Salut Vorph, et merci d’avoir accordé cette interview pour le New Blood Fest. Samael en tête d’affiche qui va clôturer le New Blood Fest dans quelques heures. Je sais que Samael, on ne le présente plus, c’est un groupe de vétérans, mais ça doit quand même toujours faire quelque chose d’être tête d’affiche. Comment tu te sens ?

C’est toujours sympa, mais c’est aussi toujours une responsabilité. Après, on ne peut pas forcer les gens à venir, mais on va faire en sorte que ça se passe bien pour ceux qui seront là.

Pour parler de Samael qui se retrouve tête d’affiche du fest, comment ça s’est passé l’intégration du groupe à l’affiche ?

Alors, je ne saurais pas le dire exactement, parce que ce n’est pas moi qui me suis occupé des « réglages ». Je crois que si j’ai compris juste, la personne qui nous avait fait le son sur la tournée Passage il y a une année, Brett, était en contact avec quelqu’un du festival et je crois qu’il a mis notre management dans la loop. C’est arrivé comme ça.

Pour revenir sur la discographie de Samael, il y a un certain ralentissement dans les sorties d’albums depuis un certain nombre d’années : il y a eu six ans entre les deux derniers. Pareil pour Hegemony, qui est sorti il y a six ans. À part les problèmes assez évidents qui sont liés au Covid, qu’est-ce qui explique ce ralentissement ?

C’est juste. Écoute, on ne sait pas combien d’albums on peut faire encore et on veut vraiment… Je pense qu’on est, encore aujourd’hui, contents avec ce qu’on a fait sur Hegemony. À l’époque, ça allait beaucoup plus vite pour être un petit peu… je ne vais pas dire déçus, mais d’être dans un état où on se dit « Tiens, on peut faire mieux ; tiens, on aurait dû faire ça comme ça… » Là, on se dit « Voilà, ça nous va comme ça s’est fait. » Donc, on veut essayer quand même de faire un pas musicalement, du coup ça prend du temps : on remet les morceaux sur la table, on les retravaille, on essaie d’avancer un peu à tâtons comme ça. Tu parlais effectivement de la pandémie ; ça ne nous a pas forcément ralentis dans le processus de création parce que là, pour le coup, on a eu du temps. On s’est vus, on a écouté les morceaux ensemble, tous les quatre, parce qu’on avait moins l’occasion de le faire à l’époque. C’est quand même mon frère qui fait toute la musique ; moi, je m’occupe plutôt des textes. Là, on y est. On est en train d’enregistrer, on a déjà fait quelques prises. On espère finir ça pour le début de l’année prochaine ; on va devoir le mixer. Je ne sais pas si on arrivera pour une sortie 2024, mais peut-être un single déjà, si tout va bien, je ne sais pas… mais on y est, on avance.

Tu viens de répondre à une autre de mes questions parce que, parmi les groupes à l’affiche du New Blood Fest, il y en a beaucoup qui sont pour ainsi dire sur le retour, après avoir connu des ralentissements dans leur carrière aussi, souvent pour des raisons indépendantes de leur volonté. Et du coup, je me disais que c’était peut-être le cas pour Samael aussi, qu’on pouvait peut-être s’attendre à un nouvel album bientôt. Du coup, je vais plutôt demander à quoi on peut s’attendre pour le prochain album…

Tu vois, c’est un peu trop tôt pour en parler. Nous-mêmes, on ne sait pas encore. On a plus de titres que ce dont on a besoin pour l’album… ce qui est déjà arrivé par le passé. On va devoir faire un choix. Ça, ça va être une des premières étapes. Et puis, à partir de là, on va voir. Je pense que c’est une suite logique, je ne sais pas, mais c’est une suite de ce qu’on a fait avec Hegemony ; il n’y a pas de cassure. J’espère qu’il y aura des surprises, par contre, mais c’est une suite. En tout cas, dans ma tête, ça fonctionne comme ça.

Et puis, il y a aussi autre chose que permet un ralentissement entre deux sorties d’albums, c’est de prendre du recul, notamment avec le recul de six ans sur Hegemony. Comment le groupe considère-t-il cet album par rapport aux albums plus anciens ?

Écoute, moi, je le vois aussi comme ça. Après, c’est toujours un ressenti, ce n’est pas des vérités absolues, mais j’ai l’impression que c’était un peu un album d’art nouveau. Je pense que l’album précédent, Lux Mundi, ça a été un peu celui où on a essayé de rejoindre tous les points parce qu’il y a eu quand même différentes influences dans le groupe depuis toutes ces années. On a essayé d’avoir quelque chose de compact, essayé de trouver les jointures pour faire quelque chose de solide, et je pense qu’on a construit Hegemony là-dessus. Pour moi, c’était un peu un premier nouvel album, la version 2.0 de Samael. Donc là, maintenant, ça serait le deuxième de cette version-là.

Justement, le style de Samael, c’est vraiment un style signature qu’on connaît bien. On ne présente plus l’historique du groupe : il a d’abord fait du black, ensuite, il a fait sa transition vers l’indus et finalement, il a un style signature avec des morceaux qui sont courts, qui sont très catchy, avec beaucoup d’influence 80’s. Est-ce que ce n’est pas un peu difficile de se renouveler quand on a un style qui est si spécifique ?

Ce n’est pas un choix d’avoir un style comme ça, ça vient aussi à l’écoute. On n’a pas l’impression d’être dans un box où on a mis des règles qu’on doit respecter. Si quelque chose arrive sur la table qui sort un peu de l’ordinaire, on va faire en sorte de pouvoir l’intégrer. Je me sens pas frustré et je crois que c’est le cas de nous quatre, donc pour l’instant ça va.

Une question un peu perso : quel serait selon toi le meilleur album black de Samael et le meilleur album indus ?

Je ne fais pas une scission aussi radicale, mais disons que si tu parles plutôt old school, je pense que Ceremony [of Opposites], c’est clairement ce qu’on a fait de mieux dans le style. D’ailleurs, c’est aussi pour ça qu’on a un peu changé après, parce qu’on s’est dit « Là, on est un peu arrivés dans un cul-de-sac où on essaie de refaire cet album à l’infinitum ou alors on essaie de trouver une porte de sortie. » Et c’est vrai que Passage, c’était cette idée d’essayer de transcender ce qu’on avait fait, puis d’aller sur quelque chose d’autre. Après, on a des influences électroniques et industrielles, mais je ne nous le considère pas forcément comme un groupe d’électronique ou d’industriel, parce que notre base, ça reste du metal quand même. Après, je ne peux pas dire… Je suis très content d’Hegemony, donc je citerai celui-là parce que c’est un peu le renouveau pour moi.

Parmi les morceaux de Samael, il y en a beaucoup qui sonnent vraiment comme des hymnes qui se reprennent en cœur. Moi, il y en a un que j’adore, c’est On Earth. Mais est-ce que parmi ces hymnes, il y en a un que, quand vous le jouez sur scène, le public rentre vraiment en communion avec vous ? Celui où le public est vraiment le plus réceptif.

Je ne peux pas le dire parce que ça dépend des soirs, ça dépend des endroits où on joue. Il y a des fois, tu ne sais pas pourquoi, il y a un morceau, on en parle après le concert en disant « Ce soir-là, c’était celui-là. » C’est le morceau qui a dégagé le plus de choses, qui a connecté le mieux avec le public. Ça dépend, c’est vraiment quelque chose d’ouvert. On ne joue pas forcément tout le temps les mêmes titres, donc des fois, il y a une surprise qui est une bonne surprise. Des fois, on essaie d’intégrer un morceau qui est un peu moins connu. Et puis ça marche ou ça ne marche pas, tu ne sais pas. Donc je ne peux pas vraiment répondre à ta question.

Après, l’avantage d’avoir une discographie qui est plutôt large, c’est que ça permet de varier les setlists.

Oui. Après, il y a quand même des structures. C’est vrai que si on regarde les morceaux qu’on a joués les dernières années, il y a quand même des choses qui reviennent. On a joué Passage en entier l’année passée, on avait fait Ceremony [of Opposites] quelques années auparavant… Ça nous permet quand même d’avoir des sets en deux parties où on peut aussi proposer un medley de ce qu’on a fait, donc ce n’est pas qu’un album, il y a deux choses. J’aime assez bien la formule… On est contents de faire autre chose…. mais on va pas faire ça ce soir.

Et puis, il y a quelque chose aussi que j’ai noté, c’est que ces dernières années, vous avez sorti pas mal de rééditions de vieux morceaux comme Baphomet’s Throne ou Ave!. Est-ce qu’on peut espérer peut-être une réédition d’un vieil album ?

On a parlé de certaines choses, mais pour l’instant, il y a rien de vraiment concret. Après, tu parles de Baphomet’s Throne ; c’était un single et c’est notre ancienne maison de disques qui a pris cette décision-là. Pour l’histoire d’Ave!, c’est un peu différent parce qu’on a, nous, ressorti Lux Mundi et Solar Soul sur notre label actuel, Napalm Records ; c’était notre propre choix de le faire. Il y a aussi d’autres gens qui prennent des décisions pour nous.

En fait, c’est une question de compromis, finalement.

Je ne sais pas si c’est un compromis, vu que ce sont les morceaux qui appartiennent à notre maison de disques précédente. Si tu veux, on a le contrôle absolu sur nos morceaux depuis Reign of Light. Ce qui a été enregistré avant, on a les droits d’auteur, par contre, on n’a pas les droits des enregistrements ; là, c’est le label qui décide de faire ce qu’il veut avec. Des compilations, par exemple, une des seules qu’on a faites, Aeonics, c’est une idée de Century Media : ils nous ont proposé de participer, on l’a fait parce qu’on s’est dit « On préfère que ça soit quelque chose qui est un peu dans notre ligne que d’avoir l’impression de se faire un petit peu mener par le bout du nez. »

Pour en revenir au festival, Samael est souvent tête d’affiche dans des festivals qui sont très grands. Là, vous n’avez pas eu beaucoup de chemin à faire de la Suisse jusqu’ici. C’est un festival à petite échelle, à taille très humaine. Comment est l’ambiance dans ce genre de festival ?

Ça, je pourrais te dire après avoir joué, mais tu sais, on a déjà fait pas mal de dates à l’époque en France. C’est vrai, on en parlait sur le chemin, ça faisait longtemps qu’on n’avait plus fait une date dans un endroit un peu plus bucolique comme ça. Mais ça nous rappelle nos premières dates.

À propos, tu te souviens peut-être du tout premier concert de Samael ?

Du tout premier ? Oui, la première fois que je suis monté sur scène, oui, je m’en souviens parfaitement. C’était dans la région d’où on vient. C’était même pas avec mon frère, c’était encore avec un autre ami qui était le premier batteur avec qui on a joué une année à peu près (Pat Charvet, ndlr). Et puis, le premier concert avec mon frère, je m’en souviens également, c’était en Allemagne, un tout petit club ; on avait fait huit heures de voiture pour jouer quarante minutes… Mais bon, voilà, c’est une expérience et on s’en souvient encore maintenant, donc ça valait la peine.

Tout à l’heure, tu évoquais la responsabilité d’être tête d’affiche, de clôturer un festival, mais ça m’amène à une autre, c’est de représenter le canton du Valais à l’étranger.

Tu sais, on n’essaie pas de « représenter », on se représente tout seuls !

C’est quand même un sacré défi quand même que de représenter, pas forcément sa région, son pays, se représenter soi-même. Et je suppose qu’il y a un certain niveau d’exigence envers soi.

Ça, on l’a d’office. Tu parlais aussi tout à l’heure du fait qu’on prend plus de temps d’un album à l’autre ; c’est aussi parce qu’on attend plus de nous-mêmes. Et puis, on n’est pas satisfaits avec la première chose qu’on crée, donc on essaie de moduler les choses pour arriver à un résultat qui nous convient.

Quel rapport entretient Samael avec son public en Suisse et avec son public en France ?

On ne fait pas de différence. Le public, c’est une connexion pour moi. C’est une connexion et tu essaies de l’avoir, tu essaies de la maintenir, et puis, si ça fonctionne, c’est gagné. C’est un peu ça, finalement, le fin mot de tout ce qu’on fait.

Il y a quelque chose qui m’a beaucoup amusée quand j’ai vu le stand de merchandising tout à l’heure, c’est qu’on y vend des puzzles. Qui a eu cette idée ?

C’était nous, on en avait parlé : c’était à la période de la pandémie, donc forcément… (rires) personne ne pouvait faire quoi que ce soit. Donc on n’est pas les seuls à avoir fait des puzzles à cette période-là. Tout le monde était un petit peu prisonnier de son appartement […] donc c’est un peu un reste de la pandémie.

Et ça a du succès ?

Plus ou moins, ça dépend. Ça a eu plus de succès à l’époque où on l’a sorti. Là, c’est vrai que les choses sont un peu passées. Peut-être maintenant, on arrive aux journées un peu plus froides…

Il y a aussi des groupes de metal industriel dans le Valais. Est-ce que ce serait envisageable que Samuel partage l’affiche avec eux un jour, même sur une date plus petite ? Comme Lethal Technology et Borgne.

Borgne, je connais le groupe, mais je ne connais pas l’autre groupe dont tu parles. Borgne, on était censés jouer à un festival avec eux en Finlande, un festival qu’on a annulé parce qu’ils avaient une affiche un petit peu bizarre. On n’était pas au courant des groupes qui devaient jouer, mais apparemment, c’était plus des groupes de propagande que des groupes de musiciens. Donc, on s’est retirés, mais la date ne s’est pas faite, finalement.

D’accord. Et l’affiche du New Blood Fest, comment la trouves-tu ?

Elle est bien. Je ne connais pas tous les groupes. C’est drôle de se retrouver sur l’affiche avec Sadist, parce que c’est un groupe avec lequel on a déjà joué plusieurs fois en France, mais comme je te l’ai dit plusieurs fois, c’était il y a plus de vingt ans. Il y a des choses qui reviennent d’une manière différente, mais du coup, ça, c’est cool.

On arrive au bout de mes questions. Merci beaucoup pour les réponses à cette interview ! Quelques derniers mots pour conclure ?

Je ne sais pas quoi dire… Merci aux gens qui vont me lire ou m’écouter pour écouter notre musique, pour être là pour nous.