Metallica
72 Seasons
Genre heavy/thrash metal
Pays États-Unis
Label Blackened Recordings Inc.
Date de sortie 14/04/2023

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À ce niveau de notoriété, il est rare qu’un groupe sorte un nouvel album sans susciter de vives réactions, et ce sont les haters qui s’en donnent généralement à cœur joie. Metallica n’échappe pas à la règle et, comme si l’un ou l’autre faux pas devait demeurer à jamais impardonnable, quelles que soient la qualité et la teneur de chacune de leurs œuvres, les Californiens sont soumis aux mêmes commentaires, aussi basiques que désobligeants. Sad but True… Mais que nous réserve 72 Seasons ?

L’opus s’ouvre sur sa plage titulaire qui propose un thrash typique de Metallica, qui déploie les tics rythmiques propres au groupe et au genre qu’il a largement contribué à engendrer. Shadows Follow poursuit dans une veine proche tout en accentuant ce côté dit « progressif » que l’on connaît depuis …and Justice for All, à savoir une structure à tiroirs et des motifs rythmiques changeants, un break — super efficace — qui revient à plusieurs reprises, des retours au motif principal, le tout constituant un titre catchy à souhait. Ces deux premières plages seraient parfaites pour les set-lists live.

Screaming Suicide nous emmène sur un terrain différent, celui du heavy metal, et, plus particulièrement, de la NWOBHM, dont chacun sait que Lars Ulrich est un fan ultime. Le riff de ce troisième titre est typique de cette mouvance, toutefois la rythmique est suffisamment sèche et rapide pour correspondre à du Metallica.

Sleepwalk my Life Away, de par son aspect heavy, simple et dépouillé, peut faire songer au Black Album. À ce stade de l’écoute se dessine déjà une impression générale, qui se confirmera par la suite ; à savoir que Metallica ne cherche pas à bousculer son public et ne se laisse pas aller à d’aventureuses expérimentations. Également, que Kirk Hammett manie toujours la wah-wah non pas comme personne, mais comme… lui-même. Ses solos sont cependant moins nombreux et flamboyants que durant l’âge d’or du groupe, mais l’époque des guitar-heroes est révolue et cette relative mise en retrait, si elle peut se remarquer, ne procure aucune impression du genre « il manque quelque chose ».

Ne pas bousculer, mais ne pas tourner en rond. Ainsi, Metallica nous surprendra quand même avec You Must Burn! dont le riff évoquera, chez les auditeurs les plus attentifs, un petit quelque chose de… Black Sabbath. Et ces paroles : « You are the witch, you must burn« , ne sont-elles pas dignes d’un groupe de doom ? D’ailleurs, après un bref passage chanté passé à la moulinette des effets de studio pour faire sonner James Hetfield comme un Layne Staley d’Alice in Chains, bien allumé, période Dirt, la compo passe à une partie lead elle aussi assez doom. Un titre franchement jouissif, à la fois grâce à sa qualité intrinsèque et à ce qu’il propose en termes de style.

Lux Æterna reprend la direction speed, et nous continuerons notre progression à travers ce 72 Seasons avec un pied dans le heavy et l’autre dans le thrash, sans que rien ne vienne nous contrarier. Cependant, après plus d’une heure d’écoute, c’est humain, l’attention se relâche, et la durée de 77 minutes de l’album peut en desservir la seconde moitié dont, pourtant, aucun titre n’est franchement faible. Ainsi, une petite pause s’impose, à mi-parcours, pour apprécier l’œuvre à sa juste valeur.

Cela étant, en tant que douzième et dernier titre, Inamorata se pose comme une pièce maîtresse de l’album. L’ombre de Black Sabbath plane à nouveau sur cette composition de onze minutes, dont le riff entêtant ne vous lâchera pas de la journée. En effet, l’influence de Tony Iommi, tant en rythmique que sur les guitares lead, est perceptible, et un passage quasi doom précède un plan bien planant, à la Planet Caravan, repris par Pantera en son temps. Puis, une partie lead, toujours sabbathienne, et un solo, nous ramènent petit à petit vers la trame principale de ce superbe périple épique.

72 Seasons devrait se révéler moins clivant que la plupart des œuvres des Four Horsemen depuis Load et Reload. En puisant dans la manne de ses propres éléments stylistiques habituels tout en présentant, ostensiblement mais par moments seulement, quelques influences jusqu’alors confinées dans les reprises dont il est friand, Metallica propose, avec 72 Seasons, un album qui a du corps, sans vouloir révolutionner la musique — ce qu’a fait Kill’em All en son temps — ni se réinventer. Ce qui est très bien comme ça.