Salut les gars, comment allez-vous ? Merci beaucoup de prendre le temps de discuter avec nous ! Votre show tout à l‘heure était fantastique ! Comment l’avez-vous vécu de votre côté ?
Alex (guitare) : Pour moi, personnellement, c’était vraiment sympa. Le public était génial, la scène était belle et grande. Je m’habitue peu à peu à ces belles grandes scènes, il y a beaucoup d’espace pour bouger.
Colin (chant & guitare) : C’était vraiment sympa de jouer sur une scène de cette taille. Nous avons utilisé notre nouveau décor. C’était assez spécial en quelque sorte. Mais en réalité, le plus remarquable, c’était le public, qui était vraiment génial. C’est l’une des choses les plus importantes pour un concert. Et c’est vraiment sympa d’aller à un festival où il y a beaucoup de groupes avec lesquels on ne joue pas habituellement.
Aaron (batterie) : Je pense que chaque fois que nous allons en France, nous sommes très bien accueillis. L’hospitalité est excellente, et cela vaut pour tout le festival. C’est un privilège de pouvoir jouer ici. C’est aussi simple que cela.
C’était la troisième fois que vous jouiez en France, n’est-ce pas ?
Andy (basse) : Oui, et notre premier show en France s’est déroulé au Pyrenean Warriors Open Air.
Colin : Et au Courts of Chaos ensuite.
Je vous ai vus pour la première fois l’année dernière au Courts of Chaos. C’était génial !
Alex : Oui, c’était très bien !
J’ai vraiment trouvé très bon votre cinquième album Lamentations, sorti cette année. Comment décririez-vous l’évolution qu’il y a eu entre Prelude et Lamentations ?
Andy : Je trouve que le groupe a gagné en maturité. L’écriture des chansons a évolué, c’est beaucoup plus réfléchi. La production a beaucoup évolué aussi, je pense… C’est un album mieux pensé, à mon avis.
Alex : Oui, je partage ton sentiment. Par exemple, les parties de guitare des chansons que Colin a écrites avant et après avoir eu des enfants. Avant d’avoir des enfants, il avait beaucoup de temps libre et les parties étaient beaucoup plus compliquées à apprendre. Maintenant, elles sont beaucoup plus concises. Plus raffinées, en quelque sorte.
Colin : Je pense que c’est ce qui est arrivé à Judas Priest. Écoutez les albums du Priest : ils sont devenus moins progressifs, les chansons sont devenues plus courtes. J’ai l’impression que c’est un peu comme ça ; peut-être un parcours similaire ? Je ne sais pas.
On retrouve sur pas mal de vos titres des passages en twin guitar harmonisées. Est-ce un rappel de vos influences telles Iron Maiden et Wishbone Ash ou un choix artistique délibéré ?
Colin : Je trouve ce son irrésistible. Je ne sais pas si vous utilisez cette expression en France, mais je dirais que les « twin leads » sont mon langage amoureux (ndlr : traduit de « I would say « twin leads » are my love language »). Évidemment, les orchestres s’harmonisent, les violons s’harmonisent, un peu comme des tierces. Mais quand on le fait avec une guitare électrique, ça donne un son très, très spécial. Il n’a pas besoin d’être complètement saturé. Mais plus c’est saturé, plus ça fait Thin Lizzy, ou plus Iron Maiden, ou plus encore Judas Pries, et ces trois groupes ont tous un son différent. Donc, si on pouvait faire du « twin leads » et avoir un son unique, alors nous l’avons fait, je dirais.
Effectivement, je trouve que vous avez un son bien à vous, qui fait partie de votre signature.
Alex et Colin : Oui, tout à fait.
Vous sortez un peu de l’ordinaire dans le monde du metal, avec des textes en lien avec la chrétienté, le fait que vous soyez tous vêtus de blanc. Comment êtes-vous perçus ?
Andy : On est très bien accueillis. Je pense que comme l’a dit Alice Cooper, qui est aussi chrétien, le heavy metal, c’est un peu comme Halloween. Nous sommes un peu de l’autre côté du miroir, si on veut, mais nous faisons aussi partie de l’ensemble.
Colin : Je pense que si on parle de Satan, on pourrait dire en quelque sorte qu’il a investi le heavy metal, qu’il a en quelque sorte promu tout ça. C’est comme si on parlait d’un côté spirituel obscur. Si on admet qu’il existe un Satan biblique, alors le heavy metal cautionne cette spiritualité. Du coup, le fait de jouer du heavy metal en y mettant notre propre spiritualité est comme un entre-deux : on a l’impression que c’est exactement là où nous devrions être.
Je trouve que vous avez une approche très positive, c’est vraiment rafraîchissant.
Colin : On essaie d’être nous-mêmes, c’est une bonne chose.
Alex : Pour moi, la musique est intrinsèquement amusante et devrait le rester, oui, c’est ce qu’on essaie d’apporter en quelque sorte, c’est-à-dire… on commence par tuer Satan et des trucs comme ça. Je pense que c’est surtout une question d’énergie positive.
A propos des paroles de vos chansons, envisagez-vous de vous inspirer d’autres textes ayant trait à des religions ou mythes différents ?
Colin : C’est une bonne question, on ne me la pose pas très souvent. Je suis plutôt ouvert à cette idée, parce que je suis le principal compositeur, donc à bien des égards, je suis ouvert à l’idée… peut-être pour apporter un côté plus épique ? Mais c’est déjà très populaire dans le heavy metal. Tu sais, ça doit être amusant et ça doit t’intéresser en tant qu’auteur-compositeur, donc tu as tendance à te pencher sur ce qui t’intéresse. Et il y a tellement d’idées, tellement de sujets différents dans la Bible, ce qui fait que pour moi, ça a beaucoup de sens de me plonger dedans. Mais il y a aussi des moments où je vais juste m’asseoir et réfléchir. En fait, le processus d’écriture part de l’émotion que je ressens. C’est le point de départ, puis la chanson se construit à partir de cette émotion et parfois les paroles reflètent simplement ce que je vis en à ce moment précis. Il peut y avoir un léger aspect spirituel ; c’est souvent le cas, mais ce ne le sera pas nécessairement tout le temps. Je fais juste ce qui me vient naturellement mais je ne me vois pas non plus mettre la Bible au rancart, il y a tellement de choses à dire à ce sujet.
Andy : On pourrait dire que c’est le but d’un groupe de rock chrétien, mais Colin ne pense pas que ce soit nécessairement le cas.
Colin : Je pense que cela dépend de ce que tu entends par groupe de rock chrétien.
Andy : Ce que je voulais dire, c’est que d’après ce que tu disais, c’est quelque chose qui te vient naturellement, donc d’un point de vue extérieur, je pourrais dire que Colin écrit simplement ce qu’il écrit et que si tu ressens ce que tu ressens, alors ce sont les chansons que tu veux décrire.
Colin : Je suis chrétien dans un groupe de rock, oui, et je décrirais cela comme de la musique définitivement spirituelle et peut-être de la musique chrétienne, si tu veux l’appeler ainsi. Nous avons deux chrétiens dans le groupe et deux non-chrétiens, donc quand on me pose cette question, je réponds : « Et bien, ça dépend de ce que tu entends par là. ».
Aaron : Je pense qu’il y a beaucoup de nuances, n’est-ce pas ? Les gens aiment classer les choses dans telles ou telles cases, mais je pense que ça va bien au-delà de ça. Je veux dire, évidemment, ta vie et la façon dont tu écris de la musique, c’est ton art.
Colin : C’est un exutoire.
Andy : C’est naturel pour quelqu’un qui a des convictions fortes de s’exprimer selon celles-ci : tu ne vas pas t’exprimer d’une manière qui soit contraire à toi-même. Pourquoi le ferais-tu ? Ce n’est pas pour te mettre dans une case, c’est juste que tu écris la musique qui compte pour toi, oui, qui n’a pas besoin d’être dans une case, c’est juste quelque chose de naturel et oui tu peux le mettre dans une case si tu veux, mais au bout du compte il n’y a pas de case, d’accord, pas de case.
Pour l’instant, vous avez enregistré cinq albums studio. Envisagez-vous de sortir un album live un jour ?
Colin : Je pense que oui, mais si on devait sortir un album live, on voudrait s’assurer qu’il soit vraiment bon plutôt que de simplement faire quelques concerts, les enregistrer et les assembler à la va-vite. Mais oui, nous sommes à cinq albums studio maintenant, donc ce serait bien de réfléchir à quelque chose comme ça. Nous n’avons pas encore vraiment décidé ce que nous voulons faire ensuite.
Avez-vous déjà abordé le sujet avec votre maison de disques Bad Omen Records ?
Colin : Oui, oui ! En fait, l’une des choses qu’ils nous ont dit était qu’ils ne pensaient pas qu’on devrait faire un album live, et j’étais en désaccord, pour être honnête. Mais en vérité, notre maison de disques soutient tout ce que nous aimons faire, donc nous sommes dans une position privilégiée car si on veut faire un album acoustique, ou un album live, ou sortir un double album, on peut le faire. On est vraiment chanceux d’avoir une maison de disques qui nous soutient.
Et tu sais, à propos de l’acoustique, j’ai une question : Il y a quelques jours, j’écoutais votre deuxième album, Sojourn, dans lequel on retrouve cette très belle chanson acoustique, Barrow Hills, et je me demandais si vous envisagiez de sortir un album totalement acoustique…
Colin : Il n’y a aucune raison pour que nous ne le fassions pas. Je dirais même que je suis sûr à 100 % que ça se fera à un moment donné ; il faut juste que ce soit le bon. Le confinement à l’époque a bouleversé tout le monde, et nous sommes sortis de ça en nous disant que nous devrions vraiment faire un autre album « normal », retrouver une sorte de normalité, une routine… mais, pour en revenir à ta question, je pense que ce n’est probablement pas très loin ; nous sommes très enthousiastes à ce sujet.
J’ai une question que j’ai également posé aux autres groupes que j’ai pu interviewer : j’aurais souhaité connaître votre avis sur l’évolution du marché de la musique et en particulier les plateformes de streaming. Selon vous, est-ce que c’est une bonne chose ou pas ?
Colin : Je pense que beaucoup de musiciens se sentent pris au piège. Spotify est le principal acteur du marché, donc quand vous voulez sortir un album et le distribuer dans le monde entier, il est incontournable. Mais beaucoup de musiciens ne sont pas en phase avec leur politique de soutien. Et comme l’industrie musicale est très difficile, les artistes se sentent piégés et ils sortent donc leurs albums sur la plus grande plateforme numérique. On n’est plus dans les années 80 : les gens n’achètent plus de disques en format physique dans la même mesure. Cela ne veut pas dire pour autant que les gens n’en achètent plus du tout. En fait, nous avons beaucoup de chance que les gens écoutant notre style de musique achètent probablement plus de disques que peut-être la musique pop grand public En gros, nous considérons cela comme un mal nécessaire. Nous voulons être découverts, nous voulons que les gens deviennent des super fans, des gens qui nous soutiennent vraiment en achetant nos disques et des billets pour nos concerts. Cela fait donc partie du processus, même si je n’aime pas ça. Quand tu signes un contrat avec une maison de disques, elle ne va pas te dire « Ok, très bien, on ne va pas diffuser ta musique sur la plus grande plateforme de streaming juste parce que tu le demandes ». Beaucoup d’artistes sont piégés de cette façon.
Et que pensez-vous de Bandcamp ? Je demande car c’est grâce à cette plateforme que je vous ai découvert.
Andy : C’est une évidence : tu peux vendre tes produits dérivés, tu peux faire ceci, tu peux faire cela… Bandcamp prend une commission minime. Je pense que Bandcamp, c’est la solution. Si tu veux soutenir un groupe, écoute-le sur Bandcamp, ne l’écoute pas sur Spotify : Spotify ne fera pas la promotion de disques. Spotify ne fera pas la promotion de tes T-shirts, ou quoi que ce soit d’autre. Spotify veut juste que vous restiez sur Spotify et que vous écoutiez leur musique sur Spotify. À côté de ça, Bandcamp offre tellement d’options différentes pour soutenir le groupe à votre manière.
Colin : Ce sont deux choses complètement différentes. Spotify veut que vous soyez dans une playlist qui tourne en arrière-plan. C’est ce que fait Spotify, qui est basé sur des algorithmes. C’est une start-up spécialisée dans les données ; ils ne s’intéressent pas aux artistes ni à la musique. C’est une start-up technologique. Bandcamp a commencé comme une organisation communautaire, et je pense qu’ils ont réussi à rester fidèles à leurs racines et à continuer à fournir une plateforme qui offre réellement une certaine visibilité et un soutien aux artistes. Nous pouvons gagner un peu d’argent grâce à cela.
J’ai une dernière question spéciale : imaginons que vous avez découvert une machine à voyager dans le temps, disons une Delorean, qui fonctionne par saut de cinquante ans. Vous décidez d’aller dans le passé, en 1975, ou dans le futur, en 2075 ?
Colin et Aaron : Dans le passé.
Alex : Je suis curieux.
Andy : Moi aussi ! Je voudrais voir ce qui va se passer.
Colin : Oh, le monde a explosé !
Aaron : J’aime à penser que nous avons en nous suffisamment de ressources pour assurer un avenir meilleur.
Andy : Tu es super optimiste !
Alex : Je pense qu’il y aura toujours des musiciens et des passionnés de musique, je ne pense pas que cela disparaitra. Je pense qu’il y a même, plus que jamais, de plus en plus de gens qui s’intéressent à la musique et qui découvrent plusieurs genres musicaux. J’ai aussi l’impression qu’il y a plus de musiciens que jamais. J’ai donc une vision globalement optimiste de l’avenir. Même si j’adore Rainbow et Thin Lizzy et que personne n’a sorti d’album comme Rainbow Rising, je suis curieux de savoir où les choses vont nous mener, où les gens vont les emmener.
Andy : Je veux juste savoir si les gens écouteront encore Rainbow et Thin Lizzy en 2075.
Alex : Nous irons vers le futur avec Rainbow Rising !
Andy : On pourrait peut-être créer une révolution musicale en 2075 avec le rock des années 70 ?
Alex : C’est une réponse partagée, en gros.
Andy : Ou peut-être que si on copiait Thin Lizzy en 2075, on serait célèbres dans le monde entier !
Ok les gars, merci beaucoup d’avoir pris de votre temps pour discuter avec nous !
Colin : Avec plaisir.
Alex : Oh, mec, avec grand plaisir.
Andy : Merci à toi.
Aaron : Merci (en français) !
Et j’espère vous voir de nouveau en France d’ici quelques temps !
Wytch Hazel : Oui !




