En 2025, Helloween fête officiellement ses quarante ans, ou plus exactement les quarante ans de son premier EP éponyme, puisque le groupe hambourgeois s’est formé deux ans avant sa sortie. Direction la Rockhal, à Esch-sur-Alzette (LU) pour assister au coup d’envoi de la tournée européenne visant à célébrer dignement cet anniversaire, mais aussi à promouvoir le très recommandable album Giants & Monsters, d’ailleurs chaudement plébiscité par Metal Alliance Mag, comme vous avez pu ou pouvez le lire dans notre chronique.
Comme pour mettre les petits plats dans les grands, l’occasion de jouer en première partie est offerte à Beast in Black. Si les Finlandais jouissent aujourd’hui d’un statut déjà bien établi de tête d’affiche, une telle opportunité de glaner encore de nouveaux fans ne se refuse évidemment pas. Un coup gagnant pour Helloween aussi, soit dit en passant, qui, bien que sa popularité soit toujours au beau fixe depuis la réintégration de Michael Kiske et de Kai Hansen, s’assure ainsi la présence de fans venus en premier lieu pour applaudir Beast in Black.
Le groupe d’Anton Kabanen (guitare, ex-Battle Beast) réjouit le public avec une setlist piochant de façon équilibrée dans ses trois albums, Berserker (2017), From Hell with Love (2019) et Dark Connection (2021). Il n’oublie pas non plus les titres uniquement parus en singles, respectivement en 2024 et 2025, que sont Power of the Beast, en ouverture du show, et Enter the Behelit par la suite. Les musiciens bougent et occupent l’espace scénique à la perfection, enchaînant les poses et autres attitudes sympathiques — sans excès toutefois — dans ce qui s’apparente à une sorte de chorégraphie typique du heavy metal, qui fait tellement partie du délire que ceux qui ne la pratiquent pas ou la critiquent n’ont décidément rien compris. À ce petit jeu, la palme revient assurément à Kasperi Heikkinen (guitare), avec sa tenue bigarrée, son éternelle guitare vert fluo et son sourire Pepsodent. Yannis Papadopoulos (chant) assure quant à lui pleinement son rôle de meneur de revue et offre une prestation vocale alternant sa voix agressive — presque trop, par moments, en comparaison du chant tel qu’il est posé sur les albums — et celle au timbre plus doux et quasi féminin, très appropriée aux hymnes symphonico-pop qui ont fait la renommée du groupe.
Si la position de première partie empêche le déploiement d’un light show conséquent, d’effets visuels et de tout décor scénique, Beast in Black réalise une belle prestation et s’est mis le public dans la poche, celui-ci se montrant très réceptif et chaleureux à bien des occasions, les hits que sont Sweet True Lies, Die by the Blade ou encore One Night in Tokyo, faisant encore monter la ferveur d’un cran. Yannis annoncera la sortie d’un nouvel album courant 2026 suivie d’une tournée en tête d’affiche qui passera dans la même salle en novembre. Qu’on se le dise !
Il nous tardait de savoir ce que nous réservait Helloween, qui s’attelait à la double tâche de célébrer le fameux cap des quarante ans du premier EP et de promouvoir dignement le nouvel album Giants & Monsters. Pas de nouveau titre déboulant en trombe en début de concert, mais entrée en matière avec le majestueux March of Time, extrait de Keeper of the Seven Keys Part II, auquel font suite The King for a 1000 Years, tiré de Keeper of the Seven Keys – The Legacy (souvent dénommé Keeper Part III) et l’hymne Future World (Keeper… Part I). Les musiciens se succèdent, seuls ou deux à deux, sur l’avant-scène qui se prolonge dans le public, mettant en évidence leurs prouesses instrumentales ou vocales. Comme nous en avons maintenant l’habitude, la paire Andi Deris/Michael Kiske opère de manière à ce que les parties vocales de chacun s’harmonisent au mieux avec la partie de chant à interpréter, indépendamment du fait que l’un ou l’autre ait posé sa voix sur album. Ils semblent, du moins en apparence, s’entendre comme larrons en foire, sans qu’aucun ne donne l’impression de vouloir tirer la couverture à lui. Cela ferait de toute façon mauvais genre en public.
Étrangement, mais cette impression est peut-être toute subjective, Kai Hansen semble rester quelque peu en retrait, du moins au début. Mais il se lâchera assez vite, ce d’autant plus à partir de Ride the Sky (Walls of Jericho, 1985), sur lequel il assurera évidemment le chant comme il le faisait à l’époque et qui sera interprété dans son entièreté plutôt que dans un medley « de l’époque Kai Hansen« , contrairement à ce qui fut souvent proposé durant les quelques précédentes tournées. Et mon Dieu, ce titre le vaut bien !
La setlist alterne entre anciens et nouveaux titres, créant la surprise en permanence en évitant toute logique chronologique. Elle offre en outre la possibilité de réentendre quelques extraits bien choisis d’albums pourtant mineurs, voire peu appréciés, comme Pink Bubbles Go Ape, remis en valeur par le biais de sa plage titulaire interprétée en acoustique, mais aussi Better than Raw et Rabbit Don’t Come Easy, représentés respectivement par Hey Lord! et Hell Was Made in Heaven.
Le côté nonchalant de Michael Weikath fait toujours sourire et l’humour helloweenien est de sortie, notamment lorsqu’Andi et Michael Kiske, en pleine session acoustique pour Pink Bubbles…, In the Middle of a Heartbeat et A Tale That Wasn’t Right (qui finira en électrique), font semblant de meubler en racontant au public que les autres sont partis en griller une : « On est là comme des cons… c’est ce qui arrive quand on a des fumeurs dans le groupe« . Andi, apparemment fier d’aborder la soixantaine en forme olympique, nous rappellera au mois trois fois son âge pendant la soirée, qui se termine en apothéose avec Eagle Fly Free, A Little Is a Little Too Much, nouveau titre ultra catchy et certainement un futur classique, et le méga hit Dr. Stein.
Beaucoup de groupes nous ont déjà fait le coup des trois guitaristes. Helloween fait plus fort en alignant trois gratteux et trois chanteurs… et cela passe comme une lettre à la poste. Grâce, c’est certain, à un talent inné, à un répertoire d’exception, à un humour bon enfant bienvenu, ainsi qu’à une positivité émanant de la musique et irradiant tout sur son passage. En cela, Helloween a sans doute créé ce que d’aucuns appellent aujourd’hui le happy metal, mais bien plus encore. Adepte de ce que l’on nommait à l’époque le speed mélodique qui s’est petit à petit mué en ce que l’on connaît aujourd’hui sous l’appellation de power metal, Helloween fait partie de ces grands précurseurs qui gardent néanmoins toute leur pertinence dans le monde contemporain et le prouvent à coups d’albums de haute volée et de concerts fantastiques.








