j’ai essayé, tu vois, de faire sa promo dans la compétition en encourageant les fans à voter pour lui… Après la finale, j’ai suggéré qu’on pourrait tenter de faire de la musique ensemble, parce qu’on s’est très bien entendus et que c’est un grand fan de Before the Dawn. J’avais quelques riffs dont je me suis dit qu’ils lui correspondaient, avec l’idée de créer un genre de projet solo pour lui, où j’écrirais la musique et où il assurerait le chant… à ce moment, on n’a pas du tout parlé de Before the Dawn. En fait, ça faisait dix ans que personne n’en avait parlé… On s’est rendus au studio avec Paavo et on a enregistré un morceau. Sur le trajet du retour, j’ai écouté le mixage brut dans ma voiture, et la première pensée qui m’est venue à l’esprit, c’est « On dirait du Before the Dawn ! ». Je me rappelle que pendant l’enregistrement, on était accompagnés du même ingé son qui s’est occupé des claviers sur l’album. On a dû parler avec lui pour essayer de trouver comment faire en sorte que ça ne ressemble pas trop à Before the Dawn, de faire en sorte que ce soit pas si évident de deviner à l’écoute que c’était moi qui avais composé le morceau — parce que j’ai certaines habitudes dans la façon dont j’écris les riffs et les arrangements. C’est à ce moment que lui est venue l’idée de ces claviers au son futuriste, avec cet aspect synthwave que tu as mentionné, histoire de faire en sorte d’obtenir un son un peu différent de ce que je fais habituellement avec Before the Dawn ou Wolfheart. Mais par la suite… ouais, c’est devenu le premier nouveau morceau de Before the Dawn… avant même qu’il soit question d’un retour du groupe.

Ça tombe bien, puisque ma prochaine question concerne les parties vocales de Paavo. Elles sont très importantes pour l’album, étant donné que c’est un chanteur très versatile : il peut faire du growl, prendre une voix heavy metal ou un ton mélancolique… C’est différent des précédents albums, où les voix claires étaient souvent en retrait, voire absentes dans certains cas. Du coup, je suppose qu’on est plus sur un ratio 50/50 maintenant…

Oui, et c’est justement grâce à sa polyvalence qu’on peut se permettre de faire un peu tout ce qu’on veut à ce niveau. La gamme vocale de Paavo est phénoménale, et on a eu l’occasion de le constater par deux fois, étant donné qu’on a déjà donné deux concerts avec le nouveau line-up. C’est très rare d’avoir un chanteur qui peut passer si rapidement de la voix death à la voix claire, même pas juste à une voix claire toute simple, mais qui parvient à prendre un timbre heavy metal. Du coup, c’était évident que je souhaitais que toutes ces variations de style soient présentes dans les parties vocales de l’album. Il y a aussi le fait que je ne souhaitais pas donner l’impression qu’on essayait de reproduire ce que Lars [Eikind] et moi-même avons fait par le passé. Ce que je voulais, c’était que l’album sonne comme… et bien, comme Paavo, parce que c’est lui qui chante. D’ailleurs, il a été très impliqué dans le processus et les décisions concernant sa voix : on a travaillé ensemble sur les lignes vocales et les arrangements. Du coup, parmi les morceaux, il n’y en a aucun où je me contentais de lui expliquer quoi faire ; c’est lui qui a principalement donné ses idées sur la façon dont il imaginait les lignes vocales. Et ça, bien sûr, c’est quelque chose que je ne peux que respecter.

Avec tous ces éléments qui entrent en ligne de compte, plus particulièrement la voix et les aspects synthwave et futuriste, Stormbringers sonne plus « léger » comparé aux deux derniers albums de Before the Dawn en date, Deathstar Rising et Rise of the Phoenix, qui sont très denses et sombres… Est-ce une manière de rendre la musique de Before the Dawn accessible à une audience plus large ?

Nous n’avions pas cette idée en tête, parce qu’une telle démarche aurait impliqué pour nous de réduire les parties growlées au minimum, histoire que les morceaux aient une chance d’intégrer les playlists des radios et de Spotify mainstream… ce qui signifiait, en gros, qu’il ne devait pas y avoir de growl. Non, ce n’est pas cette raison… Tu soulignes le côté « sombre » des deux derniers albums ; ça s’explique par la période, qui était bien plus sombre que maintenant, pour le groupe. Pendant la période d’enregistrement de Deathstar Rising, j’ai eu une réunion avec les gens du label pour leur annoncer que ce serait probablement le dernier album. Par la suite, on a tout de même décidé de sortir Rise of the Phoenix, qui est à mes oreilles, basiquement, le premier album de Wolfheart, en rétrospective. Je considère que n’importe lequel des titres de cet album pourrait fonctionner sur un album de Wolfheart, étant donné qu’il n’y a pas du tout de chant clair. Ces deux albums sont le reflet d’une période vraiment merdique pour le groupe. Ce que Stormbringers reflète, et bien… ce n’est pas juste la musique qui est plus légère, c’est l’humeur qui l’est aussi et bien plus positive. Aussi, on ne voulait pas réfléchir à l’excès : si quelque chose sonne bien, ça sonne bien, peu importe si c’est heavy ou mélodique ou autre chose… Mais maintenant que tu le dis, il y a clairement une différence. C’est que le groupe est bien plus heureux actuellement […] que pendant les trois dernières années d’activité il y a dix ans.

J’en suis très heureuse pour vous. Maintenant je peux dire que Rise of the Phoenix est à la fois mon album préféré de Before the Dawn et de Wolfheart !

(rires)

À propos des morceaux, lequel de ceux de Stormbringers préférez-vous personnellement ? Pour ma part, c’est The Dark, qui est très mélancolique et émotionnel, aussi assez old-school…

J’aime beaucoup ce morceau, mais je crois que le plus important, d’une certaine façon, c’est Downhearted, parce que c’est avec lui que tout a commencé. Sans ce morceau, il n’y aurait pas eu de retour du tout. Il y a aussi Destroyers qui compte beaucoup pour moi, parce que c’est le premier que j’ai composé en sachant que ça y est, Before the Dawn était de retour et qu’un nouvel album allait sortir […] On a déjà eu l’occasion de le jouer sur scène à deux reprises, et c’est un morceau génial à jouer, au moins à la batterie. Pour les autres membres du groupe, je ne sais pas, mais personnellement, c’est un morceau que j’adore jouer ! Après, j’aurais du mal à ne choisir qu’un morceau que je préfère… j’en ai beaucoup, pour beaucoup de raisons différentes. De toute manière, je crois que cet album va devenir un de mes préférés de Before the Dawn

Parlons donc des concerts ! Y a-t-il une tournée de prévue pour la promo de Stormbringers ?

Oui : on va d’abord jouer à quelques grands festivals en Finlande, ensuite on va faire une « grosse » tournée des clubs finlandais en septembre, et encore après on a une tournée européenne de prévue en novembre. Cette année va probablement être la plus chargée en matière de tournée de toute la carrière de Before the Dawn

Je pose cette question en tant que fan française de Before the Dawn : y aura-t-il une étape en France ?

Oui, la tournée comporte une étape en France, et ce sera à Paris. En fait, je peux même très vite retrouver pour quel jour c’est prévu […] Mais ouais, ça doit bien faire quatorze ans qu’on n’a pas joué en France, donc c’est le bon moment. Ok, je viens de vérifier sur le calendrier de tournée, c’est le 7 novembre qu’on joue à Paris !

Merci ! D’ailleurs, avec les changements de line-up, et notamment l’arrivée de Paavo Laapotti en tant que vocaliste, comment choisissez-vous les morceaux des setlists parmi les nouveaux et ceux des précédents albums ?

Par chance, avec la capacité qu’il a de maîtriser tous les types de chant, nous avons pu intégrer des morceaux de tous les albums, sauf Rise of the Phoenix. C’est le seul dont on ne joue pas de morceaux pour le moment parce que je dois d’abord gagner en rapidité dans mon jeu de batterie pour être capable de les jouer… On ajoutera un ou deux morceaux extraits de Rise of the Phoenix d’ici la tournée européenne. Autrement, on jouera des morceaux qui viennent de chaque album.

En effet, je me rappelle que les parties de batterie de Rise of the Phoenix sont très rapides et techniques…

Oui, Joonas [Kauppinen], qui est maintenant le batteur de Wolfheart, a assuré la batterie sur cet album, et il a fait du super boulot. Ce qui signifie que je vais devoir m’entraîner dur pour atteindre ce niveau…

À ce sujet, vous êtes tous les quatre impliqués dans différents projets musicaux. N’avez-vous pas de difficultés à coordonner tout cela avec les périodes d’enregistrement, de tournée et de composition ?

Et bien, je crois que cette année, on a eu beaucoup de chance parce que Swallow the Sun (dans lequel jouent également Juho Räihä et Pyry Hanski, ndlr) part aussi en tournée : ils sont à l’affiche de beaucoup de festivals, mais aucune date n’empiète sur les autres. Du coup, il semble bien qu’on n’aura pas besoin d’engager des musiciens de session ou d’annuler ou reporter une date. Après, je me dis aussi qu’on a pris dix ans depuis la dernière fois qu’on a bossé ensemble et que ça nous aide à gérer les choses de manière un peu plus posée. Vois-tu, quand tu n’as pas encore trente ans, tu prends les choses bien trop au sérieux d’une manière qui te dessert… Maintenant, s’il y a un festival mais que les emplois du temps ne concordent pas, ce n’est pas la fin du monde que de reporter notre venue au festival à l’année suivante, ou bien si on a des plans pour des concerts à plus petite échelle sur un week-end en Europe ou ailleurs, mais que quelqu’un n’est pas disponible à cause de son emploi du temps, ce n’est pas un problème. Je dirais qu’il y a quinze ans, c’était beaucoup moins acceptable. Tout le monde était bien plus borné, à penser que tout devait se faire dans l’immédiat… Maintenant, c’est devenu bien plus simple de planifier les projets.

J’ai une question un peu plus personnelle pour vous : en tant que musicien multi-instrumentiste, quel est le premier instrument dont vous avez appris à jouer ?

La guitare.

Voilà qui me surprend, je pensais que c’était la batterie…

J’ai commencé la guitare à sept ans et la batterie à quinze ans.

On arrive à la fin de cette interview. Encore une fois, merci beaucoup, je me considère très chanceuse d’avoir pu en faire une avec vous. Avez-vous quelques derniers mots pour les fans de Before the Dawn ?

J’espère voir le plus de monde possible au concert à Paris, parce que ça fait quatorze ans qu’on n’y a pas joué, donc… j’espère que les gens ont patienté pour nous revoir ! À bientôt !