Carpenter Brut et Perturbator ont ceci de particulier qu’ils symbolisent, presque à eux seuls, en raison de leur succès, cette vague synthwave qui est de retour depuis plusieurs années et dont l’intérêt que lui porte le public metal est aussi massif qu’il peut sembler étonnant. La puissance qui se dégage de leur musique et les passages, il est vrai, très métalliques qu’elle contient, expliquent sans doute une partie du phénomène sur lequel nous n’allons pas disserter ici.
Les points communs qui unissent ces deux groupes étant plus nombreux et évidents à remarquer que leurs différences, bien que leurs spécificités stylistiques soient bien marquées, il n’était que logique que les deux groupes se retrouvent un jour ou l’autre à l’occasion d’une tournée commune, ce qui est aujourd’hui chose faite avec le Leather Sacraments Tour.
Le public de ce soir est composé d’un pourcentage non négligeable de métalleux et de membres de différentes tribus non identifiables. En première partie, nous découvrons Ho99o9 (prononcez « Horror »), un duo de punk/rap américain, complété par un batteur live. Leur musique, essentiellement samplée, contient, hormis une bonne dose de rap, des éléments indus ou certains phrasés et gimmicks propres au hardcore, qui font ponctuellement dresser l’oreille des métalleux présents dans la salle, tandis que les autres spectateurs semblent globalement satisfaits du spectacle, si l’on en juge par leurs réactions un peu plus que polies, pendant et entre les morceaux.
Présenté comme co-headliner, Carpenter Brut jouera, du moins ce soir, avant Perturbator, les deux groupes disposant, de toute façon, de temps de jeu à peu près identiques. Le line-up, composé de Frank « B. Carpenter » Hueso à la programmation, d’Adrien Grousset à la guitare et de Florent Marcadet à la batterie, peut déconcerter de prime abord l’amateur de musique « live ». « Où est le chanteur ? » est la question qui peut venir à l’esprit ! En effet, bien que la musique de Carpenter Brut soit principalement instrumentale, il est communément admis que les quelques parties chantées soit assurées par un individu en chair et en os, physiquement présent sur scène et actionnant ses cordes vocales pour faire émerger des sons de sa gorge. Ici, le chant est programmé. Ceci dit, certains usages considérés comme fondamentaux dans une culture particulière peuvent très bien être perçus comme aberrants dans une autre, et inversement. Alors, pourquoi pas ? De plus, n’en connaissez-vous pas, des groupes prétendant jouer en « vrai live », mais qui n’avouent utiliser des bandes qu’une fois contraints et forcés par l’évidence ? Ici, au moins, on assume…
Le set de Carpenter Brut ravira le public, y compris votre serviteur. La musique est taillée pour cela, easy listening la plupart du temps, avec un parfum 80’s évident et saupoudrée de passages métalliques assurés par Adrien Grousset, qui n’est pas un manchot en matière de solo. L’ambiance montera crescendo jusqu’au final, avec la reprise de Maniac, le méga-hit disco-pop de Michael Sembello composé pour la bande originale de Flashdance (1983).
« Attention ! Attention ! Pour des raisons techniques, veuillez quitter la salle par la sortie la plus proche. » Cette injonction sera lancée deux fois, sans provoquer la moindre réaction du public, et fera office d’intro un peu décalée au concert de Perturbator. James Kent, alias Perturbator, se produit simplement accompagné d’un batteur, et présente d’emblée un côté sombre, matérialisé par un décor de scène à la mode gothique/black metal, rappelant inévitablement ses débuts au sein de diverses formations black. Musicalement, le dernier album en date, Lustful Sacraments, à l’ambiance plus gothique/new-wave — en un mot, plus « dark » que les autres — installe l’atmosphère grâce à Excess, premier titre d’une setlist qui en comptera douze. Le noir restera momentanément la couleur prédominante, puis le set gagnera quelque peu en luminosité avec des titres certes loin de se rapprocher d’une pop mainstream, mais montrant un certain nombre de points communs avec ceux de Carpenter Brut. Au final, un bon concert sans points faibles, mais aussi sans moments réellement forts. Et, comme les autres groupes — c’est sans doute la coutume dans l’univers qui est le leur —, Perturbator s’en ira sans remercier ni saluer un public qui, de toute façon, n’en demandait pas tant et quittera la salle visiblement ravi.
Ho99o9
Carpenter Brut
Perturbator