Earthless
Night Parade of One Hundred Demons
Genre rock psychédélique instrumental
Pays Etats-Unis
Label Nuclear Blast Records
Date de sortie 28/01/2022

Site Internet

Earthless voit le jour en 2001 à San Diego, en Californie, et est composé d’Isaiah Mitchell à la guitare et au chant, de Mike Eginton à la basse et de Mario Rubalcaba à la batterie. Bien qu’essentiellement instrumental, Isaiah prête sa voix sur quelques titres comme Cherry Red ou Woman with the Devil Eye. Même si beaucoup de chanteurs se sont proposé de rejoindre la formation californienne, Earthless ne compte pas recruter l’un d’entre eux pour en faire un membre à part entière. En cette fin janvier 2022, le groupe sort un cinquième album intitulé Night Parade of One Hundred Demons, composé de trois pistes entièrement instrumentales et puisant ses influences dans la culture japonaise.

Au sujet de cette source d’inspiration, les musiciens évoquent une ancienne légende japonaise selon laquelle une horde de démons, fantômes et autres goules terrifiants descendraient dans les villages une fois par an, à la tombée de la nuit et alors que les habitants s’endorment. Connue sous le nom de « Hyakki Yagyō » ou « Night Parade of One Hundred Demons« , la légende possède plusieurs versions, dont une raconte que quiconque a le malheur de se trouver témoin de cette parade venue d’un autre monde meurt instantanément ou est emporté par les créatures de la nuit. Selon le bassiste Mike Eginton, son fils et lui-même, tous deux amateurs de mythologie et de folklore, auraient découvert cette légende dans un recueil d’histoires de fantômes japonaises. « J’aime l’idée que les habitants de ces villages se cachent pour être témoins de cette folie sans être repérés, explique-t-il. C’est la peur de l’inconnu. »

Les inspirations provenant de cette histoire terrifiante transparaissent dans l’album, tant dans la pochette que dans les compositions à la fois effrayantes, mystérieuses et complexes au point de raconter davantage d’histoires que ne le feraient des textes. À commencer par la première partie, intitulée Night Parade of One Hundred Demons Part I. Cette dernière ouvre les hostilités avec une guitare hypnotisante ; du côté rythmique, les cymbales subtilement frappées créent une atmosphère nipponne enveloppante et mystérieuse. Le morceau suit son chemin et transporte les auditeurs, à chaque évolution de rythme et de tonalité, dans la peur et les ténèbres. La basse bien groovy ajoute à l’aspect pesant ainsi qu’à la consistance de l’extrait. Les dernières minutes offrent par ailleurs une belle montée en puissance jusqu’à la fin du morceau, comportant notamment un solo de guitare électrisant façon Hendrix et une ambiance typiquement Black Sabbath !

S’ensuit une deuxième partie, la plus longue du haut de ses vingt-deux minutes, Night Parade of One Hundred Demons Part II. L’introduction rassemble le bruit du vent, les roulements de toms et la guitare menaçante et lente dans une combinaison on ne peut mieux calibrée. Parmi les instruments exploités se retrouve également un koto, instrument à cordes asiatique traditionnel. La basse fait ensuite son entrée et apporte équilibre et cohésion à l’ensemble. L’ambiance dégagée par l’ensemble du morceau évoque davantage une jam psychédélique qu’un morceau structuré, au risque de perturber l’auditeur. Je me suis pour ma part senti directement hypnotisé par l’atmosphère peu sécurisante et effrayante de l’œuvre. Cette Part II se divise elle-même en deux parties distinctes. La scission s’opère vers la moitié du morceau, qui prend alors une autre tournure, plus structurée et mettant l’accent sur une guitare aux riffs hurlants et remplis d’ingéniosité. L’intensité monte crescendo pour aboutir à une fin explosive partant dans tous les sens, pour le plus grand plaisir des oreilles.

Death to the Red Sun, sorti sous la forme d’un single en novembre dernier, sert de conclusion à l’ensemble. De par son excellente qualité ainsi que ses sonorités résolument tournées vers le stoner rock classique, cet extrait a quoi transcender plus d’un auditeur, y compris les plus avertis. L’atmosphère psychédélique donne au morceau un aspect à la fois intemporel et cosmique et fait de ce dernier un véritable classique du genre. Ses vingt minutes offrent leur lot de mélodies et rythmiques furieusement efficaces, pour une conclusion magistrale.

Extrêmement intense et d’une puissance mélodique imparable, Night Parade of One Hundred Demons entraîne ses auditeurs dans un véritable voyage psychédélique et fascinant. À l’écoute, difficile de ne pas s’imaginer dans un de ces villages que les démons viennent envahir à la tombée de la nuit… et de ne pas ressentir de terreur à l’idée d’être témoin de cette cérémonie digne d’un autre monde. La mise en musique donne à cette légende tout son sens et crée une immersion instantanée au cœur de ce conte japonais, en faisant la part belle à l’imagination de tout un chacun qui aura la curiosité — et la chance — d’écouter cet album-concept. Au travers de celui-ci, le plus sombre et le plus intriguant de leur discographie, les trois membres d’Earthless transmettent non seulement une ambiance sublime et poétique, mais tirent également leur public de sa zone de confort, de la manière la plus créative et brillante qui soit.