Bonsoir Alex, et merci pour cette interview ! Glory for Salvation sort cette année, deux ans après The Eighth Mountain. Comment décririez-vous la genèse de cet album ?

J’ai commencé à travailler dessus juste après la sortie de The Eighth Mountain il y a deux ans. Entretemps, beaucoup de choses se sont produites… Le plan que j’avais, de base, c’était de m’isoler chez moi et de travailler. Par chance, j’ai pu me rendre en Italie en juillet de l’année dernière (ndlr : Alex Staropoli vit à Londres) pour enregistrer Giacomo, les chœurs et certains instruments, parce que la situation là-bas s’était améliorée, et tout s’est déroulé sans accroc. Deux ans, c’est une longue période, ça représente beaucoup de travail… Je pense que c’est une durée raisonnable à consacrer au développement d’un album.

Cet album possède des sonorités différentes de celles des plus anciens de Rhapsody of Fire. Comment votre évolution en tant que compositeur s’y inscrit-elle ?

Et bien, tu sais, chaque album est différent de son prédécesseur… Je ne souhaite pas comparer les sorties de 97, 98, etc. à ce qui sort aujourd’hui. Ce sont des chansons différentes, avec des personnes différentes aux expériences diverses… Personnellement, je préfère composer de la musique qui a des sonorités très positives, d’une certaine façon. C’était déjà le cas pour The Eighth Mountain, et je pense encore plus pour Glory for Salvation, qui comprend encore plus de mélodies puissantes et positives. Beaucoup de refrains sont très positifs aussi, avec une approche de la musique très intensive, notamment au niveau des orchestrations… typiquement la méthode Rhapsody of Fire ! La passion que je cultive pour tous les instruments est toujours là, surtout dans les titres celtiques ; j’y inclus une cornemuse, une harpe celtique, des flûtes… Beaucoup de ces éléments sont toujours présents, c’est comme une combinaison des éléments anciens avec le son électrique de la période moderne, en résumé.

J’ai écouté l’album il y a quelques jours, et comme vous le dites, il comporte des sonorités très positives, avec des textes dans la même lignée, comme par exemple l’hymne I’ll Be Your Hero… C’est considérablement moins sombre qu’a pu l’être From Chaos to Eternity qui est sorti il y a dix ans. D’où provient toute cette positivité en pleine période de crise et de difficultés ?

Et bien, c’est une question de ressenti, mais ça dépend… parce que pour le prochain album, sur lequel j’ai déjà commencé à travailler, je ressens le besoin d’ajouter des chansons plus sombres et dramatiques. En fait, c’est un élément qui s’ajoute, un peu comme les instruments celtiques que j’ai déjà évoqués. Donc ça dépend toujours de pas mal de choses… J’apprécie d’avoir le contrôle sur la composition et les arrangements, mais j’apprécie aussi de laisser une certaine liberté dans le processus, je ne souhaite pas tout contrôler à 100 %. Dans Glory for Salvation, il y a une majorité de titres optimistes, c’est très bien pour moi, tu vois… et en clôturant la saga avec le prochain album, je ressentirai le besoin d’écrire des chansons plus en phase avec ce qu’on a pu faire dans le passé. Après, advienne que pourra ! (rires)

Comment les autres membres du groupe contribuent-ils à l’écriture des morceaux ?

Normalement, c’est moi qui suis en charge de la composition, mais depuis que Roby est arrivé il y a maintenant dix ans, j’aime aussi travailler avec lui. Pour ma part, j’ai une approche très axée sur la mélodie et l’orchestration, mais on a aussi besoin d’une approche plus « metal » avec la guitare électrique, et pour ça, je lui fais confiance. Il travaille toujours sur des riffs et des parties de guitare, qu’il me transmet ensuite, puis on se réunit et on décide de ce qu’on fait… Tu vois, c’est plus stimulant pour moi d’écouter ce que Roby a à offrir, et parfois, quand j’entends un simple riff, ça me donne des idées sur comment l’orchestrer et prendre la suite ; à partir de ce riff, créer quelque chose qui se marie bien avec, puis revenir vers Roby pour échanger… Pour moi, c’est important d’avoir un guitariste qui soit proche de moi au niveau de la composition, pour mettre en avant l’aspect « metal » du son du groupe.

Je crois aussi savoir que Giacomo Voli écrit beaucoup de textes pour les morceaux…

Oui, c’est lui qui les écrit tous, en vrai ! Au départ, Roby de Micheli a eu l’idée de cette saga, puis il me l’a proposée, et après un moment à discuter et travailler dessus jusqu’à arriver à quelque chose que j’ai vraiment aimé, on a transmis à Giacomo, qui a alors pu écrire tous les textes. Je suis très fier de ce que Giacomo a pu faire de ces titres ! De cette façon, on n’est pas dans une dynamique où je travaille seul, il y a aussi d’autres cerveaux et d’autres talents qui apportent leur pierre à l’édifice, et c’est important. Quand je compose un morceau, j’aime bien jouer aussi les lignes de batterie, de basse, et tout, mais bien sûr, au final, c’est à chaque musicien qu’il revient de les travailler, selon ses propres capacités. C’est sympa aussi pour moi de jouer par exemple une ligne de basse toute simple, puis ça revient à Alessandro Sala d’y ajouter un peu de vie. Pour moi, c’est une surprise d’entendre quelque chose de nouveau et de qualité ! C’est comme ça qu’on procède : on ne se réunit pas en studio, on travaille séparément, mais une fois qu’on a trouvé un plan et une vision communs, tous les éléments se rassemblent parfaitement à la fin.

Autrement dit, même avec les périodes de confinement, ne pas pouvoir se réunir ne vous a pas posé de réel problème…

Non, parce que d’ordinaire, on ne se réunit que pour répéter avant une tournée ou pour tourner un clip. Pour la production, tout le monde est libre d’enregistrer dans son propre environnement. Certes, je suis allé en Italie pour enregistrer Giacomo, les chœurs et les instruments celtiques et c’est quelque chose que j’apprécie de prendre en charge moi-même, mais pour la basse, Sala s’en occupe lui-même. Pareil pour les guitares, même si parfois je suis avec Roby parce que j’aime bien le processus d’enregistrement des guitares. Pour la batterie, en général, je ne suis pas présent, parce que ça se fait toujours en Allemagne, sauf pour cette fois où ça s’est fait à Trieste. Ça me convient de faire confiance aux personnes qui se chargent de tout ça. Je suis très flexible à ce niveau, j’aime m’accommoder au timing des musiciens.

Le processus de composition a évolué, et avec lui, le mixage du son, avec moins d’emphase sur les orchestrations et les chœurs et plus sur les guitares. D’où vient ce choix ?

En premier lieu, je tiens à dire que le travail de mixage qu’a fait Sebastian Levermann sur The Eighth Mountain était déjà incroyable, et avec Glory for Salvation, il a placé la barre encore plus haut ! Selon moi, le mix est puissant, riche… vraiment incroyable. Et ça donne de l’espace aux compositeurs : je sens que je peux pousser plus loin l’harmonisation, les arrangements, etc. Ça a été ma décision de réduire un peu le montant d’informations dans la musique, parce qu’à la fin, je veux entendre la basse, la guitare, la voix… je veux que la musique respire, éviter que tout soit compressé de telle sorte qu’on doit écouter des centaines de fois avant de comprendre ce qui se passe. En réduisant les informations et avec un mix adapté, je suis très satisfait. C’est aussi une question de physique : le son est créé par vagues, et plus il y a d’informations, moins la perception est claire…

En écoutant I’ll Be Your Hero (j’aime bien ce titre !), j’ai remarqué que le refrain était similaire à Run to the Hills d’Iron Maiden. Est-ce volontaire ?

Et bien, je pense que s’il y a ce genre de similitudes, c’est parce que j’adore ce genre de refrain et d’harmonie… Je prends ça comme un compliment ! Je crois que les deux chansons ont un super refrain. J’ai toujours adoré les refrains qui s’ouvrent d’un coup, qui te donnent des frissons, et en composant et en faisant des arrangements, si les frissons arrivent, c’est signe pour moi que je suis sur la bonne voie. J’aimerais aussi ajouter que pour cette production, Giacomo et moi avons mené un travail extensif sur les mélodies et qu’on a ajouté tout un lot d’harmonies et de chœurs. Ce qui fait qu’à la fin, la voix prend une grande place ! Cette remarque que tu fais, ça signifie beaucoup, parce que ça veut dire que le message ressort et que la qualité des voix et des harmonies est vraiment présente.

Au-delà de la composition et du mixage de son, Glory for Salvation est un album qui raconte une histoire, la suite de The Eighth Mountain. Avez-vous dans l’idée d’en faire une grande saga épique comme The Emerald Sword ou The Dark Secret ?

J’ai tendance à ne pas faire de comparaison avec le passé, spécifiquement en terme d’histoire ; j’ai une approche complètement différente… En fait, pour moi, les mots revêtent un usage totalement différent. Les mots sont vraiment importants pour moi, même si je n’écris pas de paroles et que je ne saurai jamais en écrire, mais ce que je sais, c’est que la formulation des mots doit résonner. Chacun d’entre eux doit avoir du sens et faire passer un message. Glory for Salvation est le deuxième chapitre de cette nouvelle saga signée Rhapsody of Fire. C’est le moment dans l’histoire où le héros ouvre les yeux sur la réalité du monde autour de lui et qu’il prend conscience qu’il devra se battre avec tout son pouvoir et toute sa force pour accomplir ses objectifs. Beaucoup de gens me demandent s’il existe un lien avec notre vie quotidienne ou la société. Ce n’est pas le cas, mais il existe aussi une métaphore qui pourrait mener les gens à croire en eux et réaliser que chacun d’entre nous a droit à une seconde chance, comme notre héros, mais pour y parvenir il faut s’en donner les moyens… Je ne pense pas être en position d’apprendre quoi que ce soit à qui que ce soit, mais les paroles sont porteuses d’un message, très positif, et j’en suis heureux.

La thématique de l’hiver est également très présente dans l’album. Cette saison est-elle une grande source d’inspiration pour vous ?

Et bien, dans cette histoire, oui. Le froid est principalement lié aux luttes dans l’histoire et à l’intensité qui s’en dégage. Je trouve que ça illustre bien ces thèmes, notamment au niveau du graphisme qui, je suis très content de le dire, a été réalisé par Alex Charleux, qui crée des œuvres de fou ! Il travaille avec Rhapsody of Fire depuis Legendary Years, et Alex a produit quelque chose d’incroyable pour Glory for Salvation. […] Dans la plus pure tradition Rhapsody of Fire, on a cherché un maximum de résonance entre la musique et l’aspect visuel, pour nos amis et nos fans. Je considère que c’est important pour nos fans d’acheter un album qui est beau en plus de bien sonner !

Quelles sont vos autres sources d’inspiration ?

Personnellement, quand je compose de la musique, j’imagine toujours des montagnes, des paysages, des forêts… Depuis mon enfance, je suis fasciné par la nature, les balades en montagne et en forêt… c’est quelque chose qui m’est resté. Il n’y a rien de plus important que la nature dans laquelle nous vivons : sans elle, vois-tu, on disparaîtrait tout simplement de cette planète ! J’ai donc un genre de dévotion et de respect total envers la nature ; c’est cela qu’on essaie de faire ressortir au travers de la musique.

Quelques inspirations littéraires ou cinématographiques ?

Dans mon cas, les livres, non, par contre, les films, énormément. Toute ma vie j’en ai été un avide consommateur, et bien sûr, au sommet de nos carrières, quand Le Seigneur des Anneaux est sorti et qu’on a travaillé avec Mr. Christopher Lee, la connexion avec le cinéma et les mondes de fantasy a aussi atteint des sommets. Aujourd’hui, lorsque je compose, je me remémore tous ces souvenirs magiques et ces paysages extraordinaires…  ils sont tous liés d’une manière ou d’une autre à la nature, encore, donc on en revient toujours à elle et à sa magie.

Vous partez bientôt en tournée pour la promotion de Glory for Salvation. Comment appréhendez-vous ce moment ?

C’est une très longue tournée, qui comporte trente dates, dans de nombreux pays et de nombreuses villes… ça fait beaucoup de fans à rencontrer, enfin ! On en est très heureux. On s’y prépare, on va répéter très prochainement. Espérons que tout se passe pour le mieux et qu’on puisse se lancer, parce que… on ne sait jamais ce qui peut arriver ! (Rires) On se met au travail et on est très contents de retrouver une vie normale et de remonter sur scène. On est aussi très enthousiastes à l’idée de jouer de nouvelles chansons, du coup la setlist promet d’être intéressante.

Je fais cette remarque en tant que journaliste française : je vois que cette tournée comporte pas mal de dates en France ! Vous devez être tous heureux de retrouver vos fans français…

Oui ! En fait, on a commencé à programmer la tournée en sachant qu’il y aurait une semaine en Espagne et une semaine entière en France. On a organisé la suite à partir de ces deux semaines déjà établies. Je trouve ça fantastique, parce que j’adore jouer à Paris, bien évidemment, mais dans toutes les villes où on a joué en France, le public était génial. Ça faisait un moment que j’attendais de pouvoir faire d’autres concerts, comme avant. Parce qu’on n’a jamais joué seulement à Paris, on est passés par Lyon, Lille, Marseille… C’est super, j’adore ça ! […] Tu vois, on est prêts à jouer, on est très enthousiastes à cette idée, on fait confiance à notre agence All Access Entertainment pour programmer les dates… C’est l’heure de rendre tout ceci réel et de faire notre retour en pleine puissance, force et enthousiasme. On n’a plus qu’à monter dans le bus, et c’est parti ! (Rires)

Vous dites que vous êtes déjà en train de travailler sur la suite de Glory for Salvation. Je crois savoir qu’elle constituera la fin d’une trilogie…

Oui, probablement. Après, ça dépendra de comment ça se passe au niveau de l’écriture… on aura plus de marge pour décider quand les morceaux seront composés et qu’on passera à une approche centrée sur les textes. On a toujours dit que ce serait une trilogie, mais si ça se révèle nécessaire à l’histoire, il y aura peut-être un autre album ; je ne peux pas encore en être sûr. En ce moment, je travaille sur la musique quand j’ai le temps, je note quelques idées… rien de très abouti, mais j’ai déjà quelques morceaux écrits. C’est bien pour moi de démarrer le travail assez vite, parce que je me connais et je sais que je suis parfois un peu paresseux, donc je préfère prendre de l’avance et arriver à tenir un délai, si tu vois ce que je veux dire… Du coup, c’est sympa d’anticiper, ça évite de tout devoir faire au dernier moment !

Après tout, ne pas tout planifier à l’avance peut réserver de bonnes surprises !

Oui, bien sûr, il y a toujours de la place pour les surprises ! Je désire être surpris moi aussi, du coup c’est un procédé très excitant : chaque fois que tu finis un album, tu te demandes ce que tu vas faire par la suite et tu cherches à faire encore mieux. À chaque fois, c’est un challenge ; si tu y fais face avec confiance et sérénité, tu sais le relever.

Merci pour vos réponses et pour toute cette positivité ! Quelques derniers mots pour les lecteurs ?

Merci beaucoup ! On est impatients de remonter sur scène, on espère que tout se passera bien et qu’on pourra vous retrouver pour vous faire passer une bonne soirée. On a vraiment hâte !