Sordide
Ainsi finit le jour
Genre black metal/punk
Pays France
Label Les Acteurs de l'Ombre Productions
Date de sortie 25/10/2024

Site Internet

Le trio Sordide est fondé en 2013 par trois N : Nemri, le batteur-chanteur (Iffernet, ex-Asphodèle), Nehluj, à la guitare et au chant, ainsi que Nekurat, remplacé par Nebersth officiant à la basse depuis l’année dernière. Tel un Jean Dubuffet créant l’art brut avec l’Hourloupe, Sordide crée un metal cru avec son premier album La France a peur et une reprise étonnante de Crève Salope, de Renaud, vomissant sur notre société bien-pensante. Le deuxième LP, Fuir la lumière, produit par les Italiens d’Avant-Garde Music, sort en 2016. Un an plus tard, Sordide s’allie avec le groupe Satan pour un split. Ce dernier étant chez Throatruiner, label nantais, il était logique que le trio s’en approche pour leur troisième méfait. En 2019, Hier déjà mort sort et leur a permis d’ouvrir pour Sun)))O à Rouen. En 2021, Les idées blanches, le quatrième album, sort chez Les Acteurs de l’Ombre Productions, qui a peut-être repéré Sordide grâce à l’édition d’un livre autour des paroles de leurs premiers albums conçu et illustré par un collectif d’une vingtaine d’artistes. Il en est de même pour ce nouvel album, Ainsi finit le jour, dans les bacs depuis le 25 octobre dernier.

D’un point de vue global, le black metal de Sordide a un goût particulier, amer même : à l’instar de Jours Pâles, projet de Spellbound d’Aorlhac (ex-Asphodèle comme Nemri), les textes sont contemporains, rageurs et révoltés. traitant du malaise des Français, de la violence et du fascisme, tout en y associant des sons punk et crust, pointant ainsi la sordidité de notre monde. L’artwork de ce nouvel album donne le ton : l’artiste milanais Lucio Mondini, alias Tryfar, qui a déjà oeuvré, entre autres, pour les Suisses de Borgne, nous présente un grand brasier, comme ceux de la Saint-Jean, censé éloigner les démons de notre société. Quant aux photos du groupe, c’est Jérémy Thiercelin de Push It to the Limit, photographe de concerts, qui s’y colle.

Des feux plus forts ouvre les hostilités. Après un larsen, le groupe entre tout de suite dans le vif du sujet, avec un blast incessant et des riffs répétitifs pouvant paraître disharmonieux, ainsi qu’un refrain scandé par les deux voix. La puissance des paroles et de la musique en dit long sur ce qui nous attend.

Si le premier titre offre un versant plus black, Nos cendres et nos râles présente un visage beaucoup plus punk par la rapidité d’exécution. Les paroles incendiaires sont traitées comme un inventaire de Prévert… du moins pour la première partie. Pour la seconde, qui occupe l’autre moitié de ces huit minutes, on bascule sur une partie instrumentale aux noires sonorités. Cette dualité, qui crée l’identité de Sordide, déroute par ce côté très tranchant en un seul titre mais reste une délectation pour nos esgourdes.

A contrario, Le cambouis et le carmin est un titre pur black de par sa lenteur, la voix plus écorchée, la guitare bourdonnante telle une nuée d’insectes. Un titre-phare, à mon sens, qui prend aux tripes, ne laissant pas indifférent l’auditeur qui ne peut s’empêcher de dodeliner de la tête. Après une ligne de batterie introductive, Sous vivre se situe dans la même veine, mais avec une intensité décuplée. La voix sortie tout droit sortie du Styx, ainsi qu’un rythme étiré, extrêmement lent, nous rendent mal à l’aise jusqu’à nos tréfonds. C’est probablement l’un des morceaux les plus remarquables de l’album.

La nausée disparaît avec le rock’nroll du revendicatif Banlieue rouge, morceau plus court, hyper punchy dans lequel cohabitent arpèges électriques et batterie bien mise en avant ; en résumé, un titre dédié à la scène. Ce morceau court ouvre la voie à une belle transition avec La poésie du caniveau dans un exercice « punky-black » ou « black-punky » — à vous de choisir. Pour l’anecdote, le 5 août dernier, Poésie Zéro, groupe punk de Nantes, a sorti un morceau au titre similaire, Dans le caniveau. Hasard, clin d’œil, ou hommage ? En tout cas, c’est réussi.

Le morceau donnant son titre à l’album, Ainsi finit le jour est composé dans un black metal misanthropique, avec un chant crié faisant penser à celui de Hreidmarr de Glaciation et Gravenoire. La Beauté du Désastre est vif, aux textes-fleuves tantôt criés, tantôt parlés, avec des changements de rythmes faisant la part belle à la basse et aux fûts, et ce, pendant plus de huit minutes. Il s’agit ici d’une apocalypse auditive qui porte bien son titre. Un morceau anthologique ! Enfin, Tout Est A La Mort est digne des plus grandes oraisons funèbres. Le rythme lent cadencé par la batterie nous fait rejoindre une longue procession funéraire.

Avec les 55 minutes d’Ainsi Finit Le Jour, Sordide peut s’enorgueillir de jouer avec nos sentiments, nous faisant passer de la colère à la résignation en passant par la révolte et la crainte. Probablement, grâce à l’effet LADLO ainsi qu’à un son qui semble ne plus être enregistré dans les conditions de répétition, la production paraît plus délicate que pour les premiers albums. En outre, comme à son accoutumée, Sordide donne des titres très percutants à ses morceaux. La marque de fabrique restant perceptible, le trio a désormais tendance à laisser de plus en plus de côté ses influences punk. De la noirceur de notre âme à la perfidie de la société, il n’y a qu’une pensée.

Il ne nous restera qu’une chose à faire : guetter une future date pour les voir ou les revoir en live. Pour ma part, je m’en délecte par avance… Les batteurs-chanteurs m’ont toujours impressionné.