Bonjour et merci de nous parler d’Arctis et de son premier album éponyme qui va bientôt sortir ! Première question à propos du groupe : comment vous êtes-vous tous rencontrés et qui a trouvé le nom ?

Björn : Avant Arctis, on avait un autre groupe. Je joue avec Mika [Paananen], le batteur, depuis 2003 ou 2004, donc ça fait vingt ans qu’on joue dans des groupes ensemble. Alva [Sandström] nous a rejoints en 2015 ou 2016. À ce moment, c’était son premier groupe, donc c’était tout nouveau pour elle. Michael [Mikander], l’autre guitariste, est arrivé en 2011, du coup ça fait presque quatorze ans qu’il est présent. Mats [Ödahl], le bassiste, je l’ai rencontré en 2006, ça fait dix-huit ans. Nous sommes tous de vieilles connaissances et de bons amis, du coup on a bien travaillé depuis tout ce temps. Le nom Arctis, en fait, je crois qu’il est issu d’un effort collectif. Pendant qu’on travaillait sur notre troisième album avec notre ancien groupe, ça a évolué au point de devenir très différent de ce qu’on faisait habituellement et, d’une certaine façon, c’est devenu Arctis. On était en mode «  Hey, créons un nouveau groupe, quelque chose dont chacun de nous peut faire partie depuis le début ! ». Ensuite, le nom Arctis est venu naturellement, parce qu’on habite tous près du cercle polaire arctique, si ce n’est pas carrément dedans. Si je ne me trompe pas, c’est à cinquante kilomètres au nord de là où on habite, là où le cercle fait le tour en passant par le cap Nord et tout le reste… du coup, c’est comme si on en faisait partie. C’était très naturel pour nous.

Votre premier album sort le 1er novembre. Comment vous sentez-vous vis-à-vis de cette sortie ?

Alva : Ça faisait longtemps qu’on attendait ce moment ! (rires) Ça fait déjà quelques années que l’album est terminé ; on a laissé passer le temps de la pandémie, alors que l’industrie était un peu désorganisée à cette période, comme chacun sait… On ne savait pas vraiment ce qu’il adviendrait d’un nouveau groupe qui sortirait un album ; il serait simplement tombé dans l’oubli et ainsi de suite… Du coup, en attendant, on en a profité pour beaucoup travailler sur les visuels. On a aussi écrit de la musique, bien sûr ; en tant que musicien, tu écris toujours de la musique quand tu n’as rien d’autre à faire. On a plein de démos… mais on ne va pas en parler. Ensuite, nous sommes partis en « shopping de label » parce que nous ne souhaitions pas dévoiler l’existence du groupe sans avoir de label derrière nous ni quelque chose à annoncer, comme la sortie d’un album ou une tournée. Aujourd’hui, tout cela arrive et c’est là qu’on se dit « Eh bien, ça y est, c’est le moment de nous dévoiler au monde et de montrer ce qu’on a ! » On est très heureux et très excités que tout ça puisse enfin se faire. Notre vieil album va être nouveau aux yeux du monde ! Donc oui, c’est super excitant pour nous.

Le projet Arctis est donc plus ancien qu’il n’y paraît à première vue… J’ai une question à propos de votre processus de composition : comment cela se passe-t-il ? Qui compose la musique et qui écrit les paroles ?

Björn : En fait, chacun de nous participe à l’écriture de toutes les parties. Dans le groupe précédent, c’était principalement moi, mais avec Arctis, on s’est vite rendu compte qu’on devait vraiment passer à un autre niveau et que ce n’était pas possible pour moi de tout gérer, du coup, tout le monde s’est joint à moi. Et ça n’en a aussi rendu la musique que meilleure, selon moi, étant donné que chacun peut apporter son expertise et sa touche personnelle au processus. C’est grâce à ça que la musique d’Arctis est telle qu’elle est. Je crois que c’est pour le mieux que chacun y prenne part.

Alva : C’est ça. Aujourd’hui, chaque morceau va passer entre les mains de chacun des membres du groupe avant d’être terminé et de sortir ; lors de la phase finale, on se réunit et on finit de l’écrire tous ensemble. C’est quelque chose de très spécial que de parvenir à tous travailler sur le même morceau à cinq.

Björn : C’est comme un film.

Oui, c’est l’impression que m’a renvoyé l’album : j’ai trouvé qu’il ressemblait à une bande originale de film… Toujours au sujet de cet album, je vois que vous exploitez beaucoup l’imagerie du grand nord et de l’hiver. Quelles sont vos autres influences ?

Alva : Eh bien, évidemment, le fait de vivre en Finlande, où il y a ce contraste entre les étés très lumineux et les hivers très sombres, c’est notre principale source d’inspiration pour les visuels et aussi pour la musique, puisqu’on y met aussi cette lumière et cette obscurité : on a ce mélange entre pop et metal avec un truc un peu « rocky » entre les deux… (rires) En dehors de cela, je dirais qu’on tire beaucoup de notre inspiration du monde moderne… en gros, du monde digital, de choses qui se passent, un peu de cyber par ici et un peu de science-fiction aussi… beaucoup de ces choses très « non naturelles ». On prend un peu de ceci, un peu de cela… C’est chouette, on baigne dans une étendue dans laquelle on peut choisir plein de choses : on peut partir dans telle ou telle direction avec un morceau et les visuels… mais la plupart du temps, on essaie d’être vraiment dans l’équilibre entre le naturel et le digital.

Björn : D’une certaine façon, c’est comme la Finlande elle-même : tu vas avoir un coin très high-tech avec une putain de forêt juste à côté ! (rires)

En écoutant l’album, j’ai trouvé qu’il est très « feel-good » et qu’il véhicule beaucoup d’émotions. Par exemple, Frozen Swan est un morceau très émouvant, I’ll Give You Hell est très catchy… De manière générale, les morceaux sonnent comme des hymnes. Du coup, quel est le message de fond que vous souhaitez transmettre au travers de cet album ?

Björn : Nous avons des thèmes que l’on aime inclure dans nos morceaux et nos textes. Ici, à coup sûr, on peut parler de rébellion, parce que le vœu le plus cher, ou plutôt le thème principal de l’album, c’est la liberté et la réalisation de soi. Par exemple, on a des chansons comme Theatre of Tragedy, dont le sujet est la lutte contre la maladie mentale… puis on en a d’autres comme WWM, qui parle de rébellion, et No Slave, qui est un hymne pro-athéisme dans le sens où on dit qu’on n’a « ni dieux ni maîtres ». On a ces thèmes, mais encore une fois, on aime bien laisser champ libre aux auditeurs de tirer leur propre histoire des morceaux, ce qui est important pour eux et ce que la chanson signifie pour eux… Tu vois, on ne veut pas imposer telle ou telle explication, parce que je me dis qu’en vrai, ce serait très ennuyeux si quelqu’un disait « Non, le thème c’est ça, point barre. » Du coup, on préfère garder une certaine ouverture.

Alva : Oui. Et à coup sûr aussi, certains textes parlent de choses qu’on a vécues nous-mêmes — pas tous, mais certains. Frozen Swan est une de ces chansons : ça évoque le souhait qu’on a de vouloir partir à la découverte du monde et ne pas rester coincés dans une petite ville à devoir faire un job ordinaire ou quelque chose comme ça… C’est ce que l’on souhaite et c’est très difficile, quand on vient de nulle part, d’arriver jusqu’au sommet ou que sais-je. Il faut se donner beaucoup de mal pour réaliser ses rêves.

Björn : C’est comme dans le film La Belle et la Bête, au début, avec la jeune fille qui rêve d’autre chose que de vivre dans un village de province, et qui veut vivre de folles aventures. (rires)

En vrai, c’est une jolie comparaison. À propos de votre style musical, il est catégorisé « metal moderne », mais cette appellation est un peu vague. Pourriez-vous nous expliquer votre définition de ce qu’on appelle « metal moderne » ?

Björn : C’est une question très difficile… J’ai toujours eu du mal à définir les genres musicaux. Le black metal, c’est facile dans un sens, parce qu’il est ce qu’il est, pareil pour le death metal et le thrash metal, etc. Mais définir ton style musical personnel, c’est vachement dur je trouve. Le metal moderne, c’est un concept très large ; c’est pour ça que je me dis que c’est ce qui nous correspond le mieux, parce qu’on essaie de mélanger différents éléments pour en faire quelque chose, en quelque sorte, de nouveau, de frais. On veut repousser un peu les limites, expérimenter. C’est pour ça que l’appellation « metal moderne » est peut-être celle qui va le mieux, mais je sais qu’elle est très floue.

Alva : Ouais, c’est un peu comme si on n’avait pas de genre pour le moment… du coup, si on devait mettre une étiquette dessus, c’était plus facile de choisir « metal moderne » parce que quelque part, ça laisse la porte ouverte sur la façon dont va sonner le prochain album : il pourrait correspondre encore plus à cette appellation, celle du metal moderne… Pour moi, c’est aussi une manière de ne pas se conformer exactement à un seul genre, parce que de nos jours, le metal est marqué par tellement d’influences qui viennent de beaucoup de genres différents… et c’est là que quelque part, ça devient du « metal moderne ». Mais je sais que beaucoup de gens considéreraient qu’on ne fait pas du metal moderne. Ils pensent que le metal moderne, ça sonne comme… eh bien, ouais, comme tous les autres groupes de metal moderne qui existent déjà ! C’est compliqué à décrire, mais je crois aussi que c’est un genre que tu peux t’attribuer quand tu n’en as pas vraiment, pour ainsi dire. Cela nous donne l’opportunité d’évoluer dans ce qu’on veut faire et comment le faire et aussi de s’inspirer de plein d’influences différentes.

Autre question à propos des morceaux : l’un comme l’autre, en avez-vous un préféré parmi ceux de l’album ?

Björn : J’aime beaucoup Theatre of Tragedy. C’est ma tasse de thé.

Alva : Frozen Swan est très chargé en émotion pour moi, donc si je dois en choisir un, c’est celui-ci.

Parmi les morceaux, il y a aussi une reprise, celle de Bimbo de Lambretta. Ce n’est pas une chanson si connue, donc qu’est-ce qui vous a motivés à la reprendre ?

Björn : Eh bien, en fait, c’est notre équipe de management qui nous l’a suggéré. C’est une chanson dont la sortie date du début des années 2000 et qu’on a entendue à la radio quand on était ados […] C’était une très bonne suggestion je trouve, parce qu’elle correspond assez bien à notre style. C’était vraiment sympa de reprendre cette chanson et d’en faire notre version… parce que, vois-tu, un bon morceau est un bon morceau, peu importe son âge ou ce qui en a été fait par le passé ! Cette chanson, c’est quelque chose qui fait partie de notre période adolescente, quand on a commencé à écouter du metal, parce qu’elle était diffusée en masse sur les radios en Finlande et en Suède au début des années 2000.

Alva : C’est ça. Tu peux faire une reprise de n’importe quelle chanson qui existe au monde. Mais dans ce cas, c’était une suggestion, et on était en mode « Eh bien, pourquoi pas ? » Parce que pour nous, il y a aussi un peu de nostalgie. Ce qui était assez amusant aussi, c’est qu’il s’agit aussi d’un groupe nordique, avec une chanteuse, donc… ouais, c’était marrant !

Où l’album a-t-il été enregistré ?

Björn : Il a été enregistré au studio de Jimmy Westerlund, et aussi chez nous à Jakobstad. On a fait beaucoup d’allers-retours entre les deux. Le système ferroviaire de Finlande nous remercie très fort, parce qu’on a probablement été ses meilleurs clients pendant les deux ans qu’on a passé à travailler sur l’album… La Finlande, c’est un pays en longueur, et très étroit aussi, et entre chez nous et Helsinki, il y a quelque chose comme 500, 600 kilomètres. Donc oui, on a beaucoup voyagé pour sortir cet album. Mais on a enregistré à un endroit et à l’autre, donc en un sens, il y avait deux studios.

Alva : Oui, et le train est pratiquement devenu notre troisième studio et notre troisième maison.

Björn : C’est ça ! On connaît sûrement mieux l’odeur, le confort et l’apparence des sièges que les gens qui bossent dans ces trains. (rires)

Qui a réalisé le visuel de la pochette ?

Björn : On le doit à Holger Fichte (https://www.360graddesign.com/). C’était une connaissance de notre management. C’est un très, très bon designer, je dois dire, je suis vraiment très content de son travail. J’ai eu une très chouette discussion avec lui au sujet de toute l’imagerie d’Arctis et des concerts, et il a posé les bonnes questions, il ne s’est pas contenté de demander ce qui correspondait, si tu vois ce que je veux dire. Il s’est aussi montré très intéressé de savoir ce qui ne correspondait pas à Arctis, du style « Est-ce une direction dans laquelle on ne devrait pas aller ? » Il déterminait les limites et on lui laissait champ libre une fois qu’elles étaient établies et je trouve qu’il en a tiré un très bon résultat.

Alva : C’est un mec super cool, c’est très sympa de bosser avec lui. C’était comme travailler avec un ami. Il a créé énormément de designs pour du merch et des pochettes d’albums. Certains des designs les plus iconiques de Rammstein sont de son œuvre, je crois bien. Il a aussi créé notre logo et le symbole qui l’accompagne.

Vous avez signé chez Napalm Records, ce qui n’est quand même pas si habituel pour un jeune groupe. Comment êtes-vous entrés en contact avec le label ?

Björn : Par notre management. En fait, l’équipe avait déjà eu des groupes signés chez Napalm Records par le passé, du coup le contact s’est établi tout naturellement. On avait reçu des offres par plusieurs autres labels, mais celle de Napalm a eu notre préférence, donc c’est ce qu’on a choisi. Ça collait bien.

Alva : Ce n’est pas facile de trouver un label aujourd’hui, mais on avait un accord qui leur convenait à eux aussi. En plus, tout le package était déjà prêt : on avait des clips, un album, tous les visuels… tout le travail qu’on avait déjà accompli et qu’on leur a présenté. Je pense que ça a été une bonne manière de procéder, parce que comme ça, tout était à disposition et les gens du label pouvaient se dire « Ok, on sort tout ça pour ce groupe et on passe au suivant », et par la suite ils prendront aussi part au processus.

C’est cool ! À propos de trucs cool, vous partez bientôt en tournée avec Apocalyptica. Ça doit être à la fois très excitant et stressant, étant donné que c’est un grand groupe…

Björn : Ouais… En suédois, on appelle ça Skrekblandenverchuisening (ndlr : le terme exact s’est perdu dans la traduction…), ce qui est un mix entre le stress et l’excitation. C’est probablement le terme qui résume le mieux la chose. (rires)

Alva : Oui, c’est vraiment quelque chose de spécial. Je veux dire, Arctis n’a jamais joué en live auparavant, c’est notre premier album et notre première tournée, et on a en plus la mission d’ouvrir pour un groupe légendaire… C’est un grand pas en avant et, quelque part, c’est comme ça qu’on doit s’y prendre pour avancer dans un monde musical aussi peuplé. Donc ouais, on se jette à l’eau.

Björn : Ouais, on doit évoluer ou mourir… (rires)

Avec quels autres groupes rêveriez-vous de partir en tournée ?

Björn : Ce serait super de partir en tournée avec Evanescence, Bring Me the Horizon et il y a d’autres grands groupes finlandais comme Nightwish avec qui ce serait cool de partager l’affiche aussi. Ce qui serait bien aussi, c’est de jouer avec les groupes avec lesquels on a grandi. Ce serait vraiment cool de se tenir là sur scène, d’ouvrir pour eux et de voir les choses de ce point de vue du show. Ce serait spécial.

Alva : Je pense aussi que ce serait super cool de partir en tournée avec des groupes qui sont aussi en train de construire leur début de carrière en ce moment, parce qu’on se rejoint sur le fait qu’on est tous là dans la perspective de se développer et de devenir plus connus, et ça devient un genre de club ! (rires)

Björn : C’est un mouvement, comme celui des groupes de metalcore et de hardcore au début des années 2000. Ils étaient tous dans la même situation et c’est devenu une force avec laquelle il fallait compter. Du coup, comme Alva vient de le dire, ce serait aussi très excitant de faire partie de cette « nouvelle vague ».

Avez-vous aussi prévu de jouer à des festivals ?

Björn : Oui ! On ne peut pas en parler en détails pour l’instant, mais on a prévu de jouer à plusieurs festivals l’année prochaine. L’année à venir va être chargée pour nous, parce qu’on va devoir préparer un deuxième album et donner plein de concerts… donc ouais, vous pouvez être sûrs que vous allez entendre parler de nous ! (rires)

Alva : En vrai, on est déjà en train de travailler sur un album, du coup… oui, il va se passer plein de choses !

On arrive à la fin de l’interview ; merci beaucoup pour vos réponses ! Avez-vous quelques derniers mots pour le public ?

Björn : Ouais ! Jetez une oreille à l’album quand il sortira et venez aux concerts si vous en avez la possibilité ! On sera présents au stand de merch après notre passage sur scène, donc si vous voulez, passez nous faire un petit coucou.

Alva : Oui, venez aux concerts en France si vous pouvez ! Je veux dire, c’est Apocalyptica en tête d’affiche…

Björn : Ce sera un super concert.