Blues Pills, Daniel Romano’s Outfit
Le Marché-Gare, Lyon (FR)
Date 14 décembre 2024
Chroniqueur Ségolène Cugnod
Photographe Jean-Yves Cluze
https://marchegare.fr/

À l’approche des vacances de Noël, vient le temps de conclure en bonne et due forme une année de concerts. Pour cela, nul besoin d’un festival à grande échelle ou d’une date à tête d’affiche rare ; rien de tel qu’un moment de partage et d’amitié en tout intimité autour d’une affiche rock à l’esprit feel good ! C’est en tout cas ce qui nous est promis en ce soir du 14 décembre 2024, qui voit le Marché-Gare de Lyon accueillir la dernière étape de la tournée Birthday des blues rockers suédois de Blues Pills, accompagnés du prolifique musicien canadien Daniel Romano, pour l’occasion à la tête de la formation Daniel Romano’s Outfit. Du haut de son allure de studio de danse, de sa capacité d’accueil de 400 places et de sa scène très basse, la salle possède les atouts propices à un concert à échelle humaine ; en tout cas, qui jouent en sa faveur, la date de ce soir affichant sold-out !

Il se fait tout juste 20 h 30 lorsque Daniel Romano et ses trois comparses Roddy Rosetti, Julianna Riolino et Ian Romano débarquent en scène sur fond d’une piste instrumentale aux accents orchestraux avant d’embrayer sur un premier morceau très rythmé et entraînant — en tout cas plus que son titre le laisse présager —, Field of Ruins. En vérité, ces deux termes résument à eux seuls le set dans son ensemble, les quatre joyeux drilles passant d’un titre à l’autre sans temps mort et avec très peu de répit ; de cette manière, ils mettent au mieux à profit la courte demi-heure de temps de scène qui leur est accordée. La courte durée des morceaux aide bien en cela, qui nous permet de profiter du mélange des genres entre rock, country, folk et blues que propose le quatuor, le tout teinté d’un grain de folie donnant son liant à l’ensemble. Le lecteur averti l’aura compris, l’heure est à l’ambiance 70’s sur la petite scène du Marché-Gare, autant dans la musique que dans le look des musiciens incorporant tous les incontournables de la mode de l’époque ; parfaitement en raccord, somme toute, avec un nom de formation signifiant « costume » ! En tête, Daniel Romano mène le jeu muni de son jeu de guitare et de sa voix tous deux marqués d’accents blues ainsi que de sa veste à écussons. Par ailleurs, bien qu’il soit celui dont le groupe arbore le nom, ses trois comparses sont de leur côté bien loin de ne constituer qu’un simple « habillage » (outfit). Chacun apporte sa touche personnelle à l’ensemble ; ainsi, nous avons droit à un jeu très énergique et à des prestations vocales se rapprochant du hip-hop old-school de la part de Roddy Rosetti, bassiste hyperactif à la coupe de cheveux d’époque qui saute partout, y compris sur le piédestal de la batterie ; derrière cet instrument, Ian Romano et son béret d’une classe vintage livrent un jeu que n’aurait pas renié un batteur de metal. Julianna Riolino, unique membre féminin du quatuor, se distingue quant à elle par la fraîcheur de sa voix, aux chœurs puis lorsque vient son tour d’assurer le chant lead et la guitare sur un morceau, le reste du temps par ses danses façon disco en jean patte d’éléphant avec le partenaire de choix qu’est son tambourin. En quelques mots, c’est un set très efficace que livre Daniel Romano’s Outfit, porté par un rythme effréné entrecoupé de quelques passages plus lents, qui file très vite… un peu trop pour laisser le temps et l’espace aux musiciens d’échanger avec le public, seul bémol à relever dans cette première partie d’excellente facture par ailleurs.

Après une pause de rigueur, les lumières du Marché-Gare s’atténuent, tandis que Birthday des Beatles fait office d’ouverture sur laquelle les quatre membres de notre tête d’affiche du soir Blues Pills entrent en scène, référence évidente à leur dernier album en date portant le même titre et sorti en août dernier. S’ensuit un début de set consistant, en toute logique, à un enchaînement des quatre premiers titres de cet opus ; à commencer par le morceau homonyme qui donne au guitariste Zack Anderson l’occasion de démontrer sa maîtrise des pédales d’effet, suivi de Don’t You Love It et de Bad Choices. Une très bonne idée en tout cas, ces morceaux passant plus que bien en live et le démarrage sur les chapeaux de roue laissant la place à un rythme allant decrescendo, jusqu’à la ballade Top of the Sky qui marque un premier moment de relâchement. En dépit de la probable fatigue liée à la tournée, les quatre Suédois affichent une forme de tous les instants, la chanteuse Elin Larsson en première ligne, vers qui tous les regards sont braqués tels des projecteurs comme de coutume dans un concert de Blues Pills. Très élégante dans sa tenue vert émeraude, la charismatique frontwoman capte et accapare l’attention par la puissance de sa voix et son enthousiasme électrisant. Ce débordement d’énergie lui viendrait-il, tout comme la direction artistique de Birthday, de sa maternité ? Une joie sincère se ressent en tout cas dans sa voix lorsque, lors de cette première pause, elle remercie chaleureusement le public pour sa présence et sa fidélité, de même que la tendresse lorsqu’elle mentionne son petit garçon de tout juste un an qui accompagne le groupe en tournée… « C’est grâce à vous si je peux concilier ma vie de maman et ma passion ! » clame Elin en envoyant des baisers dans toutes les directions, y compris à l’attention des roadies derrière les rideaux. Vu comme ça, l’on ne peut que la croire dès lors qu’elle affirme que la France et Lyon comptent parmi les endroits préférés de Blues Pills pour y jouer !

Par la suite, la setlist prend un virage vers le début de la carrière du groupe avec Bliss, extrait du premier EP homonyme sorti en 2012. Suivent Proud Woman, l’occasion pour les nombreuses spectatrices d’exprimer leur fierté d’être qui elles sont, encouragées par Elin Larsson, puis Low Road de l’album Holy Moly! sorti en 2020. Après quoi, la chanteuse prend de nouveau la parole, cette fois-ci pour évoquer les forts liens d’amitié qui se sont formés entre Blues Pills et Daniel Romano’s Outfit au cours de la tournée ; liens que le batteur du premier, André Kvarnström, arbore sur son T-shirt à l’effigie du second. Jetant un œil derrière les rideaux, j’aperçois Daniel Romano et comparses, qui apprécient sans nul doute cette délicate attention… La setlist de Blues Pills revient ensuite à Birthday avec Like a Drug, morceau dont les accents psychédéliques illustrent fort bien son titre et nous font tous un peu planer l’espace de quelques minutes. High Class Woman offre un second moment « girl power » aux femmes du public. Un peu plus tard, sur Black Smoke, autre extrait de Birthday, Elin Larsson, décidément ingouvernable, profite d’un passage au rythme ralenti pour descendre de la scène et se mêler aux spectateurs, aussi loin que la longueur du câble de son micro — et la réactivité du roadie à éviter que ledit câble se débranche — le lui permet. À cet instant, la fin du set approche ; au moment d’annoncer Little Sun, qui fait office de pré-conclusion, Elin Larsson rend hommage à l’histoire de ce morceau, « grand favori » du public selon elle. L’histoire est pour le moins poignante : au cours d’une série de concerts à l’étranger, la chanteuse apprend le décès brutal des parents de sa meilleure amie. « C’était l’époque où on essayait de réaliser nos rêves, on manquait de moyens… du coup, je n’ai pas pu rentrer en Suède pour être auprès d’elle », raconte-t-elle, l’émotion palpable dans sa voix. « On a composé ce morceau pour l’accompagner dans cette épreuve. » En raccord avec le titre, l’éclairage prend les couleurs du soleil.

Après ce moment d’émotion vient celui des rappels, qui débute par un instant d’autodérision de la part d’Elin Larsson, qui ne regrette pas la fin de la tournée… et pour cause, « J’adore ma tenue de scène, mais avec les fêtes qui approchent, je commence à ressembler à un sapin de Noël ! » plaisante la dame en vert. Le premier des morceaux de rappel consiste en un dernier extrait de Birthday, I Don’t Wanna Get Back on that Horse Again — ou plus simplement réduit à la seconde moitié du titre —, suivi de Bye Bye Birdy, sur lequel la chanteuse part de nouveau à la rencontre des spectateurs. Enfin, Blues Pills clôt son set sur l’iconique Devil Man issu du premier album éponyme, que vient lui-même clore un saut impressionnant de la part d’Elin Larsson sur la dernière note. Enfin, les deux groupes se réunissent pour saluer le public ensemble, moment propice à de joyeuses et amicales embrassades entre les huit musiciens, mettant ainsi un point final à leur tournée commune dans l’euphorie générale. Bravo les artistes !

Sur ce concert plus rock que metal, plus fun que sérieux, se clôt une année de concerts riche en découvertes et nouvelles expériences pour vos deux acolytes lyonnais. L’année à venir en promet tout autant, si ce n’est plus… Bonne année 2025, et à bientôt !