Alors Éric, pour commencer, est-ce que tu peux nous présenter Lòdz, pour les lecteurs qui ne vous connaitraîent pas ou peu ?

Ok ! Je vais essayer de faire bref et intéressant, dans la mesure du possible (rires). Donc on s’appelle Lòdz, on est un groupe lyonnais, on existe depuis une douzaine d’années, on a sorti un EP, 3 albums, dont un récemment, en décembre. Voilà, on a tendance à nous classer dans la case post-metal. Je pense que c’est un petit peu par défaut parce qu’en réalité, je pense qu’on est un petit peu plus ouvert que ça et peut-être qu’on est moins à l’aise avec les étiquettes, on cherche pas vraiment à rentrer dans une catégorie. Mais c’est vrai que c’est celle qui nous a été un petit peu attribuée ! On est aujourd’hui 4 musiciens qui viennent d’horizons assez différents. On est à la fois influencés par le rock, un peu 90’s, par le metal, par le post-rock et par des musiques plus atmosphériques. Voilà ce que je peux te dire. Ce qui me vient à l’esprit en tout cas !

C’est parfait ! Ça donnera une bonne présentation pour les lecteurs. Du coup, on peut peut-être parler plus précisément du dernier album que vous sortez, enfin que vous avez sorti, Moons And Hideaway. Est-ce que tu peux nous en dire quelques mots ?

Eh bien, l’album est sorti récemment, fin décembre, mi-décembre. C’est un album qu’on a commencé à travailler un petit peu avant les premiers confinements et effectivement… il a été très marqué par les épisodes du COVID parce qu’il nous a obligés à pas mal changer nos habitudes de travail. Il a eu aussi comme influence sur nous de bousculer un petit peu le line-up du groupe, qui a changé, et ça a créé beaucoup d’interrogations aussi sur l’orientation du groupe, sur ce qu’on voulait en faire, là où on voulait aller. Donc, on a essayé de tirer avantage de cette période… on était en pleine phase de compo, donc ça nous a permis de beaucoup expérimenter. Et puis de travailler un petit peu différemment. Ce qu’on a fait, c’est qu’on s’est isolés dans des maisons à la campagne, on partait 3 ou 4 jours, on se coupait complètement du monde. Et puis je dirais qu’il n’y avait plus de jours, plus de nuits et on faisait de la musique non-stop tant que l’inspiration était là et on enregistrait, on découpait, on modifiait, on changeait, on arrangeait, etc. Donc ça a été une grosse phase de création pour nous et surtout ça nous a permis aussi de redéfinir un petit peu le son du groupe. On avait déjà sorti 2 albums et puis on voulait pas se répéter sur celui-là. On voulait, et comme je te le disais, vu que l’équipe changeait de toute façon, aller vers une nouvelle identité et essayer d’aller vers de nouveaux horizons, en tout cas de ne se donner aucune barrière, aucune limite, si ce n’est celui de la cohérence et de l’intelligibilité du truc, je dirais. C’est un petit peu comme ça qu’on a abordé cet album. On l’a donc sorti sur Crimson et il est distribué par Season of Mist. On a commencé la promo avec trois clips avant la sortie de l’album et puis c’est vrai que pour l’instant, les retours sont vraiment tops, vraiment sympas, on a beaucoup de demandes d’interviews et beaucoup de chroniques donc pour l’instant le résultat est très positif. On est vraiment contents parce que c’est un album qu’on aime vraiment beaucoup. On a mis beaucoup dedans donc c’est chouette. Voilà le bilan pour l’instant est plutôt positif.

Ça c’est cool. Et concrètement, il parle de quoi cet album ?

Ah, est-ce qu’il a vraiment un thème ? Il y en a plusieurs, mais disons que si je devais te faire une synthèse, je dirais que ça traite un peu des tourments de chacun. Si tu veux, on a vu un petit peu les choses de la façon suivante : quand on écrit, on se dit que chaque morceau c’est un petit peu l’histoire de, tu sais, si tu regardes ta ligne de vie… Il y a des moments où il se passe des événements qui te font un petit peu dévier dans une direction ou dans une autre. Il y a des événements où tu peux dire il y a un avant et un après ou il y a un changement radical, ou une rencontre, une rupture, un deuil, etc. Et donc, ce qu’on s’est dit, c’est que chaque morceau, c’est un petit peu un de ces points… Un de ces points de changement. À mon avis, c’est un petit peu comme ça qu’on écrit, donc chaque morceau à sa petite histoire. C’est lié à des événements personnels, mais la manière dont on les a écrits, c’est d’une manière universelle, c’est-à-dire que les gens peuvent vraiment se les approprier. Ils mettent le sens qu’ils désirent mais le thème, c’est celui-là. Les événements forts de la vie qui te font basculer, changer, bouger un petit peu ta trajectoire.

Et tu disais que ça vous avait peut-être un peu fait évoluer. Donc par rapport à l’album précédent, tu dirais que c’est plutôt parti dans quelle direction ?

Je dirais qu’on est allés vers une musique plus écrite. Avant, on était un peu un groupe, et je te schématise le truc hein, car c’est un peu plus compliqué que ça, mais… chaque musicien venait un peu avec des idées. On mettait ça en commun, on passait ça à la moulinette, on travaillait et puis voilà. Et on fabriquait comme ça les morceaux un petit peu dans le temps, un peu comme un groupe de garage finalement, si je puis dire. Ce qu’on était et ce qu’on est toujours hein… mais là, c’est vrai qu’on a plus écrit, c’est-à-dire qu’on a plus travaillé comme je te le disais tout à l’heure, on a mis tout de suite les idées en commun, on les enregistrait. Tout de suite. On a tout de suite travaillé le son, vraiment riff par riff. On a beaucoup plus geeké en termes de son et on a vraiment travaillé des arrangements. Voilà, c’est une musique plus écrite. Aujourd’hui, je dirais qu’on a peut-être une musique plus contrastée : c’est-à-dire qu’avant on avait des passages atmo et des passages puissants si je puis dire, si je dois prendre un raccourci. Et aujourd’hui c’est encore plus contrasté. C’est-à-dire que quand c’est atmo, c’est peut-être encore plus atmo et quand on recherche des passages puissants, c’est encore plus puissant. Donc voilà, je dis qu’il y a peut-être plus de relief. Il est peut-être plus varié aussi, comme album.

D’un point de vue extérieur, le fait de se dire que c’est peut-être plus écrit, c’est peut-être aussi de la maturité, non ?

Ouais, peut-être. Peut-être qu’on avait envie d’aller un peu plus loin. Je pense qu’on voulait quelque chose d’abouti. On voulait en faire quelque chose de plus profond pour nous et peut-être pour l’auditeur aussi. En tout cas, on y a mis beaucoup donc forcément on s’est appesantis sur chaque note. Je dirais que vraiment, tout a été pesé, sous-pesé et repesé (rires).

Ouais, et puis à un moment il faut dire stop et arrêter le process…

Voilà… de toute façon, c’est soit tu t’arrêtes jamais, soit, effectivement, il y a un moment où tu sais que c’est fini, tu dis « de toute façon on pourra pas mieux faire. » (Rires).

Voilà, et du coup ça, c’est un album que vous avez aussi écrit en partant quelques jours en vous isolant tous ensemble, c’est ça ?

Oui, c’est ça. On est partis, on a fait plusieurs sessions comme ça, vraiment coupés du monde, à mettre les téléphones portables de côté, à être focus uniquement sur la musique quoi ! Donc ça, c’est vraiment un super. C’est vraiment une super expérience, c’est très chouette et alors… je pense qu’on fonctionnera que comme ça maintenant !

C’est d’autant plus surprenant pour moi que beaucoup de groupes fonctionnent aujourd’hui en distanciel pour composer, depuis le COVID !

Oui c’est vrai, ça m’étonne pas, c’est assez logique que les groupes fonctionnent comme ça.

Et du coup, en termes de processus créatif, ça vous a influencé ce fonctionnement ? Vous arriviez avec chacun vos idées ou tout était créé collectivement sur place ?

Alors, il y avait un petit peu de tout. Il y avait des morceaux pour lesquels on avait des bouts de squelettes, des morceaux un petit peu dans les tiroirs, on avait des riffs à gauche, à droite, il y avait des petites choses qu’on avait mises en commun. Et il y a aussi des choses pour lesquelles on est partis complètement de zéro. On avance plusieurs morceaux en même temps, c’est pas « on finit un morceau puis on en attaque un autre », non… On en attaque 4, 5 ou 6 par exemple ! D’ailleurs, on a composé beaucoup plus que l’album et, ensuite, on a fait une sélection sur ce qu’on retenait. Et puis pour les paroles par contre, ça vient à la toute fin, quand la musique est vraiment calée, quand c’est vraiment fini. Moi, je travaille beaucoup au yaourt (rires). Je cherche vraiment la ligne vocale qui me plaît, celle dont je suis convaincu, celle où je sais que c’est la bonne et après j’écris les textes par-dessus et ça, pour le coup, je le fais tout seul à tête reposée. Mais ça, c’est encore un autre processus, un petit peu particulier là… pour le coup c’est vraiment la pure solitude. Là on sort du travail de groupe.

OK ! Et j’ai donc écouté Moons and Hideaway… qu’est-ce qui vous influence ? Qu’est-ce qu’on va retrouver là-dedans ?

On peut retrouver des choses très variées, mais qui ont tous un dénominateur commun : c’est quand même la recherche d’une émotion brute, un peu écorchée vive. Tu pourras retrouver par exemple, des groupes qu’on adore, des groupes américains de gros rock comme A Perfect Circle ou Alice in Chains, tu vois… Mais, on aime aussi le metal extrême. Moi, j’ai écouté beaucoup de black par exemple pendant la réalisation de l’album. Ça ne s’entend peut-être pas, mais on a écouté beaucoup de doom, on écoute beaucoup de post aussi. Donc c’est vrai que c’est des choses qui peuvent paraître assez… ça peut apparaître comme étant un assez grand écart, mais, finalement, on se dit qu’il y a quand même un dénominateur commun dans tout ça, c’est une certaine noirceur qui nous plaît bien et on voulait mettre grosse louche de mélancolie par-dessus tout ça. Et voilà, je dis que c’est ça qui définit un peu le groupe et aussi les influences très 90’s. Tu vois, à la Paradise Lost ou à la Type O Negative, ça… c’est des groupes qui nous ont marqués au fer rouge, même si pareil… c’est pas une influence qui saute aux oreilles, mais ça fait partie de notre ADN. Donc c’est quand même quelque chose d’assez vaste. Nos influences sont très variées. Et puis, y’a quand même aussi autre chose, c’est qu’on a travaillé la production de l’album avec Nikita Kamprad, de Der Weg einer Freiheit. Donc forcément, lui aussi, il a apporté sa touche à la sonorité de l’album donc voilà… Peut-être que ça aidera les lecteurs à plus percevoir le truc.

C’est marrant, tu dis des choses qui font écho aux deux dernières interviews que j’ai faites ! Il y avait des éléments contradictoires sur ce qu’un groupe cherche à susciter chez l’auditeur. Est-ce que vous cherchez à susciter une émotion particulière ou est-ce que chacun prend et reçoit comme il veut votre album, chacun se l’approprie comme il veut ?

Alors on ne cherche pas à susciter quelque chose en particulier. Par contre, là où je te rejoins, c’est qu’effectivement, on a fait une journée presse à Paris et les gens qui nous interviewaient avaient vraiment des retours très différents… C’est-à-dire qu’il y a des gens pour qui c’est un album d’un pessimisme extrême et extrêmement noir, etc. Et d’autres qui, à l’inverse, y trouvent à des petits moments une mélancolie latente et des moments d’espoir et qui le trouvent quelque part assez lumineux. Et donc c’est assez drôle ! Non, par contre, je pense effectivement que c’est un album plutôt sombre. Ça c’est sûr. Je pense qu’effectivement il y a des petites éclaircies au milieu des nuages mais à l’inverse, je trouve que c’est ces éclaircies qui rendent l’album encore plus sombre, à l’inverse que ça crée un contraste. Et je trouve que ça, ça noircit encore plus le tableau !

C’est exactement comme ça que j’ai écrit la chronique. En fait, c’est exactement dans ce sens-là, donc promis, je ne vais pas recopier l’interview mais c’est ce qui en ressort (rires).

Je pense que c’est comme quand t’es dans ta cave avec une lampe torche. Et ben, je trouve que le fait d’éclairer une partie de la cave, ça noircit encore plus les alentours. C’est dans une pénombre encore plus pesante quoi. Et c’est une thématique, je pense, qui parle à beaucoup et chacun peut se l’approprier comme il veut. On peut y mettre ses petites mésaventures personnelles.

Tout à fait ! Et on peut vous voir où pour le défendre en live cet album ?

Alors on est en train de signer quelques dates-là ! Les premières officielles sont là : le 22 avril, on joue dans la région de Roanne dans un festival qui s’appelle le Festirock Metal [NDRL : l’événement est annulé]. On joue aussi début juin, le 3 juin, au Lions Metal Fest. Donc là, il y a des pointures internationales donc c’est vraiment une belle affiche : Belphegor, Rotting Christ, etc. Ça va être une très belle date. On a une date début septembre dans un autre festival. Entre-temps, quelques petites dates : on va jouer à Nevers par exemple. On cherche très activement des dates donc n’hésitez pas !

On passe le message : si vous cherchez des groupes, bookez Lòdz et surtout, allez jeter une oreille à leur dernier album ! Merci à Éric d’avoir pris du temps pour nous parler de Moons and Hideways et à très bientôt en live !!!