Bonjour Mr. Lordi, et félicitations pour la sortie de Lordiversity ! Sept albums d’un coup, c’est vraiment impressionnant ! Pourriez-vous nous raconter d’où vient cette idée ?

Merci ! L’idée vient de l’album précédent, Killection, qui est une compilation fictive. Alors que je réfléchissais à ce qui pourrait aller encore plus loin, j’en suis venu à me dire « WTF, pourquoi ne pas faire tout le catalogue fictif des albums dont sont supposément extraits les morceaux de la compile ? » Mon idée originale était de sortir dix albums, mais le label a dit « Non, sept, c’est assez ! » (rire) Ça a donc été un compromis, mais on aurait facilement pu sortir dix albums au lieu de sept, vraiment facilement.

En tout, la compilation comporte 78 titres, ça fait beaucoup ! Combien de temps ont pris l’écriture, l’enregistrement et la production ?

Et bien, je suis quelqu’un pour qui créer a toujours été essentiel : pour un album de Lordi qui comporte par exemple dix ou onze chansons, cela signifie qu’il y en a de vingt à soixante pour lesquelles j’ai déjà conçu des démos et parmi lesquelles on fait une sélection. Avoir assez de chansons n’a donc jamais été un problème ! (rire) J’ai composé tous ces albums au cours de l’été 2020 : j’ai commencé peut-être fin mai ou début juin, puis je n’ai pas arrêté pendant les trois mois qui ont suivi, et j’ai tout écrit dans l’ordre chronologique. Ça a été rapide, c’est ma manière de travailler. Ce qui est drôle avec moi, c’est que je compose une chanson, et je finis par en faire deux ou trois… Je travaille à l’intuition, je n’analyse pas ce que je fais, je suis le flow et je compose ce qui me vient à l’esprit, et c’est pour ça que c’est facile pour moi de créer. Du coup, pour ces 78 titres, il y en avait en tout 136 !

Wow, tout ça ? Impressionnant !

C’est comme ça que je fonctionne ! Je vais donner un exemple pour illustrer : si je prends la guitare ou le clavier ou autre chose, j’ai une idée qui vient… (chantonne) J’écoute la radio qui joue dans ma tête et j’imagine où doit aller la chanson après cette partie en suivant mon intuition. Ensuite un riff me vient en tête, je l’écoute, et je me dis « ok, c’est un bon riff, mais il ne correspond pas à ce que je suis en train de faire ». Du coup, je le mets de côté pour plus tard, et c’est ce qui arrive à peu près tout le temps. Ce qui fait qu’à la fin d’une journée, alors que j’avais commencé sur une seule chanson, je me retrouve avec deux ou trois autres de côté ! C’est comme ça que j’ai composé tous les albums en trois mois, et l’enregistrement a pris neuf mois.

En tout cas, Lordiversity porte bien son titre puisque les albums sont très variés : Humanimals (mon préféré !) sonne très Bon Jovi, The Masterbeast from the Moon, c’est du rock progressif, Superflytrap est très dansant… comment en êtes-vous venu à choisir les styles auxquels rendre hommage ?

Basiquement, ils viennent tous de Killection. Ils représentent mes influences. Tu dis que Humanimals est ton préféré, c’est le mien aussi avec Superflytrap. Selon moi, ce sont les deux putain de meilleurs albums de Lordi ! Ces styles sont absolument mes favoris, c’est vers eux que balance mon cœur. Tous les genres musicaux représentés dans les sept albums sont ceux avec lesquels j’ai grandi, que j’écoutais et que j’écoute toujours ; ce sont eux qui m’ont forgé et qui ont forgé le son de Lordi… Pour faire une comparaison, imagine qu’un album de Lordi est une pizza, sur cette pizza tu retrouves du jalapeño, du pepperoni, du fromage, de la sauce tomate… Et tous les deux ans, tu vas à la pizzeria Lordi et tu commandes cette même pizza : tu sais exactement à quoi t’attendre, même si de temps en temps il y a un peu plus de pepperoni ou un peu moins de tomate. Mais cette fois, tu as sept pizzas différentes : une à la tomate, une au fromage, une au jalapeño, une au pepperoni, etc. C’est comme ça que j’explique ce qu’est Lordiversity, parce que c’est en gros toutes nos influences, mais séparées. Par exemple, si tu prends un titre comme Would You Love a Monsterman, c’est basiquement une chanson disco avec différents arrangements… Je dirais que chaque artiste, chaque auteur est le fruit de ses influences, et si on combine toutes celles de Lordiversity, on obtient un album « classique » de Lordi.

Sur Superflytrap, on entend beaucoup de voix féminine. Est-ce un album qui parle à un public féminin ?

Ça fait partie du disco des 70’s ! J’ai réalisé qu’il était indispensable d’avoir cette voix féminine solide avec la voix masculine, parce que si ce n’est pas le cas, ce n’est pas du pur disco. Heureusement, on a eu la chance de rencontrer cette super chanteuse, qui était une élève de mon coach vocal et qui jouait Mary Poppins sur scène avant le corona… (rire) Elle est venue et elle a chanté toutes ces lignes, et c’est grâce à elle que ça sonne comme du vrai disco. En tout cas, je suis curieux de savoir combien de fans vont croire que c’est Hella, mais je peux te dire que ce n’est pas Hella ! (Rire)

J’ai aussi vu que le dernier du lot, Spooky Stravaganza Spectacular, était « fait à la machine ». Qu’est-ce que cela veut dire exactement ?

Ce style industriel, c’est exactement ce que faisait Lordi à l’époque en 95 ; c’est là que réalité et fiction se rejoignent. Par « fait à la machine », j’entends que ce n’est pas… je ne sais pas trop comment l’expliquer. Par exemple, il y a beaucoup de boucles et beaucoup de riffs copiés-collés, parce que c’est comme ça qu’on produit ce genre de musique. Ce n’est pas un album organique, il est conçu en bonne partie par des boucles, du midi et de la programmation. Si on le compare à Skelectric Dinosaur, le premier du lot, celui-ci c’est un album de groupe organique où tout est enregistré de manière analogique, sans éléments industriels, il n’y a pas de correction par ordinateur… Oh merde, si tu te fais une erreur dans une chanson, soit tu reprends depuis le début, soit tu laisses l’erreur où elle est ! C’est comme ça que ça se passait dans les 70’s. Et ensuite, vrrrut ! Tu fais un bond de vingt ans dans le futur, tu arrives en 1995, à l’époque du rock industriel. Tu faisais comme ça : tu joues un riff, ensuite tu as juste à le copier, et tu dois faire en sorte que tout sonne très mécanique et robotique, très « machinesque »… C’était le son de Lordi à la même époque ; j’ai réécouté les vieilles démos pour m’y replonger et me rappeler du style que j’adoptais à l’époque… Ça a donc été l’album le plus facile à écrire, parce que c’était naturel de revenir aux sources. Il y avait même cette chanson, Inferno, la première sortie « officielle » de Lordi en 1995, sur une compilation de jeunes groupes dans ma ville natale. Pendant un moment, j’ai pensé mêler fiction et réalité et boucler la boucle en l’intégrant à la chronologie fictive… mais j’ai changé d’avis, parce que cette chanson, Inferno, elle est vraiment pourrie ! (rire)

Lequel des sept albums a été le plus drôle à enregistrer ?

Superflytrap, absolument ! Parce qu’à chaque titre qu’on enregistrait, personne ne se prenait au sérieux, tout le monde tapait le rythme et tout le monde souriait. Il y avait une super ambiance de fête pendant qu’on enregistrait cet album, parce que les chansons sont faites pour ça, c’est l’essence même du disco : véhiculer de la bonne humeur et donner envie de danser. Si on compare cet album à The Masterbeast from the Moon, qui est très progressif, c’est complètement différent. Quand on se plonge dans les ténèbres, qu’on est sérieux et qu’on prend le temps de se concentrer sur tous les arrangements dans le détail, on se retrouve dans un monde totalement à part.

Parlons un peu concerts ! Comment les sept albums pourraient-ils s’intégrer à une future setlist ?

Euh… je ne sais pas, bonne question. Honnêtement, je pense qu’ils ne peuvent pas être entièrement intégrés, bien sûr que ce n’est pas possible. Je veux dire, on a dix albums, et en l’espace de quelques mois, on passe soudainement à dix-sept… Demande à n’importe quel groupe qui a dix-sept albums à son actif comment il conçoit une setlist qui est supposée durer d’une à deux heures : impossible de tous les caser. Je me dis que ce qu’on va sûrement finir par faire, c’est choisir un titre de chaque album à intégrer à la setlist. Parce qu’en général, un concert dure une heure et demie, une heure quarante-cinq, et il y a d’autres morceaux qu’il faut jouer, comme Would You Love a Monsterman ou Hard Rock Hallelujah…

Pour avoir vu Lordi sur scène au Summer Breeze, j’imagine qu’en effet, il n’y a jamais assez de temps pour jouer tout ce qu’on voudrait…

C’est un peu difficile, parce que quoi qu’on choisisse de jouer, il y aura toujours quelqu’un pour dire « Pourquoi vous n’avez pas joué ce morceau ? » et qui dira juste après « Pourquoi vous avez mis ce morceau dans la setlist, je ne l’aime pas » ; ça se passe toujours comme ça. Ceci dit, ce qu’il y a de bien dans tout ça, c’est qu’on ne pourra pas partir pour une « vraie » tournée avec les sept albums avant un an. Nos prochains concerts, c’est avec Sabaton, dont on fait l’ouverture. On va jouer pendant environ quarante-cinq minutes ou une heure, donc ce n’est pas le moment idéal pour jouer des titres de Lordiversity ; peut-être un ou deux, mais on n’a pas assez de temps. Ensuite il y a les festivals d’été, et encore une fois, ce n’est ni le moment ni l’endroit idéal pour jouer les morceaux les plus… bizarres des sept albums. Comme par exemple, Church of Succubus de l’album Masterbeast from the Moon. Parce que tu vois, on est engagés pour jouer devant des gens qui veulent draguer, faire la fête et boire des bières, ils n’ont pas envie d’entendre un délire progressif de douze minutes. Du coup, il va se passer un an avant qu’on fasse notre propre tournée avec ces albums, et c’est quelque chose de très inhabituel qui ne nous est jamais arrivé par le passé. Les fans vont passer un long moment avec ces albums, et à la fin de cette année d’attente, on saura quels morceaux ils veulent entendre.

Un dernier mot pour les fans et les lecteurs ?

Merci beaucoup, et j’espère que tout le monde trouvera quelque chose qui lui plaira dans ces albums ! J’ai bien conscience que beaucoup de fans pourront aimer l’un et détester les autres, et vice versa… On a vu ça quand Believe Me est sorti : d’un côté, il y en a beaucoup qui ont dit « Wouah, c’est vraiment génial ! », et de l’autre, quelques-uns qui ont dit « Bordel, qu’est-ce que c’est que cette merde, c’est même pas du metal ! » Et moi, je me dis « Vous êtes bêtes, ou quoi, ce n’est pas supposé être du metal, c’est du putain de disco, bande de putain de crétins ! » Pareil pour les extraits d’Abracadaver, dont certains ont dit « c’est trop brutal, c’est trop agressif… » En tout cas, j’espère que tout le monde écoutera ces albums avec les oreilles et l’esprit ouvert et je suis presque sûr que chacun peut y trouver ce qu’il apprécie. À bientôt en tournée !