Kymris
Mythes et légendes de la Comté
Genre death metal mélodique/pagan metal
Pays France
Label autoproduction
Date de sortie 17/05/2024

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Les contes, mythes et légendes constituent pour les groupes et musiciens une source inépuisable d’histoires à raconter en musique, en particulier lorsqu’il s’agit de mettre en avant le patrimoine local. Ainsi est-ce dans cet état d’esprit et autour de lui que se forme Kymris courant 2020, puis que le groupe sort en mai 2024 son premier album, fruit de ces quatre ans de travail écoulés. D’un titre qui révèle sa thématique, Mythes et légendes de la Comté, les histoires que cet opus regroupe n’ont pourtant rien à voir avec la contrée dépeinte par J.R.R Tolkien dans Le Seigneur des anneaux. À la place, les six musiciens nous emmènent dans une Comté bien plus proche de nous, celle de leur Franche-Comté d’origine, à la découverte du folklore local, plus modeste mais tout aussi captivant pour qui veut bien se laisser guider.

Une introduction instrumentale, L’entrée dans la combe, souhaite la bienvenue aux visiteurs dans l’univers de Kymris. Ce sur quoi cet accueil se poursuit, en bonne et due forme, par les deux premières légendes du recueil, Le pacte de Colbus et La clef de feu, qui se succèdent l’une l’autre. D’emblée, ce premier enchaînement révèle les deux meilleurs atouts sur lesquels mise le groupe et qui sont le rythme soutenu, d’une part, le mélange savant des influences musicales, d’autre part. Parmi ces dernières, le death metal mélodique tel que les pays du grand nord européen savent en produire est la première à venir en tête à l’écoute ; en tête, des représentants tels In Flames sauce première heure, ainsi que Children of Bodom — voire un chouïa d’Eternal Tears of Sorrow — sont les premières à s’imposer à l’esprit. D’autres se manifestent de manière un peu plus avenante dans La clef de feu, issues du metal néo-classique dans le jeu du guitariste lead Kevin Joly, du metal progressif dans la structure en crescendo, qui renforcent l’aspect narratif du morceau. Quelques nuances de black metal, également, se retrouvent, essentiellement dans la voix du chanteur David Richard, à un degré moindre dans les quelques riffs en tremolo picking.

L’ambiance dans laquelle Kymris immerge son audience dès ces premiers titres se fait sombre et chargée de mystère, mais non moins accueillante et chaleureuse pour des auditeurs qui se retrouvent témoins des histoires qui leur sont narrées.

Un autre enchaînement de deux titres s’ensuit, qui forment à eux deux le conte des Deux bossus : le premier, récompensé pour ses vertus, dont l’histoire est contée dans une Part 1 à l’approche très folk et dansante centrée sur une mélodie de flûte jouée au synthétiseur ; le second, puni pour ses vices, dont la déchéance est relatée dans la Part 2 aux accents dramatiques prenant la forme de blast beats et d’une lead en arpèges. Ce diptyque en miroir constitue la partie la plus intéressante de l’album de par sa manière de représenter la dichotomie de ton et de thème au cœur de l’écriture de ce dernier, entre gravité et légèreté. Chacune des deux moitiés du tout possède son passage signature qui le rend mémorable : pour la Part 1, il s’agit de son entêtante conclusion en chant clair entonnée à cœur joie que n’aurait pas reniée Ensiferum ; pour la Part 2, de la lead de basse de Marvin Tarby durant le dernier tiers.

Suit un Interlude instrumental faisant office d’entracte et qui montre par-là même que Kymris sait faire preuve de relâchement dans son rythme, en plus de mettre en avant une facette plus acoustique de sa musique. Après quoi, le groupe opère un retour aux sources du début de l’album avec Les cavaliers cannibales, morceau dont il a par ailleurs tiré son premier clip. Sa rythmique très dense soutient des riffs et mélodies parmi les plus prenants de l’album ainsi qu’une performance vocale agressive et cinglante de la part d’un David Richard plus démoniaque que jamais.

Par la suite, le groupe poursuit sa route sur des chemins sombres, cependant assez distincts les uns des autres pour ne pas s’y perdre en même temps que son auditoire. L’ours de Crosey, de par son mid-tempo et ses tons mélancoliques, évoque des influences telles Dark Tranquillity ; Drack oscille quant à lui entre des passages death et d’autres plus axés gothic metal portés par le claviériste Sylvain Joly. La sorcière de Florimont joue sur ce même contraste entre riffs et voix coléreux et la douceur d’une flûte synthétique très — voire trop ? — ténue, jusqu’à une conclusion orchestrale et atmosphérique, sympathique et rare moment de mise en valeur du clavier. Enfin, la chanson à boire Truzna et son accordéon à la façon de Finntroll ou Korpiklaani concluent ce recueil de Mythes et légendes de la Comté sur une note dansante et festive, dont la légèreté fait du bien après cette plongée aux tréfonds du folklore régional macabre.

En combinant savamment diverses influences qu’il met au service d’un sujet susceptible d’intriguer un grand nombre de curieux à une approche terre-à-terre et organique, Kymris a, au travers de ce premier album, trouvé la formule qui lui correspond et qui fonctionne. Lui reste à présent à la développer. Une production moins brute ainsi que l’apport d’une attention particulière aux claviers et aux voix, dont les fréquences se voient ici mises en retrait, constitueraient — à mon opinion — une étape en ce sens. Dans tous les cas, Mythes et légendes de la Comté s’impose à l’heure d’aujourd’hui comme un joli livre de contes noirs et brodés de fils dorés, à découvrir à la lueur du foyer…