Jena
Graboid
Genre Stoner/Southern Metal
Pays Italie
Label Argonauta Records
Date de sortie 03/12/2021

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L’âme de l’auditeur transie par les basses fréquences et la lenteur du doom metal est une ineffable substance, quelquefois compliquée à contenter. Jena ne facilite guère la tâche du chroniqueur en sortant un disque tel que leur dernier effort en date, Graboid. L’esprit y est résolument grisâtre, urbain, spongieux, comme la titanesque fuzz de la basse sur le titre Slave No More nous le rappelle bien, et anxiogène. À ce titre, At the Bottom of the Cosmic Trench est un de ces voyages qui donnent l’impression de sentir toutes les fibres de son être en état d’apesanteur, entre ciel et terre, lors de l’arrivée de la nuit.

Impossible, qui plus est, de ne pas sentir que les quatre musiciens mettent un point d’honneur à ne pas respecter les poncifs du genre à la lettre. Par exemple, bien que le groupe soutienne jouer du stoner/southern, les tempi ne sont pas réellement lents ; l’introduction du titre éponyme illustre bien ce propos. Il est à noter que la majorité des morceaux s’illustrent au sein de tempi plus soutenus que sur le précédent opus, Womandile, tout en conservant un soin à rester dans la sobriété et l’économie de moyens afin de pouvoir se focaliser sur l’essentiel.

Il ne sera pas question ici de déployer une accentuation exagérée en direction d’une harmonie tirant sur le tragique, la grandiloquence et le Grand-Guignol funèbre ou d’utiliser des arrangements obscurcissant le propos mélodique. Au contraire, comme avancé ci-dessus, Jena choisit de se focaliser sur des éléments fonctionnels qui nous permettent de rattacher leurs compositions à des figures comme Down, Crowbar et Pantera pour la voix.

Cependant, si Jena joue définitivement du stoner metal, on remarque au sein de ses compositions une tentation constante de rajouts empruntés au blues rock des 60’s, sans pour autant se donner la liberté de plonger avec davantage de véhémence, de fougue et d’ardeur dans ce bassin aux mille références et balbutiements colorés.

Cette retenue, malgré le solo très bluesy au sein du titre At the Bottom of the Cosmic Trench — qui est à mon avis le morceau le plus intéressant et le plus riche de cette galette mais également le seul à posséder une amplitude si extraordinaire — ainsi que la forte emphase vocale sur le couplet de Ice from the Sky et la hargne de la batterie qui sait se montrer inventive sur certains de ses fills au sein du morceau Skull Mountain, cette retenue, dis-je, constitue vraiment un élément qui plombe fatalement l’envol qui devrait habiller l’auditeur et le chroniqueur le plus lambda au contact avec l’univers musical de Jena.

Bien que le premier album du groupe, Womandile, possédait déjà une maturité évidente, il semblerait que Jena ait souffert du changement de line-up. Nouveau line-up qui ne réussit à citer avec assurance que de grandes influences mais sans se montrer capable d’insuffler à cette œuvre suffisamment de folie, de groove et de caractère personnel.

De belles références, de belles grandes promesses — le groupe comptant notoirement en ses rangs un excellent vocaliste en la personne de Guido Richini… Au final, pourquoi est-ce que cela apparaît comme si creux, si commun et si plane ? Pourquoi faire preuve d’une retenue faisant davantage penser à une sècheresse créative qu’à un réel souci de synthétisation du propos ? Bien que la galette ne dure que trente minutes, elle semble ne déployer qu’une dizaine de secondes de riche inventivité pour ce qui semble trois heures et demie de morne torture, similaire à un lent gavage d’une matière sans relief et sans saveur s’apparentant à du polystyrène expansé, dans un environnement saturé de bruit blanc.

Devant de tels mots, je ne sais pas comment clore cette chronique.

La lassitude et l’hébétement se sont saisis de moi. La débilité a cerclé mon front de cette attention que l’on donne aux parias et aux fous. Ce voyage fut singulier mais les paysages proposés furent aussi hâves que le sont mes tempes actuellement. Graboid, second album de Jena ; une découverte dont je me réjouissais mais à quel prix ? Quel profond ennui, finalement…