Wintersun
Time II
Genre melodic death metal
Pays Finlande
Label Nuclear Blast
Date de sortie 30/08/2024

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En premier lieu, que dire mis à part « enfin » ? Depuis environ douze ans, Time II, l’album tant attendu des Finlandais de Wintersun est resté inachevé. En toile de fond, une controverse qui a malheureusement pris de l’ampleur. Entre des retards incessants, des problèmes de financement et une communication perçue comme opaque, l’album est devenu un symbole de frustration parmi les fans. Alors que certains continuaient de croire en la vision artistique de Jari Mäenpää, d’autres voyaient dans cette saga une promesse non tenue, faisant de Time II l’un des projets les plus controversés de l’histoire récente du metal. C’est donc avec un sentiment réellement positif mais teinté d’une certaine amertume suite à ces nombreux épisodes que je démarre l’analyse de cet album.

Nous démarrons avec Fields of Snow qui nous emmène clairement dans l’univers de Wintersun avec cette intro instrumentale qui rappelle celle de l’album Time. On observe que le son d’instruments traditionnels japonais (shakuhachi et erhu, si je ne dis pas de bêtises !) a été très bien combiné avec les nappes orchestrales que Jari nous sert pour notre plus grand plaisir. L’ajout d’un chœur sur la fin donne vraiment un aspect épique à l’ensemble. Je ne résiste pas à l’envie de regarder la pochette de l’album pendant l’écoute de cette intro, pour profiter d’un aspect visuel supplémentaire.

The Way of the Fire démarre en fanfare. J’ai souvent dit dans d’autres chroniques que (trop souvent ?) certains instruments auraient mérité d’être plus en avant dans le mix. Pour le coup, ce n’est absolument pas le cas et Jari frôle la perfection au niveau du mix.

Les voix, à la fois puissantes et épiques, s’imposent avec force. Elles sont accentuées par un orchestre qui ajoute une dimension grandiose à l’ensemble. La performance technique évoque les grandes heures du power metal des années 90, mais dans une production clairement actuelle. Les moments plus calmes sont rapidement balayés par des passages percutants, augmentant encore l’intensité de l’expérience de l’auditeur. Mention spéciale pour la batterie, qui offre un véritable tour de force en termes de vitesse et de puissance, au point de faire penser que Kai Hahto est sous-exploité dans ses autres projets…

Mention spéciale aux guitares également. On assiste ici à un festival technique et très mélodique, sans cette envie de dire « OK, on a compris que tu sais bien jouer ». En effet, cette virtuosité est au service de l’ensemble et n’est pas qu’une cerise sur le gâteau.

On enchaîne ensuite avec One with the Shadows, qui démarre sur un tempo plus lent avec un magnifique solo non moins technique, mais sur lequel on sort de l’aspect « scolaire » du shred pour vraiment faire « chanter » l’instrument. On assiste ici à une belle démonstration vocale, en passant du chant typé black metal à des parties claires avec un léger grain dans la voix. Au niveau des paroles, on ne respire clairement pas l’optimisme. Cependant, le texte peut laisser place à de nombreuses interprétations personnelles. Difficile de ne pas s’imaginer seul lors d’une soirée hivernale en Laponie lorsqu’on se plonge dans ce texte.

Ominous Clouds, quant à lui, est un morceau instrumental qui, comme bien souvent avec les morceaux instrumentaux de Wintersun, est un tremplin vers le suivant. Cependant ici, on a droit à un magnifique solo de guitare très néo-classique (le tone n’est pas sans rappeler celui d’un certain Yngwie Malmsteen…)

S’ensuit Storm, un morceau de pas moins de douze minutes, dont le début reprend très bien la fin d’Ominous Clouds en présentant des arpèges dans la même tonalité. Lors de ma première écoute, j’assiste littéralement à un coup de génie et je découvre une magnifique référence musicale. En effet, j’ai personnellement toujours adoré la musique baroque et un certain Antonio Vivaldi, auquel ce morceau fait clairement un clin d’œil, tant par le titre que par la composition. On décèle bien évidemment des références à l’été du génie italien. Les puristes apprécieront et les néophytes découvriront.

La rythmique de Storm est extrêmement accrocheuse et le solo va clairement donner à tous les guitaristes un joli travail d’étude pour ce qui est des arpèges et de l’aspect mélodique. Teemu Mäntysaari nous offre ici une magnifique démonstration dans deux parties solo qui allient encore une fois cette virtuosité et le véritable aspect « chanté » des guitares. Les plus âgés d’entre nous parleront de « feeling » intense de la guitare lead. On observe également un bruit d’orage sur certains passages. C’est certes le nom du morceau, mais je ne résiste pas à l’envie de faire un parallèle à une œuvre écrite en 1880, dans laquelle un certain Tchaïkovski avait fait intervenir des canons dans l’orchestre. On est clairement dans la même ambiance qui permet d’entrer plus facilement dans le contexte de l’œuvre, et Wintersun réalise cette intégration de manière magistrale ! Chapeau !

Le morceau se termine une nouvelle fois avec des instruments japonais, faisant penser à la fin d’un typhon incroyable s’étant abattu durant une heure sur le Pays du Soleil Levant. C’est réellement le feeling que j’ai eu à ce stade de l’écoute. Mention spéciale au bruit d’eau sur ce passage, que Jari Mäenpää a magnifiquement intégré. Il a clairement pensé à tout, pour notre plus grand plaisir.

À ce stade, peut-on relever quelque chose de négatif ? Le risque est surtout dû au fait que la production est tellement bien finie que je suis curieux de voir ce que cela peut donner en live. On aura clairement droit à énormément de sampling, ce qui n’est pas toujours bien vu et peut laisser un stress technique tant aux musiciens qu’à l’équipe technique : « pourvu que tout tienne… ».

Pour clôturer ce d’ores et déjà chef-d’œuvre, Silver Leaves nous replonge une nouvelle fois dans ce contexte japonais, avec une mélodie splendide qui donnerait envie d’aller y faire un tour rien que pour essayer des instruments de musique. Cependant, le fait d’intégrer des aspects mélodiques japonais directement dans la mélodie de guitare, et de laisser la seconde guitare faire des « longs » accords derrière, renforce une nouvelle fois cette fusion entre le traditionnel japonais et la violence du death finlandais. C’est habile, très prenant et on en redemande.

Pour terminer, on peut dire que Wintersun sait prendre le temps de peaufiner sa musique, et bien que l’attente pour Time II ait été longue, elle en valait la peine. Cette suite grandiose au premier volet témoigne du génie de Jari Mäenpää, qui parvient une fois de plus à livrer un album incontournable en mélangeant habilement de nombreuses influences et en créant des atmosphères épiques sans jamais laisser l’auditeur s’ennuyer.

Je pense que l’on tient ici mon coup de cœur de 2024 jusqu’à maintenant.

Line-up :

Jari Mäenpää: Vocals, Guitar, Computer

Teemu Mäntysaari: Guitar

Jukka Koskinen: Bass

Kai Hahto: Drums

Tracklist :

Fields Of Snow 04:05

The Way Of The Fire 10:08

One With The Shadows 06:18

Ominous Clouds 02:21

Storm 12:15

Silver Leaves 13:30