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Debemur Morti Productions est une référence pour tout ce qui concerne le black metal un peu avant-gardiste ou expérimental. Le label français propose sur son roster des ténors du genre tels qu’Aara, Blut Aus Nord ou encore White Ward. Désormais, ceux-ci vont devoir faire place à Blood Abscission, une formation plutôt récente qui excelle en son art : un black metal atmosphérique, mélodique et raw à la fois. Après avoir sorti indépendamment son tout premier LP en 2023, intitulé I, l’entité mystérieuse, désormais signée chez Debemur Morti, nous offre enfin son second album, II.
Je dis bien « entité mystérieuse » car on se sait effectivement rien au sujet de ce groupe et des musiciens ou musiciennes qui le composent, ni son pays d’origine. Il pourrait même s’agir d’un projet solo, qui sait ? Je vais donc, moi qui apprécie toujours faire un petit point historique sur chaque groupe que je chronique, devoir me contenter du peu d’informations dont l’on dispose. Cependant, l’obscurité dans laquelle Blood Abscission tient à maintenir l’auditeur est bénéfique, car en ne laissant transparaître aucune personnalité, aucune singularité à la tête du groupe, le public est amené à se concentrer seulement sur la musique, sans qu’il n’y ait rien qui puisse perturber l’écoute. Les couvertures de leurs albums vont également dans ce sens : froides, abstraites, laissées à l’interprétation, tout comme leur musique.
Tout d’abord, ce nouvel opus de Blood Abscission n’est pas des plus accessibles. Outre la longueur de certains morceaux, la production est plutôt raw. En effet, les guitares se font entendre clairement et donnent presque le rythme à la musique, alors que les double pédales de la batterie sont difficilement audibles, tout comme la basse. La voix est quasiment enfouie sous plusieurs couches de réverbération et en ressort incroyablement perçante et impactante. Ces éléments pourraient sembler difficiles à la première écoute, mais si l’on est habitué à une telle production, ce n’est vraiment pas un problème, au contraire. Cela donne à la musique une touche unique : un son naturel, organique, presque « fait-maison » que j’apprécie énormément chez les groupes de black atmo de ce type.
En parlant d’atmosphère, celle-ci est tout simplement phénoménale, et cela tout au long de l’album. Avec des mélodies magistrales et célestes, Blood Abscission nous transporte dans un autre monde, un monde suspendu et hors du temps dont on ressort après avoir plané pendant une quarantaine de minutes. La composition est elle aussi ingénieuse, l’auditeur se faisant constamment surprendre par des rythmes changeants, des progressions d’accords inattendues, ou des riffs, présents au début des morceaux (ou de l’album), qui reviennent vers la fin. J’ai particulièrement été frappé par les 3 derniers titres, qui constituent pratiquement un seul morceau de quasi 25 minutes divisé en plusieurs parties. Alors que II-III représente un long chapitre émotionnel et atmosphérique, II-IV change d’ambiance en proposant, avec des synthés aux sonorités années 80 et des samples de voix, un magnifique interlude qui monte crescendo et fait une parfaite transition avec II-V, qui est une véritable odyssée musicale. Ce dernier est sans doute le morceau le plus extrême de cet opus (de toute leur discographie même) et finit en une explosion extatique de furie et d’émotion, qui ne cesse d’accélérer le rythme jusqu’à atteindre son apogée et clore magistralement cet opus. Bien que Blood Abscission reste dans le domaine du black atmosphérique et mélodique, chaque titre en explore un aspect distinct, apportant à chaque fois une touche de relative nouveauté et de diversité.
Peu importe qui se cache derrière ce projet mystérieux, ces personnes (ou cette personne ?) sont vraiment talentueuses. Les instruments sont joués au niveau le plus extrême possible : la guitare, avec des riffs en trémolo aigus et perçants, vrombit tout au long de l’album ; la batterie blast sans arrêt, avec parfois de petites touches sur les cymbales qui rendent le jeu encore plus intéressant et magnifique ; et quant à la voix, ses cris stridents et tourmentés hantent l’album tel un spectre désespéré, en quête de repos éternel.
En conclusion, encore plus expérimental, plus long et plus extrême que son prédécesseur, II de Blood Abscission constitue 41 minutes de pure extase cathartique. Entre des mélodies pleines d’émotion, une composition néoclassique et une atmosphère glaçante mais, une fois qu’on y est englouti tout entier, réconfortante, ce pur chef-d’œuvre saura plaire aux fans de black atmo avec une touche expérimentale et mélodique. C’est le genre d’album qu’il faut vraiment écouter en entier pour le comprendre, et j’espère vous en avoir donné l’envie à travers cette chronique.
Morceaux favoris : II-III, II-IV, II-V.
Saura ravir les fans de : Aara, Mare Cognitum, Wolves In The Throne Room, An Autumn for Crippled Children.
https://www.youtube.com/watch?v=HPLDTfN0aZM