Cult of Fire, The Great Old Ones, Caronte
Musigburg, Aarburg (CH)
Date 04 avril 2025
Chroniqueur Hugo Weyermann
Photographe Hugo Weyermann
https://musigburg.ch

En cette belle journée du 4 avril (le mercure indiquait 21°, génial pour boire un jus en dehors de la salle en attendant l’ouverture des portes), le Musigburg accueillait une soirée black metal avec à l’honneur les Tchèques de Cult of Fire.

La soirée a commencé en douceur avec les Italiens de Caronte, un groupe de stoner-doom qui alterne entre des passages calmes avec du chant clair et des passages plus agressifs accompagnés d’un growl puissant, ces musiciens sont doués techniquement. Ils ont joué pendant trois quarts d’heure, ce qui est plutôt pas mal pour une première partie.

La suite a été assurée par les Bordelais de The Great Old Ones. Ils ne sont pas venus pour faire de la figuration. Ils devaient promouvoir leur dernier opus Kadath. Et ils l’ont fait de fort belle manière ! Ils ont ouvert avec deux nouveaux titres : Me, the Dreamer et In the Mouth of Madness. Ils ont instantanément mis tout le monde d’accord, ces gars sont excellents ! Rien que le premier titre dure plus de dix minutes et on ne les a pas vues passer ! Ils savent alterner entre des passages de gros blast bien sentis et des passages plus atmosphériques. On peut même apercevoir un petit côté un peu prog par moments, c’est original et fait avec beaucoup de goût.

Leur prestation se poursuit avec The Omniscient. Pour ceux qui ne le savent pas, c’est un chef-d’œuvre ! Pour donner une comparaison foireuse, c’est un peu comme si Mike Tyson vous mettait un direct avec des gants de velours. C’est hyper impactant mais mélodieux, savoureux. À la moitié du titre, il y a un long passage très calme qui laisse penser que le morceau touche à sa fin, mais non ! Il regorge de petits détails, des baisses et des montées d’intensité, jusqu’à atteindre le point de non-retour, un moment de pure folie qui envoie littéralement tout le public au tapis. Ils ne perdent pas une seconde et jouent Antarctica, un titre plus ancien. Il s’agit là encore d’une montagne russe d’émotions transportées par la musique de The Great Old Ones. Ils savent définitivement tout faire. Du rapide, du moins rapide, de l’intense, du plus léger. La voix du chanteur est un peu en retrait dans le mix (ce qui est aussi le cas sur l’album). Cela donne une certaine profondeur en plus. Il ne leur reste plus que deux chansons avant de quitter le ring : Dreams of Nuclear Chaos et Under the Sign of Koth. La première nommée se démarque, d’une part, parce qu’elle dure moins de cinq minutes et, d’autre part, parce qu’elle est d’une agressivité folle, elle ne s’arrête pas comme peuvent le faire les autres. Le dernier titre est tiré de leur nouvel album, ce qui est plutôt osé, je trouve. Généralement, les groupes font un titre plus ancien qui a fait ses preuves au moment de conclure mais pas The Great Old Ones. Après tout, ils jouent du black metal sans corpse paint, sans capuche (du moins pas tous) et ils incluent des éléments prog alors à partir de là, plus rien ne me surprend. Ce final est plus doux que les autres titres comme s’il s’agissait du réveil après le KO pris contre Mike Tyson. Cela met fin à une prestation plus que solide. Un grand bravo aux artistes à qui on ne demande qu’une chose, de revenir vite, on en veut plus !

Après un petit changement de décor, Cult of Fire est sur le point de commencer, on voit les guitaristes prendre place sur leurs immenses fauteuils cobras, le chanteur enfile son masque. On le voit au travers d’un petit rideau noir qui a été tendu pour garder un peu de suspens. On pensait voir, mais après le tombé de rideau, on a pu constater qu’on ne voyait finalement pas grand chose. Leur intro est Dhoom. Un morceau très répétitif qui monte en intensité à mesure qu’il avance. Il laisse le temps de voir que, sur la scène, il y a des petites statues de cobras miniatures et des oranges dans lesquelles sont plantés des bâtons d’encens. Au milieu de la scène se dresse le chanteur habillé d’une tunique indienne et portant un masque assez spécial que je ne me risquerais pas à décrire (voir les jolies photos ci-après). L’atmosphère dans la salle est unique en son genre. Le public est très calme, subjugué par cette beauté !

Le second titre est Zrození výjimečného. Cette chanson commence par une sorte de bruit de tambours battant de manière chaotique. Cela dure un certain temps, temps que le chanteur met à profit pour verser du lait sur une statue de Kali située sur une table au beau milieu de la scène. Sur cette table, il y a un tas de choses, des fruits (pas bien frais), deux chandeliers et deux statues de Kali. La table est recouverte par un drap orange sur lequel sont brodées des divinités hindoues. Cela terminé, le chanteur nous dit « namaste » avant que le morceau ne parte à cent à l’heure. Cette chanson, à l’image de ce que fait Cult of Fire, est très versatile, alternant passages cérémoniels/solennels et passages plus agressifs et chaotiques. Ce mélange donne une atmosphère unique en son genre à cette soirée.

Ils enchaînent avec Joy et Anger, deux nouveaux morceaux issus de The One, Who Is Made of Smoke. Ce sont deux perles dont l’ambiance hindoue transporte les spectateurs vers d’autres terres. Elles sont calmes et sinueuses. Les morceaux sont tranquilles sans être ennuyeux, puis rapides par moments. La voix du chanteur est légèrement en retrait, cela confère à chacun de ses mots une grande importance. Le titre suivant est Kali Ma. Il est très tranquille, lancinant. Il y a quelques notes de cithare en fond qui accompagnent les incantations lugubres du chanteur. C’est le moment le plus calme du concert et pourtant c’est le plus intense en même temps. Il ne se passe pas grand-chose, le chanteur ne bouge pas, les guitaristes sont figés tel des statues sur leurs cobras et pourtant ça prend aux tripes et il n’est pas possible de faire quoi que ce soit d’autre que vivre l’instant à fond. A l’extrême opposé, arrive ensuite Kala Bhairava. Le morceau part pied au plancher et ne s’arrête plus. Le batteur va à fond, enchaînant les blasts et coups de cymbales bien sentis. Le morceau est très rythmé avec des samples un peu psychédéliques.. C’est dissonant et pourtant… ça sonne si bien !

Le prochain morceau s’appelle Blessing. Il est moins rapide mais laisse plus de place pour un jeu de guitare aérien, léger. On pourrait presque entendre du Amorphis dans la partie musicale. C’est mélodique, mid-tempo et ça reste en tête. Du tout bon, en somme. Plus sombre, Khanda Manda Yoga remet une dernière fois à l’honneur l’album Ascetic Meditation Of Death. Ce morceau est juste trop bien ! Il ne va pas bien vite mais est rythmé.

Avant dernier titre, Buddha V est un incontournable du groupe. Pendant ce morceau, le chanteur s’est muni d’une petite clochette et l’a fait retentir plusieurs fois. J’ai trouvé cela bien étrange, pensant que cela ne s’entendrait pas du tout, mais ce fût le contraire. Le morceau est très beau, mélancolique. Pas tant par sa musique, mais parce qu’il sonne gentiment la fin. En lui-même, le morceau est magnifique, peut-être même mon préféré. Il est doux, il rappelle à elles les âmes des spectateurs parties dans l’Inde profonde, source d’inspiration de Cult of Fire. Une fois l’intro à la clochette terminée, le rythme s’accélère. Ça va dans tous les sens tout en gardant cette patte caractéristique du groupe. Vers la moitié du morceau, le rythme ralentit, jusqu’à la dernière montée en intensité qui conduit à une fin épique. Le final est tiré de leur dernier opus, il s’agit de There is More to Lose. Ce morceau est parfait pour finir leur set. Il est pêchu, agressif et un peu lugubre. Il y a dans le fond des cris qui résonnent, faisant froid dans le dos. À la moitié de la chanson, il y a un passage de tambours accompagnés de bruits de fond qui respirent l’Inde. Pour ce dernier titre, le chanteur a troqué sa clochette contre un moulin à prière qu’il fait tourner à fond pendant l’entièreté de la chanson. Sacrée endurance.

Cette soirée fut magique ! Les groupes oscillent entre le bon et le fabuleux ! La salle est franchement top (juste un manque flagrant de places de stationnement). Le public a été conquis par ces prestations de très haut vol. Cult of Fire est probablement un des groupe les plus esthétique qu’il m’ait été donné de voir. En plus, le fait de mettre le paquet sur l’encens rend la prestation vraiment globale, on est stimulé par le son, la vue et l’odeur, c’est rare et ça marque les esprits, laissant un souvenir encore plus inoubliable.