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Vingt ans après ses débuts, Gautier Serre revient avec Amen, cinquième album d’Igorrr et sans doute le plus sombre de sa discographie. Fidèle à son approche iconoclaste, il continue de dynamiter les frontières musicales avec un disque furieux et imprévisible, qui ne ressemble à rien d’autre.
Chaque morceau devient une expérience sensorielle. Le death metal explose aux côtés de l’électro sur Daemoni et Mustard Mucous, créant un chaos maîtrisé où les beats électroniques semblent se fracasser contre des riffs de plomb. Sur Headbutt, le piano dialogue avec la musique classique avant de se faire engloutir par un growl d’une intensité saisissante. Plus loin, Limbo convoque un chœur enregistré dans l’acoustique d’une église : les riffs y prennent une ampleur quasi liturgique, solennelle et troublante. Avec Blastbeat Falafel, c’est la musique orientale qui se heurte au death metal dans un choc sonore fascinant, tandis qu’ADHD explore un territoire électro frénétique qui évoque un Mr Oizo sous acide. Chaque titre surprend, désarçonne et accroche l’auditeur dans une spirale sonore vertigineuse.
Pour donner corps à cette vision cauchemardesque (il suffit d’écouter Infestis et ses chœurs venus d’outre-tombe pour s’en convaincre), Gautier Serre s’est entouré de collaborateurs prestigieux, tous férus d’expérimentation. Mike Leon (Soulfly, Cavalera Conspiracy), Timba Harris (Mr Bungle), la multi-instrumentiste Lili Refrain et Scott Ian, pilier d’Anthrax, vient ajouter sa puissance légendaire.
Mais au-delà de ces invités de choix, Amen doit son identité au noyau dur du projet. Rémi Serafino impose une frappe pachydermique, Martyn Clement taille des riffs acérés, JB Le Bail déploie un growl abyssal ou des cris furieux (2020) et Marthe Alexandre illumine plusieurs titres de sa voix envoûtante (Limbo ou le superbe trip-hop Ancient Sun entre autres). Son apport lyrique confère une aura mystique, presque religieuse, aux morceaux où elle intervient.
À la croisée des genres, Amen brouille toutes les pistes. Hybride, inclassable, déroutant, l’album fascine autant qu’il bouscule. Igorrr continue de tracer sa propre voie, offrant une musique qui exige curiosité, ouverture d’esprit et une bonne dose de témérité. Mais pour ceux qui osent s’y plonger, l’expérience se révèle unique, totale et inoubliable.
Alors, tentez Amen… si vous avez l’estomac assez solide pour entrer dans l’univers fou d’Igorrr.
