Heilung & Eivør
Halle Tony Garnier, Lyon
Date 25 avril 2025
Chroniqueur Ségolène Cugnod/Olivier Lerme
Photographe Olivier Lerme
https://www.halle-tony-garnier.com/

Un peu plus de deux ans après son dernier passage à Lyon, Heilung refait l’honneur à son public gone d’une leçon d’histoire amplifiée sous forme de son rituel chamanique élaboré. Ce passage risquant d’être le dernier avant un petit moment, le groupe ayant prévu de se mettre en hiatus pour une durée indéterminée à partir d’août prochain, l’occasion devait se saisir d’assister à ce spectacle hors du commun et du temps — et de l’immortaliser en images ! Pour cela, Metal Alliance Mag remercie du fond du cœur Les Derniers Couchés pour la double accréditation qui nous ouvre les portes, le 25 avril 2025, de l’immense Halle Tony Garnier et de cette cérémonie.

Tout comme lors de sa précédente venue à Lyon en décembre 2022, Heilung est accompagné en première partie d’Eivør Pálsdóttir, ou plus simplement Eivør. Dès les premières notes, entourée de ses fidèles musiciens, la chanteuse et guitariste féroïenne ouvre les portes de son univers aux ambiances tout à la fois oniriques et rock portées, les unes par sa voix cristalline, les autres par quelques riffs punchy et des percussions puissantes ajoutant à l’intensité ; univers dans lequel la Halle Tony Garnier ne tarde pas à se plonger oreilles les premières. Après les deux premiers titres, Eivør prend le temps d’adresser des remerciements empreints de tendresse à son public avant d’annoncer un « ancien » morceau, Salt. Sur ce titre, elle se voit accompagnée au chant par le musicien en arrière de la scène ; dommage, cependant, que la voix de ce dernier se trouve surchargée d’effets qui lui donnent un aspect un peu trop robotique.

Un peu plus tard, Eivør déclare « Il y a quelque temps déjà, j’ai eu l’honneur d’écrire de la musique pour la série The Last Kingdom » ; pour le plus grand plaisir des fans comme non connaisseurs, le morceau qui suit n’est autre qu’Hymn 49, extrait du film concluant ladite série, bien plus calme et planant que les précédents. Le morceau qui suit, Trøllabundin, encore un « ancien » extrait d’un de ses deux albums éponymes, braque de nouveau les projecteurs — au sens littéral — sur le compagnon de fond de scène de la chanteuse, cette fois-ci maniant un violoncelle du plus bel effet. « C’est son anniversaire ! » clame Eivør au moment de présenter ses comparses ; ce sur quoi, le public ne se fait pas prier pour le lui souhaiter en chœur. En fait, les spectateurs se montrent si enthousiastes dans leurs réactions que la chanteuse a bien du mal à en placer une ! Lorsqu’elle y parvient, c’est pour annoncer, de sa voix la plus douce, le morceau donnant son titre à son dernier album, Enn. Son introduction a cappella met en lumière l’envoûtante et haute voix d’Eivør ; de quoi donner des frissons…

Enfin, la ballade Falling Free, seul morceau en anglais de la setlist, apporte, entre autres grâce au piano accompagnant la voix puis les instruments, une conclusion très émouvante à ce set mené de front par une artiste aussi touchante que talentueuse. Nos respects à Eivør, que l’on espère revoir bientôt dans nos contrées…

Assister à une représentation de Heilung est une expérience unique. En effet, comme le groupe le précise, ces performances ne sont pas qualifiées de concerts mais plutôt de rituels.

La scène est magnifique avec son ambiance de forêt. Des chants d’oiseaux résonnent dans la salle et, soudain, alors que les lumières s’éteignent, un protagoniste entre sur la scène et la purifie en dispersant de la sauge. Le groupe entre alors en scène, accompagné de ses guerriers, forme un cercle et commence par réciter la fameuse introduction du rituel :

« Remember, that we all are brothers

All people, beasts, trees and stone and wind

We all descend from the one great being

That was always there

Before people lived and named it

Before the first seed sprouted »

À partir de ce moment, Heilung nous embarque pour un rituel de deux heures pendant lesquels chants et incantations se mélangent avec harmonie. La mise en scène est spectaculaire, que ça soit lors des passages mettant en avant les guerriers, le chant de Maria Franz ou celui de Kai Uwe Faust et les incantations de ce dernier.

Comme expliqué en introduction, assister à une performance de Heilung est quelque chose d’unique : c’est un voyage initiatique, chamanique qui vous prend aux tripes, vous ramène à votre instinct primal. À ce sujet, il n est pas rare d’entendre des cris pendant les incantations, de sentir l’animal qui sommeillait en nous prendre peu à peu le pas sur notre esprit et exploser dans une sorte de cri primitif. Le rituel a ceci de magique et unique que, pour les personnes les plus réceptives, il est possible de ressentir un état de transe quasi-mystique.

En fin de compte, ici tout est propice à l’évasion : la mise en scène, l’odeur de la sauge, les sons de la nature, les incantations, la voix envoûtante de Maria. Pendant la danse des boucliers, sur le titre Hakkerskaldyr, le public répond au bruit des lances sur le sol en tapant des pieds.

Enfin, après Hamrer Hippyer et la Closing Ceremony, un simple « Merci beaucoup » clamé d’une voix chaude et profonde marque le point final de ce rituel hors du temps et porteur d’atmosphères oniriques au point d’en paraître hors du réel.

On ne sort pas indemne d’un rituel tel celui-ci, qui va puiser au plus profond de tout être. Pour en preuve : en échangeant avec plusieurs autres spectateurs, nous tombons tous d’accord pour affirmer que cette expérience est unique et nous demandera plusieurs jours pour en redescendre ; de même, nous partageons cette sensation d’avoir vécu un voyage intérieur.

Certes, un tel style musical n’est pas forcement accessible à tout le monde ; toutefois, pour ceux qui parviendront à entrer dans le monde de Heilung, nul doute que ce voyage les bouleversera. Fidèle aux valeurs véhiculées dans son nom seul, Heilung guérit l’âme.